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Critique de Andromeda06


Depuis le temps que je voulais lire Olivier Norek, depuis le temps que les retours des Babelpotes me donnaient envie, je franchis enfin (!) le pas. C'est avec "Entre deux mondes" que je voulais absolument commencer, tellement j'en ai entendu de beaux échos, et je ne regrette absolument pas. Rares sont les polars qui réussissent à m'atteindre, émotionnellement parlant.

"Entre deux mondes", c'est un lieu à part. C'est le lieu qui fait la bascule entre son pays qu'on vient de quitter, pour fuir les horreurs de la guerre, et sa future terre d'accueil, souvent inaccessible. Ce lieu, on l'appelle la Jungle. Ce n'est autre qu'un immense camp de réfugiés à Calais, un grand bidonville qui abrite des hommes, des femmes et des enfants de nationalités diverses, dont l'espoir d'atteindre l'Angleterre s'amenuise de jour en jour. Y règnent la misère, l'insalubrité, l'insécurité et la cruauté des hommes.

C'est de cette Jungle, avant qu'elle ne soit démantelée en octobre 2016, qu'Olivier Norek a choisi de nous parler. Il y met en scène des personnages forts, qu'on ne pourra oublier de sitôt. Adam, migrant syrien qui recherche activement sa femme et sa fille qui auraient dû arriver dans le camp peu avant lui. Bastien, lieutenant de police tout juste muté à Calais et qui découvre une nouvelle facette de son métier. Kilani, enfant au regard aussi noir que sa peau, "enfant jouet" jusqu'à ce qu'Adam le prenne sous sa protection. Mais aussi les collègues de Bastien, et notamment Érika, Passaro, Cortex et Sprinter, ou sa femme Manon et sa fille Jade. Tous ont ce quelque chose qui rendent l'histoire profondément humaine alors que l'on baigne jusqu'aux dents dans un monde où les droits de l'Homme sont bafoués et/ou ignorés.

Ce roman n'est pas un polar. Enfin si, c'en est un mais il est tellement bien plus que ça. le coeur du sujet étant bel et bien inspiré de la réalité, la petite enquête policière, qui elle est fictionnelle, en devient complètement obsolète. Ce que l'on veut, c'est continuer à suivre les protagonistes, s'assurer qu'on ne les perdra pas en cours de route. On s'y attache, on veut le meilleur à venir pour eux, on veut absolument les voir s'en sortir. Rien n'importe plus qu'eux, plus que leur histoire et leur devenir. Notre coeur est surmené, il hésite sans cesse entre la compassion, le désespoir, la colère et la douleur. Heureusement, s'il nous est montré les côtés les plus mauvais des hommes, l'auteur sait aussi nous montrer qu'on est capable du meilleur. La lecture se veut à la fois déchirante et intensément humaine, noire et cruelle, et pourtant si chaleureuse et éclatante.

Meurtres ethniques et viols d'enfant d'un côté, solidarité et entraide de l'autre. On est constamment ballotté entre une émotion et son contraire. Je me suis attachée aux personnages, ils m'ont touchée au coeur et à l'âme. J'ai ressenti avec eux peur, douleur et désespoir mais aussi cet élan d'amour et de solidarité auquel ils ont droit de temps en temps.

L'auteur a divisé son roman en cinq parties, chacune intitulée d'un mot, un simple verbe à l'infinitif qui en dit long sur ce qui nous attend : Fuir, Espérer, Résister, Survivre, Sombrer. C'est fort, terrible, déchirant. Les premières lignes nous mettent directement dans le bain et tout du long, on s'y noie entre deux goulées de cet air putride qui a envahi la Jungle.

"Entre deux mondes" est un polar à part, qui nous prend aux tripes non pas à cause d'un suspense insoutenable, mais parce qu'il joue avec les états d'âme de ses protagonistes aussi bien qu'il le fait avec ceux de ses lecteurs.

"Entre deux mondes", c'est un roman sur la dure réalité de la vie des migrants, leurs combats au quotidien, leurs désillusions.

C'est un roman profondément réaliste. Intense. Puissant. Déchirant. Violent. Et pourtant si humain et si généreux. Il est de ces livres qui marquent à vif et qu'on ne peut oublier facilement.


Jade a lu sur Internet qu'on avait 208 fois plus de chances de gagner au Loto que de naître en bonne santé, dans un pays démocratique et en paix, avec un toit sur la tête. J'ai envie de vous donner le même conseil que son père lui a donné : Profitez. C'est injuste, mais profitez.

Qui sait de quoi sera fait demain ?
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