L'ordre moral est moins obtus qu'on serait tenté de le croire. L'ordre moral, c'est l'ordre de l'esprit. Il peut fort bien se servir de ce qui, apparemment, le conteste, : l'érotisme, par exemple.
Un coup de pied me fait taire. Le chien redouble d'ardeur: Sa truffe humide se glisse entre mes fesses, renifle l'anus, puis sa langue s'acharne, veut forcer le sphincter. Ma bitte bat à se rompre..
Elle tendit vers mon bas-ventre l'un de ses pieds nus, et j'en adorai la courbe alors qu'il soupesait ce double sac qui est l'attribut de la virilité.
la source, c'est la bouche qui nous gouverne et qui fait abus de sens comme de pouvoir - abus qui pourrit la langue et la communication - abus qu'il faut dénoncer, même ici - surtout ici - car il mine l'instrument de l'imaginaire puisque nous sommes solidaires de toute la langue à laquelle violence est faite
Ma terre est une immense terrasse au bout de laquelle il y a le ciel; puis le ciel et la mer quand j'ai fait quelques pas. Le sol est dallé de marbre blanc veiné de gris, de telle sorte qu'on dirait la surface du lait. De grands squelettes y flottent, qui semblent moins des sculptures de fer que des rapaces desséchés. Et le ciel, à travers les os noirs, est d'un bleu solide - une espèce de carrière verticale où l'on aimerait tailler des blocs transparents et durs pour s'y bâtir un escalier.
Des cris. Ils recommencent encore. Je les entends, et pourtant je n'entends rien. Je voudrais savoir ce qu'ils disent. Je l'ai su. Je cherche ce qui les censure en moi, maintenant. Des cris, comme d'une femme rendue folle. En les écoutant je me disais: il ne doit rien se passer ici. Il ne se passait rien que ces cris. La nuit. J'avais peur et j'avais raison d'avoir peur. Sale bicot, m'avaient dit les gardiens.
(L'outrage aux mots)
Mais à force de regarder, du temps a passé, et l'habitude vient de produire quelques mots à l'arrière du regard, et ils travaillent déjà à reproduire ce qui me suffisait à l'état de pur regard, et qui ne me suffit plus dès lors que j'essaie de l'exprimer [...]. Je vois la réalité se gommer dans ce que j'en dis; je la vois devenir seulement pratique.
L'ordre moral est beaucoup moins obtus qu'on serait tenté de le croire. L'ordre moral, c'est l'ordre de l'esprit. Il peut fort bien se servir de ce qui, apparemment, le conteste : l'érotisme, par exemple. L'érotisme n'est pas un retour au corps, il n'est qu'une intensification narcissique de son image. Et cette image censure, dans le corps, tout ce qui est organique, tout ce qui est physique. On a jamais autant montré de corps, et ceux-ci n'ont jamais été aussi peu des corps. Ce sont des objets, toujours neufs, toujours beaux, et qui paupérisent également le désir en le stylisant. Quand l'ordre moral montre son cul ou ses poils, pas de problème, c'est encore l'idéalité qu'il nous montre.
Dans l'Outrage aux mots.