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Critique de bobfutur


Édition de 1971 chez Jean-Jacques Pauvert

Une vraie curiosité… car il faut en avoir… pour en voir le bout…
Un livre qu'il faut absolument contextualiser… et je ne vais paraphraser et me contenter de vous reproduire ce qu'en dit très bien le site personnel de l'auteur ( oeuvre de Nicole Martellotto ), le schisme vécu à la lecture de ce livre ne me laissant que peu de force… quelques vagues envies de commentaires au mieux :

« Un demi-siècle après sa parution, qu'en est-il du Château de Cène ? le scandale et le procès provoqués par sa publication sont aujourd'hui bien loin : ce brûlot longtemps interdit est devenu l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature érotique, publié dans huit éditions successives dont la prestigieuse collection “L'Imaginaire” de Gallimard. Mais depuis, constate Bernard Noël, la censure s'est “faite plus subtile en privant de sens – donc de plaisir – aussi bien les excès imaginaires que les valeurs raisonnables. »

Qu'un professeur de lettres modernes s'y attaque de nouveau, et l'on finira forcément avec un scandale et des appels au bûcher… continuons :

« “ Longtemps, j'ai porté ce livre comme un péché originel ”, dit-il, gêné que des lecteurs associent son nom à ce seul titre et le réduisent ainsi à un objet de consommation. Pourquoi ce texte ? Pendant une dizaine d'années, l'auteur s'était verrouillé dans le silence, effaré par la violence du monde et particulièrement par la guerre d'Algérie et le colonialisme. C'est en traversant l'horreur et la bestialité, par l'écriture qui s'est mise à fuser en lui début 1969, qu'il a osé lever sa censure intérieure. Cette libération jubilatoire en a fait un écrivain à part entière. “ Il s'est trouvé que la pornographie et l'érotisme étaient seuls propres à traduire un certain nombre de choses que je ne pouvais dire autrement ”, explique-t-il, lui qui a voulu, sous le régime gaulliste, “ parler de ce qui est bas parce que c'est ce qui est encore le moins compromis. ”
Le succès rencontré par un tel livre est donc équivoque pour son auteur : ne serait-il pas dû au parfum sulfureux du Château de Cène plutôt qu'à ses qualités littéraires et à son impact politique ? »

Car sans cette mise au point, forcément ignorée par une part non-négligeable de son lectorat, comment digérer un tel livre ?

« En février 1958, il rédige une première version du Château de Cène. “Cent pages en une semaine”, écrira-t-il à Georges Perros en 1965. Les quatre premiers chapitres serviront de base à la version ultérieure. La scène avec les chiens y est déjà présente. “J'en étais si embarrassé, si gêné moi-même, que je l'ai mise de côté et oubliée pendant près de onze ans”, dit-il à Jean-Pierre Vélis. Des autres chapitres de cette version primitive ne subsistera que l'histoire de Kao, le grand singe. En 1973, Bernard Noël confie à Jean Frémon : “Un soir en écrivant la première version du Château, je me suis vu devenir fou, et ça ne ressemblait pas du tout à ce que j'aurais cru. Aucune explosion. le contraire. Ma tête était un tourbillon qui se précipitait vers le dedans – qui implosait.” »

Réaction à la violence de la guerre d'Algérie (personnellement témoin de la répression aveugle de l'Etat envers les intellectuels « métropolitain »), Bernard Noël va progressivement s'impliquer dans les réseaux en faveur de l'indépendance, jusqu'à son incarcération pour quelques semaines…

1969 - « Dans un “état d'exaltation et de détresse”, fin janvier, Bernard Noël s'enferme chez lui pendant trois semaines et rédige le Château de Cène, (…) “Pour la première fois de ma vie, j'écris vite, comme émergeant enfin de ces années où je comptais mes mots.”
Début février, le général De Gaulle prononce en Bretagne des discours dont “l'insupportable bonne conscience” déclenche la violence verbale du dixième chapitre.
Le livre terminé en comporte bien onze et il paraît aux éditions Jérôme Martineau le 27 juin, sous le nom d'Urbain d'Orlhac (…).
Le 3 décembre, le livre est frappé de trois interdictions : affichage, publicité et vente aux mineurs. »

1970 - « Fin septembre, l'édition Martineau est saisie. Plus aucun exemplaire ne circule. »
1971 - « Le 23 novembre, le Château de Cène paraît chez Jean-Jacques Pauvert dans une version remaniée. Il est désormais signé du nom de “Bernard Noël”. L'auteur est convoqué peu après à la Brigade mondaine. Il reconnaît être “Urbain d'Orlhac” et il est inculpé pour “outrage aux bonnes moeurs”. »

Bon nombre d'intellectuels, tous bords confondus, vont alors monter au créneau (à l'époque, on pouvait dire « forcément »).

1973 - « Le 25 juin, Bernard Noël comparaît devant la 17e chambre correctionnelle.
Le 9 juillet, le Château de Cène est jugé “contraire aux bonnes moeurs” : tous les exemplaires devront être saisis et détruits. L'auteur est condamné à payer une amende de 3000 francs.
Bernard Noël fait appel de son jugement, ce qui suspend l'application de la peine. »
1975 - « Le 4 janvier, il comparaît devant la 11e chambre de la Cour d'appel. Il doit assurer seul sa défense car cette fois, Me Badinter et son confrère ne se sont pas déplacés. Sur les conseils de l'avocat de l'imprimeur (qui a fait appel lui aussi), Bernard Noël demande à bénéficier de la loi d'amnistie consécutive à l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence de la République. Sa demande est acceptée.
Le Château de Cène est republié le 30 avril chez Jean-Jacques Pauvert, augmenté cette fois de L'Outrage aux mots, contre-offensive à l'accusation d'outrage aux bonnes moeurs écrite du 13 au 20 février, à la demande de l'éditeur. Ce premier texte ouvertement politique est capital parce qu'il définit pour la première fois la “sensure”, mot créé par Bernard Noël pour caractériser un pouvoir qui fait croire à la liberté d'expression mais qui “violente la langue en la dénaturant”. “La privation de sens est la forme la plus subtile du lavage de cerveau, car elle s'opère à l'insu de sa victime.” 
1977 - le livre est autorisé à reparaître. »

La version que j'ai lue n'incluait pas cette sorte de postface éclairante, bien que l'oeuvre reste quoi qu'il arrive dans un fond d'obscurité, ou toute autre métaphore pour exprimer les frissons d'effroi qu'elle procure…
J'emprunterais volontiers à la critique de Madame Laura Boisset, matronne des éditons des Véliplanchistes, le terme de « littérature de transgression » pour résumer ce livre ( mais le reste, je lui laisse, ayant suffisamment d'un singe et de deux chiens, à défaut d'une guenon et quelques chiennes… )

Je vous laisse avec trois tonnes de silences embarrassés, de clignements d'yeux fatigués, d'indignations laissées aux autres, oubliant déjà le trouble qu'opéra une comtesse rousse, préférant me vouer aux sélénites pour voyager… gardant la naturalité pour provoquer… la réalité…


P.S : ( ci-joint l'adresse du site de Nicole Burle-Martellotto « Atelier Bernard Noël - Site de ressources » dont je me suis amplement servi, la remerciant pour son travail qui m'aura, malgré tout, donné l'envie de continuer à explorer cette oeuvre. )
Lien : https://atelier-bernardnoel...
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