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Critique de gruz


Olivier Norek écrit un nouveau chapitre à sa success-story. Il met de coté le capitaine Victor Coste, héros récurrent de ses trois précédents romans, et vient accoster du coté de Calais.

Entre deux mondes a le rythme d'un thriller, mais des thématiques typiques du roman noir. Un « thrillnoir » ? Voilà un livre qui porte en tout cas bien son nom, entre ces deux mondes qui ont de plus en plus d'atomes crochus.

Oui, ce roman, d'une puissance inimaginable, est totalement ancré dans la réalité. Il propose une fiction si crédible et si intense qu'il laisse le lecteur pantelant. C'est mon cas, avec ce récit gravé au fer rouge dans ma mémoire.

Appelons un chat un chat : cette histoire parle de migrants et se déroule pour partie dans la jungle de Calais juste avant son démantèlement (autant le préciser puisque le résumé n'en fait aucunement état). Une zone de non droit, quel que soit le camp, migrants, ONG ou forces de l'ordre (mais y a-t-il encore une notion de camp dans un tel espace de promiscuité ?)

Arrivée du flic qui découvre la jungle : « Rien ne correspondait aux références habituelles de Bastien. Nouveaux sons, nouvelles odeurs, nouveaux types de visages. Il fut saisi d'une légère sensation de déséquilibre interne ».

Voilà bien le genre de sujet sensible, difficile à traiter dans le cadre d'une fiction. Difficile de trouver le bon équilibre sans stigmatiser personne à travers une réalité effroyablement complexe à gérer au quotidien. Olivier Norek réalise cet exploit avec un talent doublé d'une conviction qui ne peuvent que laisser admiratif.

A mon sens, l'auteur a choisi la meilleure voie pour traiter son histoire : celle de l'humain. A ma gauche, des flics qui sont tout sauf des cowboys ou des gros durs sans cervelle. A ma droite, des déracinés qui sont avant tout des femmes et des hommes.

« Ce job se fait en apnée », dit l'un des flics. Ce roman se lit de la même manière. le flot d'émotions contradictoires et exacerbées aura pris le lecteur que je suis à la gorge du premier chapitre (insoutenable) à la dernière page (inoubliable). Un parti pris de faire parler les émotions, sans jamais tomber dans le pré-fabriqué, qui rend cette intrigue particulièrement poignante. Déchirant.

Avec un style fluide, maîtrisé et ultra-visuel, Olivier Norek décrit l'impensable et développe une intrigue aussi passionnante qu'ahurissante, aussi prenante qu'effrayante. Comme il l'a toujours fait avec ses romans, rien n'est raconté à la légère, tout vient du terrain et de ce qu'il a pu voir ou entendre par lui-même. Une vraie fiction qui possède tous les ingrédients pour qu'on ne lâche pas le livre, tout en faisant réfléchir sur le traumatisme que vivent des milliers d'hommes de nos jours (flics compris, ils sont juste moins nombreux).

Norek n'y va pas avec le dos de la cuillère. C'est plutôt un récit qui inflige des coups de bâtons à répétition. Direct, dur, sans concession, sans moralisation déplacée. Personne n'est épargné. Certaines scènes sont terribles, et l'ambiance souvent irrespirable. Pourquoi ? Parce que l'auteur réussi l'exploit de nous faire nous attacher à tous les personnages sans aucun manichéisme. Beaucoup ont leur part d'ombre, c'est ce qui les rend si humains. Parce que l'homme est capable du pire comme du meilleur (et vis versa). Et puis, il y a ces moments de grâce aussi, qui par moments déchirent la pénombre.

Entre deux mondes est sans aucun doute l'un des romans qui m'aura fait vivre le plus d'émotions fortes et contradictoires depuis des lustres. Autant de lumière dans ces ténèbres, autant de frissons, autant de larmes qui montent, c'est très rare. Une boule dans la gorge qui n'est pas prête de disparaître.

Entre deux mondes est un roman inoubliable qui place définitivement Olivier Norek dans la liste restreinte des auteurs incontournables.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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