Citations sur Un petit jouet mécanique (27)
(...) le seul bébé mort dont il ait jamais entendu parler avait été dévoré par un cochon sauvage, sa mère ayant oublié de l'attacher au mur avant de partir aux champs. Vous, vous aviez hurlé d'épouvante, et puis qu'est-ce que c'est que ces histoires de bébés accrochés aux murs ? On vous avait expliqué alors cette tradition paysanne que vous ignoriez totalement, pendre les nourrissons à un crochet dans le mur par les bandelettes de l'emmaillotage pour ne pas, précisément, que les cochons les mangent. (p. 49)
Mais bien vite, vous aviez découvert quel serait, à jamais, le revers de la médaille : une clé qui pèserait autour du cou comme un boulet. Il y aurait Acquargento désormais, nous n’irions plus jamais ailleurs.
"Dans votre chambre cocotte-minute, vous dessinez, la sueur au front. De grands portraits de Léa que vous n'avez plus besoin d'avoir sous les yeux pour croquer (...) Pour dessiner Léa, il faut que la main soit ronde, fluide, comme celle d'un violoniste, et trace des courbes légères à estomper au pastel rosé. Vous n'oubliez pas les bouclettes blondes, les yeux sans nuage, la bouche en bouton de rose (...) Vous n'oubliez jamais de mettre près de la fillette, ou serré dans son poing, ce petit canard mécanique qu'elle traîne partout."
Vous vous dites : rien n'est moins rock'n roll qu'une plage corse. Vous peinez à imaginer Patti Smith, Blondie ou Siouxsie Sioux, en maillot turquoise, en train de cuire sur des serviettes bigarrées. (p. 24)
Chaque été depuis sept ans, l'auto ainsi chargée traverse son petit espace de Méditerranée pour aller vomir ses occupants et son barda au milieu de nulle part. Les Jorand, après la dispute qui ne manquait jamais d'entacher ces heures de chargement méticuleux et presque mathématique, juraient que c'était la dernière année qu'on les y prenait. Et l'été suivant, on embarquait de nouveau avec une auto qui touchait terre. (p. 12-13)
Et à présent que vous avez seize ans, vous vous rendez compte que c'est exactement cela votre idéal : la liberté de la solitude, et de temps à autre, comme une parenthèse intense, la fabuleuse fusion de deux désirs partagés.
Les yeux toujours fixés sur l’horizon, Alessio vous a répondu : Je me disais bien que tu étais différente des autres, tu es la seule personne que j’ai croisée ici depuis mon arrivée qui ait eu l’air de penser.
On va faire semblant d'aller dormir mais vous savez que c'est une torpeur de serpent, on vous surveille. Demain matin, on vous demandera pourquoi vous avez laissé la lumière allumée si longtemps, pourquoi on vous a entendue marcher, si c'était vraiment la peine d'écouter votre musique jusqu'à si tard.
(...) du temps de l'enfance, (...) la plage était un univers excitant et terriblement drôle dont bientôt, à l'heure de la rentrée des classes, vous auriez une douloureuse nostalgie. Mais aujourd'hui, à seize ans, vous vous dites que ce n'est qu'un mauvais moment à passer avant de rentrer à la maison et retrouver enfin votre petit monde de l'intérieur. (p. 21-22)
C'est à Acquargento que vous avez appris ce qu'étaient réellement les ténèbres, quand, le visage libre offert à la brise nocturne, vous avez l'impression qu'on vous a crevé les yeux. Le noir comme un tombeau, vous pourriez presque le toucher comme s'il avait des parois.