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sur 5632 notes
Cher Olivier Norek,
Nous ne nous connaissons pas. Du moins, pas encore, et surtout vous, car moi je vous connais un peu. Tout a commencé quand une collègue m'a mis entre les mains Code 93. Elle connaît mon addiction, je n'ai pas eu mon mot à dire. Janvier 2017, j'ai un léger retard sur vos publications, mais est-ce bien important ? Je découvre alors Victor Coste et j'adhère complètement. A l'histoire, bien sûr, mais aux personnages, surtout. Comme cela ne suffit pas, je lis le même mois Territoires. Pas mal du tout, je commence à comprendre que vous maîtrisez le sujet. Vous êtes flic, c'est la clé. Je parle au présent, je pense que cela vous fera plaisir. Février 2017, je dévore Surtensions, je m'enorgueillis d'avoir rattrapé mon retard, j'en sais désormais autant que vos fans – qui sont nombreux – et je me dis : « Ok. Il n'est pas là pour rigoler. » C'est horrible et c'est génial. Une fin de roman en apothéose. Alors, évidemment, quand j'apprends que vous sortez un nouveau roman, il devient évident qu'il me faudra le lire, avec ou sans retard, qu'importe. Mais voilà, la presse s'en mêle, les premiers échos arrivent. Impossible d'attendre plus longtemps. Je vois votre passage à La Grande Librairie, on a dû beaucoup vous en parler, l'évocation de votre grand-père, et votre humilité, et l'intervention de Joann Sfar, et ce silence. Il m'a fallu ce même silence, avant de poser mes doigts sur le clavier. C'est ce qui arrive, toujours, quand on ferme un grand roman. Je ne sais pas ce qui m'a touchée le plus dans l'histoire que vous nous avez offerte, car tout y est profond, mesuré et émouvant. Cet homme qui laisse partir des bouts de lui pour leur offrir une vie meilleure et qui les attend, qui ne peut envisager le pire, qui se noie dans l'espoir. Ces deux êtres voguant sur l'océan de leur destinée, qui ne maîtrisent rien, qui ne demandent qu'à se construire une vie meilleure, loin du sang et des souffrances. Et cet enfant, mon dieu, cet enfant, son histoire, son courage… Ces deux solitudes qui un jour se rencontrent dans la Jungle de Calais et unissent leurs forces avec tendresse et discrétion, sans s'avouer les choses, sans poser les mots, juste parce qu'ils sont deux êtres humains qui se battent pour vivre et pour qui tendre la main est une simple évidence. Et au milieu de tous ces personnages, ce flic qui s'interroge et tente de comprendre comment et pourquoi, tout aussi humain que les autres, avec ses failles et sa bienveillance. Il y a tant d'humanité dans votre roman, tant de mains tendues, que cela fait du bien, même si le coeur est lourd. Il n'y a surtout pas de parti pris, pas de manichéisme. Il n'est pas question de juger mais de poser des questions et d'ouvrir des pistes de réflexion. Il y a des scènes qui sont formidables, des moments d'une rare intensité, des instants suspendus, qui resteront certainement gravés très longtemps dans la mémoire de vos lecteurs. Et comme à chaque fois que je ferme un roman de cette trempe, la même question qui se pose : que vais-je lire, maintenant ?
Merci, Monsieur Norek.

Lien : http://aperto.libro.over-blo..
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Ce qu'il y a de formidable chez Olivier Norek, c'est qu'a chaque roman, on monte d'un cran, mais jusqu'où va-t-il nous emmener?

Celui-ci ne fait pas exception en mettant des noms et des visages sur des migrants les rendant attachants et profondément humains. L'horreur de leur situation nous saute aux yeux.

On a «l'habitude» en parlant des migrants d'entendre des chiffres et les désagréments que cela engendre. Norek nous met le nez dans nos propres contradictions, combien de temps encore allons-nous laisser faire...

Entre deux Mondes, effectivement d'un côté, un monde en paix, riche et apaiser de l'autre, la guerre, la fuite, la violence et l'horreur.

La «jungle» de Calais ici extrêmement bien décrite est le symbole de cet entre- deux...

C'est un roman qui a fini de m'ouvrir les yeux sur notre «impuissance», il y a tant à faire ici et dans les pays d'émigration, peut-être traité les réfugiés avec humanité serait déjà un premier pas...
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Un sacré roman que celui-ci… encore une fois Olivier Norek frappe fort.
Si j'ai moins été emballée par l'intrigue, j'ai été bluffée par sa maîtrise et sa façon de gérer la fameuse jungle de Calais.

Si je suis d'origine belge j'ai passé ma jeunesse (mon adolescence pour être plus précise) en France, et plus précisément dans le pas de Calais. J'ai souvent été pour des compétitions à Calais, une ville magnifique, avec ses bourgeois. Mais ça s'était bien avant la jungle.
J'ai gardé des contacts avec des gens qui habitent ou ont habité cette ville encore récemment.
Olivier Norek a admirablement retranscrit toutes les situations dans ce roman : le calaisien qui a perdu son travail et ne peut revendre sa maison depuis que la jungle s'est installée. du flic facho qui cherche a bastonner du migrant, du flic écoeuré par des ordres inhumains, mais des ordres quand même auquel il doit obéir car lui aussi a une famille. Au migrant qui subit la guerre chez lui, qui se retrouve dans une autre guerre celle de l'exploitation par d'autres migrants qui profitent ignoblement de la situation. Sans compter les enfants au milieu de tout ça, des enfants qui n'en sont plus depuis bien longtemps.
J'ai donc trouvé l'auteur très juste et très impartial dans ces descriptions. Chacun pourra d'ailleurs faire sa propre opinion.

L'auteur n'a rien laissé au hasard tout est très travaillé. Mais il faut reconnaître qu'Olivier Norek est maître dans la création des personnages écorchés vifs. Et nous écrire des romans dérangeants, non pas dans la forme mais dans le fond de son sujet.

Si j'ai eu peur de sauter le pas avec l'auteur, aujourd'hui je me rattrape volontiers…. Olivier Norek est très certainement une valeur sûre.
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♫Dans la jungle, terrible jungle
Le lion est mort ce soir
Et les hommes tranquilles s'endorment
Le lion est mort ce soir
A-wimboé, a-wimboé, a-wimboé, a-wimboé
A-wimboé, a-wimboé, a-wimboé
A-wimboé, a-wimboé, a-wimboé, a-wimboé
A-wimboé, a-wimboé, a-wimboé
Et les sages dans le village
Le lion est mort ce soir
Plus de rage plus de carnage
Le lion est mort ce soir♫
Pow-Wow-1992-

Le B-A-BA pour quitter l'Afrique
Une question de fric
Faut prendre une Barque.
Te faire muter, t'es Re-Calais si tu es flic
Manque de volontaires pour la BAC
Accord du Touquet = syndrome la Tourette
Calais, un vrai merdier
Zone tampon quand les anglais débarquent
Demandeurs d'Asile : "potentiels Réfugiés"
Statut bâtard, nul ne peut les interpeller!!!?
puisque non intégrés à une France réfractaire
on ne peut les faire rentrer dans le système judiciaire
Dans cette jungle terrible jungle
Ils sont 10.000 entassés,
Fantômes coincés entre la vie terrestre quand de l'autre coté céleste
Bloqués entre deux mondes, Espoir et Purgatoire
viser un pays qui s'est refermé voire contracté
fuir un pays réputé des plus violents
de l'Afrique et du Moyen-Orient
victime d'un obscurantisme assassin
Peut-on échapper à son triste destin !?
Les flics planquent dans un Qaschqaï véhicule
Un recruteur d'Al-Qaïda , étale ses tentacules
Les Afghans installent leur tente à culs
On abuse des enfants, des migrants on bouscule
Rester occupé pour ne pas laisser la place à l'ennui
graver la mémoire de ce qui pourrait un jour changer la vie
Incapable de n'être que témoin
oeil POUR oeil
Syrien né Fée
l'Adam l'a fait
la loi du Ta-LION... est mort ce soir

Polar sans cibles, où même dans la sauvagerie extrême, pointe une part d'Humanité 😬
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2016. Adam, policier de son état, fuit la Syrie pour des raisons politiques : il a d'abord dû faire partir sa femme et sa fille en catastrophe, après leur avoir donné rendez-vous à Calais, où elles doivent l'attendre dans le quartier des femmes de la «jungle». Mais lorsqu'il y arrive à son tour, aucune trace de Nora et de Maya. Au bord du désespoir, confronté à la violence quotidienne de cette zone de non-droit qu'est le camp, il survit tant bien que mal en prenant sous son aile un petit garçon soudanais, seul et livré au pire, et en établissant un lien mi-amical, mi-professionnel avec Bastien, qui vient d'intégrer les forces de police de la ville. Pour le Français, la découverte de la situation de blocage à Calais et de son rôle impossible de maintien de l'ordre, est un choc déstabilisant qui va le pousser à prendre des décisions difficiles et dangereuses, dictées par sa conscience.


Aux atrocités vécues par Adam en Syrie et par Kilani au Soudan, au sort souvent tragique imposé aux migrants par des passeurs sans foi ni loi, répondent les terribles et dangereuses conditions de vie au sein de la jungle de Calais où la police ne pénètre jamais, l'impasse dans laquelle se retrouvent les migrants prêts à tout pour franchir la Manche, le désarroi des Calaisiens qui voient leur ville péricliter et son activité économique menacée, l'action sisyphéenne des associations humanitaires, le malaise des forces de l'ordre locales qui, impuissantes, ne peuvent que, jour après jour, tenter de protéger le trafic roulier pris d'assaut par des hordes aux abois.


Le titre est éminemment bien choisi. Il traduit à lui seul le dramatique surréalisme de ces vies de migrants, indéfiniment coincées dans un infernal entre-deux, comme suspendues dans des limbes sans issue régies par la seule loi meurtrière du plus fort, et où ne subsistent que misère, violence, désespoir et folie. Derrière l'intrigue policière se profile un véritable roman de société, où apparaissent tour à tour les points de vue de tous les protagonistes, sans parti-pris ni stigmatisme, dans un récit documenté, étayé par un an d'enquête, et où rien n'est inventé.


Chacun se retrouvera dans la honte et l'impuissance des personnages décrits sans complaisance ni sentimentalisme, dans toutes leurs ambiguïtés, leurs doutes et leurs failles. Comment ne pas frémir ni s'horrifier, et en même temps se sentir dépassé, par ce récit d'une actualité toujours brûlante, car, si la jungle de Calais a été démantelée, le problème des migrants est resté entier, simplement morcelé en une foule de petites jungles moins visibles.


Ce roman coup de poing à la lecture hallucinante et perturbante est avant tout un état des lieux, une photographie objective d'un problème de société resté sans solution, mais qui ne peut que peser sur nos consciences. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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D'habitude, j'écris mes retours à chaud, à peine le livre refermé.
Les circonstances ont fait que pour Entre deux mondes, je n'aie pas été en mesure de le faire.
En effet, j'avais encore à l'esprit ma lecture du Passeur, sur laquelle il était temps que je m'exprime.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? vous vous en fichez comme de votre première couche-culotte.
Mais voilà, il s'avère qu'entre le moment où j'ai fini ce livre et maintenant, ce que je pensais dire il y a deux ou trois jours a pris un peu de plomb dans l'aile.

Mon enthousiasme, malgré quelques petits bémols sur lesquels j'avais allègrement fait l'impasse, a eu le temps de redescendre.
Par le fameux système des vases communiquants, les petits bémols ont pris de l'importance.

C'est mon premier Norek, je découvre, et je dois dire qu'en chapitres coups de poing, il sait y faire, l'homme aux yeux bleus.
Dès le début, on s'en prend plein la tronche. On est sur un rafiot en Méditerranée. 273 migrants entassés... parmi eux, une gamine tousse et un mec donne l'ordre à sa maman de la jeter par-dessus bord.
Ça calme !
L'auteur reviendra sur cet "épisode" plus loin dans le roman, une fois qu'on sera bien attaché aux personnages.

Sans transition, on se retrouve dans la "jungle" de Calais, plus précisément le dernier jour de son démantèlement.

Je ne vais pas vous raconter ce qu'il se passe dans le livre parce qu'à moins d'habiter dans une bulle dans laquelle peu de choses pénètrent, et encore, on vous l'aura seriné depuis la sortie du bouquin.

Moi qui vis dans une bulle du genre, je n'avais aucune idée du thème du roman. Pour être honnête, j'avais sans aucun doute oublié.
Nettoyage de cerveau, faculté précieuse pour ne pas être affecté par les spoilers de toute nature qui frappent tout lecteur assidu de critiques et 4e de couverture.

Bref, quand ma Yaya m'a donné ce livre à lire, j'ignorais où je mettais les pieds.
Depuis le temps que je voulais découvrir l'auteur, un bon coup de rouleau à pâtisserie où je pense m'a aidée à franchir le pas. Merci ma Yaya.

En bref, j'ai adoré Entre deux mondes, évidemment. Je l'ai avalé avec la gloutonnerie qui s'impose.

La plume d'Olivier Norek est magnifique, le rythme du récit est soutenu, la corde sensible vibre à tout-va, les héros se bousculent, les salauds aussi, les innocents trinquent.
Sans vouloir dénigrer le travail de recherche de l'auteur, la part de fiction l'engloutit un chouia, et c'est dommage.

Les Avengers avec un coeur énorme dans le plus gigantesque bidonville d'Europe.
Le bidonville et tout ce qui l'entoure existent. Les Avengers sont fictifs.
Vous allez me dire que quasiment tout le monde aime Marvel, donc la plupart des lecteurs adorent, moi comprise.

Mais on le classifie comment, ce livre ? parce qu'il est instructif, je ne peux prétendre le contraire.
Ce qui est réel nous chope de plein fouet. La fiction nous chope aussi.

J'ai arrêté de bloquer sur les incohérences et décidé de voir le récit comme une excellente fiction, ce qu'il est puisque très orienté sur les personnages principaux.

Un petit truc que j'aurais aussi aimé, c'est que l'auteur évoque les riverains de la fameuse jungle, parce que j'y ai souvent pensé dans la vraie vie.

Je stoppe là mon décortiquage. Si vous ne l'avez pas lu, faites-le.
Tous les ingrédients sont réunis pour traverser un sacré panel d'émotions, des plus éprouvantes aux plus émouvantes.
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Il faut fuir... Il faut fuir ce pays en proie à un régime totalitaire et sanguinaire. Damas n'est plus une ville sûre. Aussi, Adam, flic mais avant tout époux de Nora et papa de Maya, décide-t-il d'envoyer sa petite famille en Europe. Là, où semble-t-il, les réfugiés politiques sont bien accueillis. Si tout se passe bien, il les retrouvera très vite à Calais, dans la Jungle, avant de rejoindre l'Angleterre. Mais, de Damas à l'Angleterre, le voyage risque d'être long et parsemé d'embûches et de déroutes...
Bastien Miller, lieutenant à la BSU de Calais, arrive tout droit de Bordeaux, avec femme et enfant. Un nouveau départ pour le couple. Mais, à Calais, Bastien va découvrir une toute autre réalité, ô combien complexe, percevoir des destins et des rêves brisés, et croiser des hommes pourtant encore pleins d'espoir...


Lieutenant en Seine-Saint-Denis, Olivier Norek est un homme de terrain. Et, pour parvenir à rendre la situation des réfugiés aussi vraie et aussi crue soit-elle, il a enquêté auprès des collègues de la BAC, il a séjourné à Calais auprès des migrants, il s'est entretenu avec les bénévoles, les humanitaires, les journalistes locaux. Et tout cela s'en ressent tant ce roman, évidemment peu fictionnel, transpire la réalité, aussi dérangeante et triste soit-elle, le vécu. Entre deux mondes explore ainsi cette zone de non-droit, ce bidonville putride aux tôles froissées, cet espace de survie où viennent se réfugier ceux qui ont fui leur passé pour un avenir meilleur. de ces hommes coincés ici, l'on se souviendra de la sagesse d'Ousmane, de la ténacité d'Adam, de la jeunesse de Kilani, de la bonté des bénévoles mais aussi malheureusement de l'irrévérence et de la violence de certains réfugiés, du ras-le-bol des calaisiens. Dans ce roman plus vrai que nature où différentes intrigues s'entremêlent et où l'ambiance est plus que jamais tendue, Olivier Norek dénonce, donne à voir et ressentir. C'est cruel, c'est violent, c'est émouvant... et tristement réel...
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On m'avait prévenue.  Tu verras, c'est dur. Attention,  c'est très violent. Accroche toi, ça va secouer. C'est du noir de noir de Norek- une espèce de genitif hébraïque en quelque sorte..

 On m'a dit aussi. C'est le meilleur de Norek. Bouleversant. On reste pétrifié de chagrin, secoué de révolte, retourné par tant d'injustice.

On m'a dit encore. C'est bien plus qu'un polar. Un constat impitoyable. Un réquisitoire social. A moins que ce ne soit l'inverse: un constat social et un réquisitoire impitoyable.  Un apologue humaniste. Une tragédie humanitaire. Une fable politique sur notre monde sans pitié, égoïste et mondialisé.

Tout est vrai.

J'ai commencé ce livre en fin d'après midi. Je l'ai terminé au petit jour, et après je n'ai pu fermer l'oeil.

Il y a tant d'excellentes critiques, que je me vois mal rajouter mon petit  résumé à  moi, ma petite touche d'émotion perso, Mes larmes amères à la von Kant.

 Juste ça, seulement : on croit qu'on est enfermé, qu'on n'a pas le choix.

Que quand on est un tortionnaire, on reste une brute, un animal à sang froid.
Que quand on est un flic,  on est dans un carcan de règles et de lois.
Que quand on est un enfant soldat , on demeure une petite machine à tuer, à obéir aux ordres. 
Que quand on on a des principes moraux, on est voué à les renier ou à passer pour une fiotte.
Que quand on est dépressif,  aucune ouverture aux autres ne vibre plus.
Que quand on est à  Calais, on y reste.
Que quand on est entre deux mondes, on y erre indéfiniment, comme les âmes sans sépulture dans les limbes. Ou les zombies dans la forêt.

Ce qui est bouleversant dans ce livre, c'est que tous ces enfermements,  ces réclusions, ces confinements, quand ils entrent en contact, voire en conflit, font bouger leurs lignes, crèvent les barrières, écartent les barbelés.  Ouvrent les coeurs.

Comme on n'est pas dans un monde de bisounours, on l'a compris, ça fait mal, ça déchire, ça sacrifie, ça tue.

Mais l'humanité soudain réaffleure, fait entendre sa petite musique.

Et ça  réconforte,  bizarrement, ce petit bout de tendresse dans ce monde de brutes, ce petit ciel de liberté dans un univers aussi carcéral, cet éclair de générosité dans l'océan des égoïsmes. 

Olivier Norek ne veut nous dire que cela.

Il évite même le piège du polar-qui-met -en-scene-la traque-d'un -recruteur-de-Daesh. Fausse piste. On botte en touche tres vite. Là n'est pas le sujet. Bravo pour cette rigueur, ce confinement sur l'essentiel.

Focus sur tous ces migrants que nous sommes.

Les vrais, en quête d'une terre d' asile.
Les autres, faux sédentaires, en migration intérieure et qui l'ignorent parfois : en quête d'une terre fraternelle qui leur rende leur honneur perdu.

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Anarchie in the Yuké !
L'on connait tous ce cri mythique beuglé par les Sex Pistols.
Il semblerait que la jungle de Calais puisse s'enorgueillir de ce triste slogan.

Adam a fui son pays comme bon nombre auparavant.
Zone de largage, Calais, où l'attendent censément femme et enfant.
D'enfant, Kilani en présente tous les aspects dans cette jungle bestiale dépourvue de toute loi, dénuée de toute humanité.
Adam et Kilani étaient appelés à se rencontrer, les voies du destin sont impénétrables, dit-on, voire facétieuses.
Bastien, lui, est flic nouvellement promu dans le Nord.
Un crime dans un camp de réfugié devait lui donner l'occasion de s'affirmer en tant que chef de groupe. C'est en leader incontesté et en humaniste affirmé qu'il allait appréhender cet univers dantesque aux relents putrides de barbarie assouvie et assumée .

Hyper touchant, cet entre-deux.
Parfait équilibre entre un monde réel peu reluisant et celui du chaos absolu.
Relatant le parcours tragique de moult migrants, Norek se fait passeur d'émotion extrême et de réflexion désillusionnée.

Sa grande force, bannir le pathos au profit d'un insondable travail de recherche dépouillé de tout misérabilisme.
Des personnages fracassés par la vie et cependant bien décidés à conjurer un coquing de sort obstinément malveillant.
Des individus lambda intensément charismatiques croisant des seconds rôles saillants, la combinaison est parfaite, le propos ineffable, la chute bouleversifiante.

Du très grand Norek !
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Entre deux mondes.
Un titre particulièrement judicieux et effroyable pour décrire la Jungle de Calais, séparant les nombreux migrants encore en France de leur destination finale : l'Angleterre.
Pourquoi une telle attirance pour le Royaume-Uni ? Parce que la majorité des réfugiés a au moins des notions d'anglais, parce qu'ils ont parfois de la famille à rejoindre outre-Manche qui pourra aider à leur insertion, parce que la lutte contre le travail au noir ne serait pas une priorité pour le gouvernement anglais, ou encore parce que son taux de chômage est très faible.
Mais si la France a ouvert ses frontières avec l'Italie, par laquelle transitent une majorité de ces réfugiés, elle doit en revanche bloquer le passage vers la destination finale de ces demandeurs d'asile et ainsi interdire l'accès du tunnel sous la Manche ou du ferry Calais-Douvres. L'Angleterre ne fait pas partie de l'espace européen de Schengen et ses frontières sont fermées.
Calais est ici décrit comme le purgatoire séparant l'enfer des pays désertés et le paradis incarné par l'Angleterre.
"Les migrants fuient un pays en guerre vers lequel on ne peut décemment pas les renvoyer, mais de l'autre côté, on les empêche d'aller là où ils veulent. C'est une situation de blocage."

"Comme bloqués entre deux mondes."
Parce qu'en France, dans le Pas-de-Calais, à cent kilomètres à peine de chez moi, a ainsi vu naître le plus grand bidonville d'Europe, abritant près de dix mille étrangers issus principalement du Soudan, de l'Afghanistan, de la Syrie et de bien d'autres pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Une zone de non-droit, dans laquelle il n'est pas possible d'intervenir. Où les règles sont différentes. Où la police laisse les crimes se produire en toute impunité.
"Logique, si on refuse de les intégrer à la France, ce n'est pas pour les faire rentrer dans le système judiciaire."
Si vous avez lu "Les larmes noires sur la terre" de Sandrine Collette, vous avez déjà un aperçu de la Jungle, de ses petits commerces et des pires exactions ( viols, meurtres ) pouvant y être perpétrées. Un microcosme de personnes entassées les unes sur les autres dans des tentes, souvent regroupées par ethnies. Les femmes sont heureusement séparées des hommes pour éviter davantage de drames.
"J'ai du mal à croire qu'on est en France."
Mais ici, c'est bien une réalité récente que nous dépeint Olivier Norek puisque le démantèlement de la Jungle n'a eu lieu qu'en octobre 2016, il y a tout juste un an.

Ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est que l'auteur est parvenu à donner une vision d'ensemble, sans parti pris. Certains personnages sont plus attachants que d'autres, qu'il s'agisse du policier syrien Adam, infiltré dans une cellule rebelle de son pays avant de devoir partir rejoindre en urgence sa femme et sa fille en France ; du jeune black réfugié Kilani qui aurait tant de choses à raconter s'il n'était pas muet, ou encore du flic Bastien Miller récemment affecté à la brigade de sûreté urbaine de Calais, dont il découvre les particularités avec autant d'horreur que de naïveté.
La vision de l'auteur n'est pas manichéenne. Il dénonce certes la folie ambiante, celle des transports maritimes comme celle de cette Jungle ( "Il y en a beaucoup ici des fous. A cause de ce qu'ils ont vécu, de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont perdu." ), une monstruosité qui jamais n'aurait du voir le jour mais avec laquelle chacun va devoir composer : les Calaisiens, les réfugiés ou la police. Et chacun des points de vue va s'opposer parce que ce puzzle humain n'est pas fait pour s'imbriquer. Pour aucun n'existe de solution satisfaisante.
Et c'est pourquoi la violence se déchaîne.

Concernant les habitants de la côte d'Opale, la situation est devenue impossible. Leurs belles plages sont désertées, les touristes évitant Calais comme la peste. Les commerces doivent fermer les uns après les autres et l'immobilier a quant à lui perdu quarante pour cent de sa valeur.
"Calais n'était plus une de ces villes trésors de la Côte d'Opale, mais celle des migrants et du problème de leur accueil."
Les camions qui transportent des marchandises évitent de plus en plus cette zone dangereuse. Les entreprises de transport routier ou maritimes cherchent désormais d'autres voies par lesquelles passer.
"Les agressions de chauffeurs. Les agressions provoquées comme des attaques de diligence. Les barrages et les incendies sur l'autoroute, ça vous parle ?"
Une commune toute entière qui devient de plus en plus isolée, comme elle aussi coincée entre deux mondes.
Alors, devant tant de violence et d'injustice, on ne peut qu'assister à une montée de la xénophobie qui, si elle n'est pas excusable, demeure cependant liée à la colère, à un fait de société unique.
En revanche, de nombreux habitants s'investissent également dans des associations  ( Care 4 Calais, médecins sans frontières, nombreux bénévoles calaisiens ), sans oublier d'autres organisations humanitaires de l'autre côté de la Manche, apportant leur aide aux réfugiés qui veulent bien l'accepter et proposant à ceux qui le souhaitent des conditions de vie davantage acceptables dans de véritables refuges malgré la méfiance générale et, souvent, la barrière de la langue.

Concernant la police, Bastien est choqué tant par l'absence d'intervention dans la Jungle que par la brutalité dont ses collègues de la BAC ( brigade anti-criminalité ) peuvent faire preuve, à grand renfort de grenades lacrymogènes. Ou par la façon dont les forces de l'ordre parlent des migrants comme de zombis ou de gibier qu'il faut chasser. Mais là encore, la réalité est bien plus complexe. Les médias ont dénoncé les violences policières. Sans faire pour autant des saints de ses anciens collègues, Olivier Norek rappelle à juste titre qu'aucune demande de mutation n'étant souhaitée pour Calais, les policiers ne pouvaient donc pas quitter leurs postes, même s'ils étaient au bord de la rupture psychologique, sans oublier qu'ils étaient en effectif insuffisant.
Alors, quand les migrants lancent des attaques de grande envergure sur l'autoroute pour s'emparer de force de véhicules pour pouvoir forcer ce fameux passage interdit vers l'Eden anglais, quitte à laisser des routiers blessés sur le bord de la route, quels choix s'offraient réellement à cette police dénigrée ?
"Tu sais, ici, il y a près de dix mille personnes qui n'ont rien à faire de leur journée qu'attendre le milieu de la nuit pour tenter de monter dans un camion pour l'Angleterre."
Alors ils font leur boulot, aussi ingrat soit-il, dénaturant parfois l'aspect humain de cette horde, et déplorant les pertes humaines qui peuvent parfois découler de ces opérations.
Tous ne sont pas de bons flics, mais la majorité fait au mieux pour respecter les ordres alors que l'ampleur de ces évènements chaotiques les dépasse totalement.

Enfin, il ne faut pas penser à l'inverse que tous ces réfugiés sont des victimes qu'il faut à tout prix protéger. Les conditions de vie déplorables, l'attente, la frustration d'être ainsi bloqués à quatre-vingt kilomètres de leur destination finale après un long voyage peuvent transformer des individus qui voyaient leur onéreux voyage arriver à son terme.
"Toutes ces habitations suivaient la courbe des dunes et donnaient l'impression d'un océan agité de vagues et de détritus."
"Venant des pays les plus éloignés et les plus violents, ils échouaient ici comme l'écume des conflits de l'Afrique et du Moyen-Orient."
Avec les yeux d'Adam principalement, le lecteur découvrira que si la majorité des migrants cherche simplement un refuge, une vie digne de ce nom loin des conflits et des dangers de leurs pays respectifs, d'autres ont leur petit commerce lucratif, certains sont d'une violence inouïe, sans oublier que la Jungle est un endroit idéal pour les recruteurs de Daesh.
Alors doit-on réellement jouer les autruches et ignorer tout ce qui s'y passe ?

Dans ce monde à part, Olivier Norek créera également une intrigue policière, que je vous laisse découvrir. Elle tient en quelques chapitres mais ajoute encore à l'intérêt et aux réflexions du roman.

Mais ce n'est pas un polar à proprement parler, même si on sent peut-être encore davantage cette fois le flic derrière l'écrivain qu'avec les livres consacré au capitaine Coste. Ainsi bien sûr que l'homme qui a exercé des missions humanitaires en ex-Yougoslavie.
C'est un roman de société qui nous met devant un fait accompli, avéré. Un témoignage impartial d'évènements tellement proches de nous, que ce soit en temps ou en distance. Auxquels je n'avais assisté que de loin par le biais de médias dont les propos étaient souvent incomplets, voire erronés.
Même si un tel rassemblement de réfugiés n'aurait jamais du se produire au sein de nos frontières, la Jungle de Calais a bel et bien existé, et s'est fait l'écho de bien des drames qu'Olivier Norek fait ici longtemps résonner, qu'ils soient réels ou légèrement romancés.
Chaque point de vue et chaque enjeu est expliqué.
Ce n'est donc pas une simple histoire avec des gentils et des méchants, c'est L Histoire avec un grand H qui raconte en jugeant le moins possible comment des hommes de tous pays ont conflué vers un même point de notre Hexagone, fuyant la guerre et la misère pour y trouver au final une autre forme de violence, de pauvreté et de rejet.
Un texte qui évite de stigmatiser la police ou les populations et qui se contente d'évoquer le choc des cultures, les raisons de tant d'incompréhension, et tous les débordements qui ont pu en découler.

J'avais apprécié les premiers romans d'Olivier Norek, sans comprendre toutefois pourquoi ils avaient bénéficié d'une telle notoriété.
En faisant la fine bouche, je pourrais avouer ne pas avoir été totalement convaincu par le final de cet Entre deux mondes, avoir parfois été un peu perdu par tous ces enjeux, tous ces conflits internes et mondiaux, probablement pas assez familier des crises géopolitiques internationales. J'avoue également ne pas avoir été totalement séduit par l'écriture à laquelle il manque encore un pur style "Norek", reconnaissable entre mille.

Mais ce roman va me marquer.
C'est vraiment le genre d'oeuvre dont on ressort enrichi, parce qu'on réalise que toutes ces images de guerres quotidiennes qui se déroulent si loin de nous sont en réalité à nos portes.
Parce qu'on ressent énormément d'émotions et d'empathie pour la majorité de ces personnages, qui cherchent à s'impliquer. Quelques rares joies mais des envies de révolte principalement : Des envies qui font réfléchir, des injustices qui font froid dans le dos.
On se sent nous aussi dépassé par les évènements, sans savoir ce que nous aurions fait, si nous aurions eu le courage de réagir.
Parce qu'on comprend à quel point le monde est gris et complexe, et que parfois faire de son mieux est insuffisant.
Et parce qu'on n'en ressort pas indemne tout simplement.
Ce qui est toujours à mon sens synonyme d'un grand roman.

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