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Critique de Sachenka


Quand j'ai commencé à lire La légende de Bloodsmoor, ce bouquin me paraissait davantage une chronique familiale du siècle dernier. Enfin, je veux dire l'autre siècle dernier, le 19e. Et, effectivement, on y rencontre un clan tissé serré et, très rapidement, on suit dans leurs aventures cinq soeurs, les filles de l'inventeur Zinn et de Prudence Kiddemaster, elle-même fille d'un riche et important magistrat. Toutefois, leurs mésaventures les fait glisser dans la légende. Dès les premières pages, un mystérieux narrateur (ou une narratrice) évoque le terrible drame qui se produira sous peu, y allant de remarques sages mais qui ne semblent pas tout à fait désintéressées. Dans tous les cas, la cadette Deirdre, adoptée, se fait enlever. Un pareil enlèvement n'aurait peut-être pas soulevé autant d'attention s'il avait concernée une vilaine fille mais, surtout, s'il n'avait été exécuté de manière si originale : le rapt s'est fait dans en mongolfière ! Et à l'intérieur du domaine familial de Bloodsmoor, rien de moins. Ce roman n'est pas un des plus connus de Joyce Carol Oates mais il a sa place parmi ses grandes fresques.

L'arrivée de ce ballon hors-la-loi (j'aime beaucoup l'expression !) sème l'émoi mais, pendant toute ma lecture, un doute persistait. Un tel procédé me semblait si farfelu et la description de l'événement ne fut racontée que par les autres soeurs, seules témoins du drame. Et si elles ne disaient pas tout ? Deirdre n'était que leur soeur adoptive… Et pourquoi la version des faits diffère-t-elle d'une soeur à l'autre ? Mais bon, après un pareil choc, il est normal que le cerveau joue des tours. Toutefois, si l'événement n'était que le fruit de leur imagination…

Dans tous les cas, la vie continue. On retrouve bien la trace d'une certaine Deirdre des Ombres, une sorte de diseuse de bonne aventure qui donne des spectacles en Nouvelle-Angleterre. Il y a un certain air de ressemblance mais elle semble trop âgée… Vraiment ? Pendant ce temps, les préparatifs du mariage de l'aînée, Constance Philippa sont précipités mais le mal est fait. le tragique accident aura des répercussions sur les autres soeurs. D'ailleurs, sitôt mariée, l'aînée disparaît. Pareillement pour la deuxième, Malvinia, qui tombe sous le charme d'un acteur et le suit dans ses tournées à travers les États-Unis. Éventuellement, Octavia et même Samantha suivront leur destinée loin de Bloodsmoor et de leurs parents. Et cela, jusqu'à une finale qui les réunira toutes et qui n'est pas exempte de rebondissements que, même moi, je n'ai pas anticicipés.

Les péripéties des soeurs à travers les États-Unis deviennent une excuse pour faire découvrir ce nouveau pays. En effet, au-delà de l'intrigue, il y a toute l'atmosphère d'une époque révolue. Celle d'une Amérique qui vient de terminer de panser ses plaies, celles de la Guerre de Sécession. À moment de l'histoire, elle entre dans une période de reconstruction, de prospérité, d'industrialisation et de progrès de toutes sortes. Les métiers et occupations de chacun des personnages (inventeur, magistrat, membre de l'élite bourgeoise, acteur, etc.) permettent d'en connaître différents pans. Bref, c'est un voyage dans le temps que nous propose l'auteure.

Une légende comme celle des filles Zinn ne saurait être sans quelques autres personnages de soutien qui, parfois, volent la vedette. Par exemple, Edwina Kiddemaster, grante-tante et vieille fille, gardienne des traditions, de la morale et de l'étiquette. Elle a d'ailleurs commis plusieurs ouvrages comme son Guide de conduite pour les jeunes chrétiens. Délicieux ! S'ajoutent la famille élargie, le notaire, le fiancé, les amies, etc. Cette galerie me faisait un peu penser aux personnages que l'on retoruve chez Charles Dickens. En quelques mots, par la manière dont ils sont présentés, un trait physique, une expression, on les cerne et les visualise rapidement.

Ainsi, La légende de Bloodsmoor peut compter sur une intrigue originale et des personnages passionnés et passionannts. Mais ce n'est pas tout. Il y a également le style de Joyce Carol Oates. Il n'y a qu'elle pour concocter un rapt en ballon et trouver cela horrible et gracieux à la fois. Ce sont ses mots, ou plutôt ceux d'Octavia alors qu'elle relate l'événement. Donc, on ne tombe pas dans les drames historiques à l'eau de rose où une femme éplorée attend le secours de son sauveur. C'est un roman résolument moderne avec des personnages féminins forts mais qui ne sont pas exempts de défauts. J'aime bien penser que Oates s'amuse de ses personnages, à leurs dépens, incluant ceux qu'elle préfère – surtout ceux qu'elle préfère ! Chacune des cinq protagonistes vit des aventures effroyables mais incroyables également. Des drames et des moments comiques, voire grotesques.

En terminant, La légende de Bloodsmoor est un bouquin un peu volumineux et, à suivre autant d'héroïnes vivre autant de péripéties… ouf ! Vers le milieu, je disais : «Je sais, je sais, elle aussi s'en ira et connaîtra des hauts et des bas…» Heureusement, le ton léger et le sens de l'humour particulier de Oates aident à passer au travers.
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