Brisés, tome 1 : In the darkness

Mais ce que je voudrais, c’est partir. Loin d’ici. Loin de lui. Voilà à quel point j’ai mal. Mais je fais bonne figure, je souris. Je ne laisse pas les autres voir à quel point je suis à terre. Comme je l’ai dit, ils ne comprendraient pas. Ils ne savent rien, je n’ai pas envie que les gens soient au courant. Ça ne regarde personne. Alors pour eux, je ne suis qu’une gamine qui s’est faite plaquer par son petit copain. Sauf que non, ce jour là, il m’a privée d’oxygène. Il m’avait relevée de terre pour mieux me jeter d’une falaise. Voilà comment je vois les choses.

Sa plainte sonne. Elle me semble mensongère. Je recule. Je déteste être tombée amoureuse de lui, je le déteste de m’avoir impliquée dans toute cette histoire alors que ce n’était pas de ma faute. S’il m’a observée, il devait savoir combien j’ai déjà souffert. Pourquoi moi ? Pourquoi m’afficher ces horreurs ? Tout ce qu’il a fait s’est rassembler les morceaux de moi pour mieux les briser à nouveau.

Je me lève de ma chaise et quitte le café. Je suffoque. Le monde, les gens, la vie… La légèreté des autres me rend envieuse. Le voir, lui parler… Autrefois, j’aurais donné n’importe quoi pour lui. Aujourd’hui, notre histoire n’est plus qu’une marque dans mon esprit que j’aimerais pouvoir effacer. La souffrance, l’agressivité, la douleur, je ne garde plus que le négatif. Pourtant, à une époque, je l’ai aimé. Lui et ses ombres. Mais celles-ci ont tout englouti, tout ravagé. Elles l’ont détruit, nous ont détruits, mais j’ai aussi ma part de responsabilité. Alors que j’aurais dû l’aider, je n’ai fait que l’enfoncer un peu plus. Voilà toutes les choses que j’aurais dû lui dire, si j’en avais eu le courage.

Un léger sourire étire ses lèvres. Je m’approche de lui et me mets sur la pointe des pieds. Je m’accroche à son cou et pose mes lèvres sur les siennes. Mon baiser est chaste mais cela ne semble pas le déranger. Je me détache de lui et recule, la tête basse. Je vais me retourner quand X m’attrape le bras et m’embrasse à son tour. Il attrape mes hanches et me rapproche de lui. Son baiser à lui n’est pas aussi léger que le mien, il est plus féroce, plus conquérant. Je soupire d’aise et lui rends son étreinte.

– Sam, c’est quoi l’amour ?
– L’amour ? C’est tout donner à l’autre sans rien attendre en retour, c’est être prêt à se sacrifier pour l’autre, c’est tellement de choses…
[…]
– Pourquoi tu me demandes ça ?
– Je ne sais pas, ça fait peur un peu quand même. Faire passer l’autre avant soi…
– Ça, c’est parce que t’es une petite princesse ingrate, se moque-t-il.

Je le fusil du regard. Mais il poursuit.

– Ça fait peur oui, mais c’est viscéral.

Il rit à nouveau, mais ce sont me fait mal. Car je sais à quel point il ressemble à une plainte. Même si sa bouche s’étire, son rire n’atteint pas ses yeux.

Je me détache un peu de lui pour qu’il me regarde. S’il m’est arrivé de voir dans le regard de X, de la colère, des secrets, je n’ai jamais fait face au regard qu’il arbore maintenant. C’est beaux yeux gris vert ne reflètent que de la détresse. Je prends son visage entre mes mains et me force à me regarder. Il me surprend en me prenant à nouveau dans ses bras, il s’agrippe à mon T-shirt. Il resserre son étreinte à m’en faire mal mais s’il a besoin de ça pour savoir que je suis là, alors il peut bien me briser tous les os.

Je suis figée face à la scène qui se joue sous mes yeux. X semble me remarquer mais ne détourne pas le regard. Je reprends ma respiration me fais violence pour quitter ce porche silencieusement possible. J’ouvre la porte et inspire un grand coup. Je commence à marcher et chaque pas m’éloigne de lui, de cette douleur à la gorge. Je me déteste de lui avoir couru après. Je me déteste de ressentir de la jalousie. Je continue de marcher et arrive devant la bouche du métro. J’hésite puis, finalement, je décide de continuer ma route.

La seule réponse qui me parvient est celle du silence. Je décide de poursuivre en lui racontant les événements qui ont eu lieu depuis son départ. Une fois mon long discours terminé, je respire un grand coup. Je ne pensais pas que ça me ferait autant de bien. Et paradoxalement, le silence est oppressant, écrasant. Je m’allonge sur mon plaide et décide de mettre en route notre playlist commune. La nuit est déjà tombée, elle tombe toujours tôt en hiver, et je peux contempler les étoiles.
La playlist se poursuit puis une piste dont je n’ai pas le souvenir débute.

Moi aussi, je suis désolée. D’avoir espéré, d’avoir lutté, d’avoir cru que je pourrais le sauver. Je suis désolée de l’avoir rendu malheureux. Je suis désolée de l’avoir détruit.
Nous nous éloignons de ce qui fut un bout de ma vie.