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Citations sur Les Braves Gens ne courent pas les rues (41)

Il dit qu'il allait même faire remarcher la voiture. Il avait soulevé le capot, étudié les organes du moteur, et il était en mesure d'affirmer que cette voiture avait été construite au temps où les voitures étaient vraiment construites. « Maintenant, dit-il, un ouvrier met un boulon, un autre un deuxième boulon, un autre un troisième boulon, si bien qu'il faut un homme par boulon. […] Mais si vous n'aviez qu'un homme […] cet homme prendrait de l'intérêt à la construire, elle serait donc meilleure. » La vieille femme approuva ce raisonnement. Puis Mr. Shiftlet déclara que ce qui n'allait pas dans le monde, c'était que les gens se moquaient de tout, que personne ne voulait se donner du mal et mettre le temps qu'il fallait.

C'EST PEUT-ÊTRE VOTRE VIE QUE VOUS SAUVEZ.
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Le général Sash avait cent quatre ans. […] Ses pieds étaient complètement morts maintenant, ses genoux grinçaient comme de vieux gonds, ses reins fonctionnaient quand bon leur semblait, mais son cœur continuait de battre avec une obstination farouche. Passé et avenir se confondaient dans son esprit, le premier tombé dans l'oubli et l'autre hors de portée de sa mémoire ; mourir n'avait guère plus de sens pour lui que pour un quelconque animal. Tous les ans, le jour du Souvenir des Confédérés, on l'empaquetait et on le prêtait au Musée du Capitole ; il y était exposé entre treize et seize heures, dans une salle qui sentait le moisi, pleine de vieilles photographies, de vieux uniformes, de vieux canons et de documents historiques, le tout soigneusement disposé dans des vitrines pour empêcher les enfants d'y toucher. Il portait son uniforme de général, celui du gala, et restait assis, rigide, le sourcil menaçant, sur une petite plate-forme entourée d'une corde. Rien ne suggérait qu'il fût en vie, sauf, de temps à autre, un mouvement de ses yeux laiteux et gris ; une fois pourtant, un gamin avait touché son épée : son bras s'était détendu et, d'une claque, avait repoussé la main de l'audacieux.

TARDIVE RENCONTRE AVEC L'ENNEMI.
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Elles avaient rassemblé quelques meubles dépareillés et, avec la toile des sacs de grain pour les poules, elles avaient fait des rideaux à fleurs, deux rouges et un vert, parce qu'il n'y avait pas assez de sacs rouges. Mrs Mc Intyre avait déclaré qu'elle n'était pas cousue d'or et qu'elle ne pouvait se permettre d'acheter des vrais rideaux. "Ils savent même pas parler, avait dit Mrs Shortley ; comment voulez-vous qu'ils sachent ce que c'est que des couleurs ?" Mrs Mc Intyre avait ajouté qu'après tout ce qu'ils avaient enduré ils devaient se contenter de ce qu'on leur donnait et dire merci. "Imaginez comme ils doivent être heureux de s'être échappés de là-bas, et d'arriver dans une maison pareille !"
Mrs Shortley se rappela un film d'actualités qu'elle avait vu un jour : une petite pièce où s'entassaient jusqu'au plafond des cadavres nus - bras et jambes entremêlés, une tête enfouie ici, là un pied, un genou, des parties du corps qui auraient dû être voilées et qui dépassaient, une main tendue qui ne saisissait que le vide... C'était le genre de choses qui arrivaient tous les jours en Europe, où les gens n'étaient pas aussi avancés qu'ici. Du haut de son observatoire, Mrs Shortley eut l'intuition soudaine que les Gobblehook, comme des rats porteurs de puces vous amènent la typhoïde, allaient peut-être apporter ici même les moeurs sanguinaires d'au-delà l'Océan. S'ils venaient de ces pays où on leur faisait subir ce genre de choses, qui pouvait dire qu'ils n'essaieraient pas d'en faire autant aux autres ?
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En août, elle paraîtrait sur l'avant-scène, tandis que derrière elle, sur l'estrade, le général serait assis dans son fauteuil roulant ; fièrement, elle redresserait la tête, comme pour jeter à tous ces malappris : "Regardez le !" c'est mon ancêtre, ce fier et glorieux vieillard qui incarne les antiques traditions, la Dignité, l'Honneur, le Courage ! Regardez -le !"....
Quant à lui, il n'aurait sans doute pas accepté d'assister à sa remise de diplôme si elle ne lui avait promis de lui procurer une place sur la scène. Il adorait cela, quelle que fût la scène. Il se trouvait encore fort bel homme. Au temps où il pouvait se tenir debout, il redressait son petit mètre soixante comme un vrai coq de combat.
Il avait des cheveux blancs qui lui tombaient sur les épaules, et s'il refusait de porter un dentier, c'est qu'il estimait que son profil était plus saisissant ainsi ; et il savait fort bien qu'en uniforme de général, personne, nulle part, ne lui arrivait à la cheville.
Cet uniforme n'était pas celui qu'il avait porté au cours de la guerre entre les Etats. A la vérité, il n'avait pas été général dans cette guerre. Simple fantassin, probablement - il ne se rappelait plus au juste ; en réalité, le souvenir de cette guerre était mort en lui, tout comme ses pieds, qui maintenant pendaient ratatinés à l'extrémité de son corps enseveli sous une couverture gris-bleu que Sally Poker avait faite au crochet en sa prime jeunesse. Il avait tout oublié de la guerre hispano-américaine, où il avait perdu un fils ; il ne se rappelait même plus ce fils. L'histoire ne l'intéressait plus, car il ne s'attendait plus à la retrouver sur sa route. Dans son esprit, l'histoire se réduisait à des défilés, et la vie à des parades, et il aimait les parades. Les gens lui demandaient sans cesse s'il se rappelait ceci ou cela - un long cortège noir et morne de questions sur le passé. Pour lui, un seul événement passé gardait un sens, et il l'évoquait volontiers : il y avait douze ans de cela, on lui avait fait présent de son uniforme de général, et on l'avait invité au gala d'Atlanta...
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Pendant tout le week-end, les deux jeunes filles s'appelèrent entre elles Temple I et Temple II, et elles riaient comme des folles, et devenaient si rouges qu'elles en étaient affreuses, Joanne surtour qui, même en temps normal, avait des tâches sur la figure. Elles portaient en arrivant l'uniforme marron du Mont-Sainte-Scholastique mais, leurs valises à peine ouvertes, elles le troquèrent contre une jupe rouge et une blouse criarde. Elles se mirent du rouge à lèvres, prirent leurs chaussures du dimanche, et firent le tour de la maison en talons hauts, ralentissant chaque fois qu'elles passaient devant le long miroir du vestibule pour jeter un coup d'oeil à leurs jambes. Rien n'échappait à la petite. Si une seule était venue, elle aurait sans doute pu jouer avec : comme elles deux grandes ensemble, on la tenait à l'écart, et elle les observait avec méfiance.
Elles avaient quatorze ans - deux ans de plus qu'elle - mais ni l'une ni l'autre n'était une lumière et c'est pourquoi on les avait mises au couvent. Dans une école ordinaire, elles n'auraient rien fait que de penser aux garçons ; au couvent, disait sa mère, les soeurs leur serreraient la vis. Après les avoir observées quelques heures, la petite conclut qu'elles étaient pratiquement idiotes.
Elle se réjouissait à la pensée qu'elles n'étaient même pas des cousines germaines et qu'elle échappait à leur stupidité héréditaire. Suzanne voulait qu'on l'appelât Suzie. Elle était maigre, mais avait un joli petit minois et des cheveux roux. Ceux de Joanne étaient blonds et frisaient naturellement, mais elle parlait du nez et quand elle riait de grosses taches violacées paraissaient sur ses joues. Elles ne disaient jamais rien d'intelligent, et toutes leurs phrases commençaient ainsi : "Tu sais, ce garçon que je connais bien..."
Elles devaient rester tout le week-end, et la mère de la petite avoua, au cours du repas, qu'elle ne savait pas comment les distraire, car elle ne connaissait aucun garçon de leur âge. Sur quoi la petit eut une idée de génie et s'écria : " Mais il y a Cheat ! qu'on fasse venir Cheat ! Dites à Miss Kirby de faire venir Cheat pour qu'il les sorte ! et elle faillit s'étrangler en avalant de travers. Elle se tordait de rire en regardant les deux filles éberluées, frappait la table du poing, et les larmes roulaient sur ses joues rebondies, et les crochets de son appareil dentaire lançaient des éclairs métalliques. C'était bien la première fois qu'elle pensait à quelque chose d'aussi drôle.
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La vieille femme et sa fille étaient assises dans leur véranda lorsque Mr. Shiftlet arriva par le chemin de la ferme. La vieille femme se glissa jusqu'au bord de son fauteuil et se pencha en avant, en s'abritant les yeux de la main contre la lumière aveuglante du soleil couchant. Sa fille, qui était myope, continuait de jouer avec ses doigts. Bien que la vieille femme vécût seule avec sa fille dans cette campagne perdue et qu'elle n'eût jamais rencontré Mr. Shiftlet, elle avait de bons yeux et se rendit compte, malgré la distance, que l'inconnu était un chemineau et, de plus, un être inoffensif. La manche gauche de son pardessus était pliée en deux pour montrer qu'elle ne contenait que la moitié d'un bras et sa silhouette décharnée penchait légèrement de côté, comme inclinée par la brise. Il avait un costume noir et un chapeau de feutre marron, relevé devant et rabattu derrière; il portait par la poignée une boîte à outils métallique. Il marchait d'un pas tranquille, le visage tourné vers le soleil qui semblait posé en équilibre sur la cime d'une modeste montagne.
La vieille femme ne changea pas de position jusqu'à ce qu'il fût parvenu à la cour de la ferme…
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Il semblait sur le point de s'effondrer, mais il avait jeté gaiement :
- Bonjour, Mrs Cèdres ! en posant sa valise sur le paillasson. Il avait assez bonne allure, malgré un costume bleu vif et des chaussettes jaunes en accordéon. Ses pommettes étaient saillantes et une mèche de cheveux d'aspect poisseux lui barrait le front.
- Je suis Mrs Hopewell, dit-elle.
- Oh, avait-il dit en feignant l'embarras, mais avec des yeux pétillants, j'ai lu "Les Cèdres" sur la boîte aux lettres, alors j'ai cru que vous vous appeliez Cèdres, et il eut un rire plaisant. Il reprit sa valise, et fit une embardée dans le vestibule comme s'il allait la lâcher : la valise avançait la première, et l'entraînait par saccades successives. "Mrs Hopewell, dit-il en lui saisissant la main, j'espère que vous êtes AU POIL !" et il éclata d'un rire sonore.
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"Le corps, madame, c'est comme une maison, il va nulle part; mais l'esprit, c'est comme une auto: toujours en mouvement, toujours..."
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Ils prirent le chemin de terre et la voiture avança en cahotant et en soulevant un tourbillon de poussière rose. La grand-mère évoqua l’époque où il n’y avait pas de routes pavées et où l’on ne faisait pas plus de trente milles dans une journée. Le chemin était accidenté, avec des fondrières par endroits, et il y avait des virages secs, avec des bas-côtés dangereux. Parfois, ils débouchaient sur le faîte d’une colline, et dominaient les cimes bleutées des arbres, à des milles à la ronde ; l’instant d’après, ils étaient dans un bas-fond rouge, et les arbres recouverts de poussière les dominaient à leur tour.
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Au fil des ans, vivre était devenu une telle habitude que tout autre état lui semblait inconcevable.
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