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Critique de Arimbo



Dans mon voyage littéraire interstellaire, ce sont comme autant d'astres à découvrir, d'étoiles qui me clignent de l'oeil, ces autrices et auteurs mythiques que j'ai la chance enfin d'approcher, parmi lesquelles la grande Flannery O'Connor, qui malgré une vie brève et marquée par une maladie incurable, a produit une oeuvre littéraire stupéfiante, qui ne ressemble à aucune autre.

Et j'en débute la lecture par celle du célèbre recueil de dix nouvelles « Les braves gens ne courent pas les rues », dont la première donne son titre au livre. Une lecture que je projetais de faire depuis longtemps, et voilà que c'est accompli, donnant l'envie d'en lire d'autres et je projette de poursuivre ma découverte par « Mon mal vient de plus loin ».

Une oeuvre féroce dans sa description cruelle de toutes les facettes du mal, de la bêtise à la méchanceté, et féroce aussi par son humour qui donne encore plus de relief aux travers détestables de notre humanité.
Mais, selon l'autrice, catholique convaincue et fervente, dans un Sud des Etats-Unis où la tradition protestante sert souvent de paravent aux pires comportements, cette vision où les humains sont mesquins, bêtes et méchants, c'est celle d'une humanité ratée qui ne peut être sauvée que par la rédemption divine (Ceci dit, on n'est pas obligé de la croire totalement pour la lire!)

Car dans toutes ces nouvelles, ce sont des êtres au mieux d'une grande bêtise, comme ce grand-père borné et raciste de « le Nègre factice », qui, en voulant montrer à son petit- fils ce qu'est la grande ville, se perdra, et ne devra son salut qu'à un noir de cette ville, ou bien ces deux jeunes écervelées de « Les temples du Saint-Esprit », ou encore cette femme rondouillarde qui refuse avec force l'idée d'enfanter et sur laquelle s'abat une grossesse qu'elle nie dans «Un heureux évènement » , ou enfin ce grotesque général de cent quatre ans, amateur de jolies filles, qui assiste à la soutenance de Thèse de sa fille de soixante six ans!
Mais il y a aussi des prédicateurs fous dont les discours vont conduire à la mort un enfant exalté dans « le fleuve », un jeune vendeur de bibles qui se révèle être un horrible pervers dans « Braves gens de la campagne », etc…
Et enfin il y a tout ce monde des petits propriétaires blancs, sournois, mesquins, racistes, imbus d'eux-mêmes, dont la cupidité, la volonté de pouvoir sur l''autre, l'employé, donc « l'inférieur», peut conduire au crime atroce dans « La personne déplacée », la plus extraordinaire selon moi des nouvelles, tant par sa construction que par son écriture.
Et pour terminer, celle qui donne le titre au livre, où comment la parole voulue bienfaisante d'une vieille grand-mère sera sans effet sur un féroce assassin évadé de prison.
En fait, tout le monde est bête et/ou méchant, les enfants avec ceux qui les hébergent, la fille avec sa mère, ou son père, le grand-père avec son petit-fils, les propriétaires avec leurs employés, les prêtres, les prédicateurs, personne n'est épargné.

Mais si c'est cruel, qu'est ce que c'est drôle. On rit, jaune certes, mais on rit de toute cette accumulation invraisemblable de la laideur humaine.
Et le lecteur est entrainé par ces histoires, par leur rythme et leur écriture, l'emploi de l'argot, si bien rendu par le traducteur, une personne que l'on oublie souvent, et qui est si importante pour nous restituer la substance d'un livre.
Car il faut lire la façon dont c'est raconté, l'humour décapant, la construction, la concision, l'art de la chute, souvent terrible, parfois moins.
Et puis, Flannery O'Connor est une autrice du Sud des États-Unis, de ce Sud de petites gens, misérables, qu'ils soient blancs, et encore plus « nègres », un mot que l'on ne peut plus écrire, mais qui correspond bien au contexte des années 1930-1940.
Mais aussi une autrice bien différente, de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent, de l'autre écrivaine du Sud, Carson McCullers, à l'écriture poétique et pleine d'humanité.
Ici, c'est la description cruelle et tellement drôle de l'être humain dans toute sa bêtise et sa malfaisance .
Mais, bien sûr, il n'y a aucun intérêt à comparer O'Connor et Mc Cullers, c'est comme si on voulait comparer Beethoven et Mozart, Rembrandt et Picasso, les chutes du Niagara et le Lac Majeur, ou même Poutine et Staline (encore que…).
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