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Critique de Patsales


Est-ce un destin si flatteur que de créer une oeuvre plus grande que soi ? Dracula est une star, mais qui peut citer spontanément le nom de son créateur ? Et voilà que Bram Stocker devient lui-même un héros de papier, mais c'est au bal des ombres qu'il danse.
Le maître de cérémonie s'appelle Henry Irving. Si duchesses et forts des halles se pâment pareillement quand il joue Shakespeare, ils ne suffisent pas à la gloire d'Irving, bien décidé à hisser sa propre vie au rang d'oeuvre d'art, hâbleur, emphatique et blessant – mordant serait plus juste, puisqu'il fut sans doute le modèle du comte des Carpates.
Ombre parmi les ombres, Stocker à la remorque du grand acteur, ignore encore que la créature qu'il lui inspirera l'enfoncera un peu plus encore dans l'anonymat. Mais les comédiens aussi, incapables de quitter la scène, s'inquiètent de ne pas avoir d'autre visage que les masques portés au théâtre. Furtives, les amours homosexuelles se cachent dans des clubs clandestins et des mariages précipités se nouent après l'arrestation d'Oscar Wilde. Et au coeur du brouillard londonien se tapit une bête immonde et sans visage qui saigne ses victimes : l'éventreur.
Roman de l'emprise, « le Bal des ombres » est aussi le roman des identités diluées : Stocker ne possèdera jamais Irving, ni Ellen Terry, l'amie qui ne sera jamais maîtresse, mais Irving pas davantage n'est maître de lui. Et le lecteur fasciné assiste à ce long jeu de dupes où alternent dialogues désopilants et descriptions lyriques, évocations brillantes, lettres et journaux, narration semblable à un miroir brisé et qui reprend d'ailleurs ce procédé de « Dracula », roman lui-même hybride – comment pourrait-il en être autrement dès lors qu'il décrit une créature hétéroclite, ni vraiment morte, ni très sûre d'être vivante ?
« Je me nourris des autres » dit l'acteur. Ou le vampire.
« L'authenticité, je m'en bats les fesses » dit l'acteur. Et le lecteur de battre des mains, ravi.
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