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EAN : 9782253163015
720 pages
Le Livre de Poche (28/11/2012)
4.12/5   77 notes
Résumé :
En 1879, les cinq demoiselles Zinn de Bloodsmoor ont entre seize et vingt-deux ans. Quel sera leur sort à la veille du siècle nouveau?

Une insupportable vieille fille raconte. Suite de Bellefleur, une histoire gothique mêlant le sublime et le grotesque, dépeignant une famille qui plonge dans l’ignominie et la naissance d’une certaine Amérique.
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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On peut toujours compter sur Joyce Carol Oates pour troubler son lecteur et l'entraîner dans des contrées mystérieuses et inconnues. Et "La légende de Bloodsmoor" ne fait pas exception à la règle.

On peut aussi toujours compter sur Joyce Carol Oates pour faire naître la malaise et pour créer une ambiance à nulle autre pareille. Et "La légende de Bloodsmoor" ne fait pas exception à la règle.

Un peu à l'image du démarrage de cet avis, l'écriture de Joyce Carol Oates - que j'affectionne tout particulièrement - peut se faire un peu répétitive, d'autant qu'elle use volontiers comme ici d'une narration déstructurée sur le plan temporel, ce qui donne un beau puzzle d'art à 2000 pièces. Ca tombe bien, ce sont mes préférés.

M. et Mme Zinn ont cinq filles, dont l'une est adoptée. Ils ne sont pas dans un bateau mais dans un château en Pennsylvanie. Courant sur vingt ans, pendant la seconde moitié du XIXème siècle, la chronique bourgeoise de leur foyer va occuper les quelques 700 pages de ce roman à tendance fantastique qui explorera notamment avec talent le domaine du spiritisme, un sujet qui personnellement me met mal à l'aise et me fait courir des frissons le long de la colonne vertébrale.

Tel un hommage affiché au légendaire "Tour d'écrou" de Henry James, l'autrice brode une saga dramatique avec un sens de la description esthétique parfaitement maîtrisé - j'y vois un réel hommage cette fois à la plume d'Edith Wharton, cette autre très grande femme de lettres américaine.

Difficile de parler de ce roman, il est complexe, riche, dense et ses personnages sont multiples. A commencer par les cinq soeurs, toutes très différentes de tempérament et d'aspirations. Comme elle en a l'habitude, Joyce Carol Oates utilise ses protagonistes pour dévoiler, explorer et tenter d'expliquer les moeurs américaines. "La légende de Bloodsmoor" est un remarquable exercice stylistique dans la veine gothique dont les éléments fantastiques constituent seulement la partie émergée de l'iceberg.

Une chose est sûre, je peux compter sur Joyce Carol Oates pour m'étonner et me fasciner encore et toujours.


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Quand j'ai commencé à lire La légende de Bloodsmoor, ce bouquin me paraissait davantage une chronique familiale du siècle dernier. Enfin, je veux dire l'autre siècle dernier, le 19e. Et, effectivement, on y rencontre un clan tissé serré et, très rapidement, on suit dans leurs aventures cinq soeurs, les filles de l'inventeur Zinn et de Prudence Kiddemaster, elle-même fille d'un riche et important magistrat. Toutefois, leurs mésaventures les fait glisser dans la légende. Dès les premières pages, un mystérieux narrateur (ou une narratrice) évoque le terrible drame qui se produira sous peu, y allant de remarques sages mais qui ne semblent pas tout à fait désintéressées. Dans tous les cas, la cadette Deirdre, adoptée, se fait enlever. Un pareil enlèvement n'aurait peut-être pas soulevé autant d'attention s'il avait concernée une vilaine fille mais, surtout, s'il n'avait été exécuté de manière si originale : le rapt s'est fait dans en mongolfière ! Et à l'intérieur du domaine familial de Bloodsmoor, rien de moins. Ce roman n'est pas un des plus connus de Joyce Carol Oates mais il a sa place parmi ses grandes fresques.

L'arrivée de ce ballon hors-la-loi (j'aime beaucoup l'expression !) sème l'émoi mais, pendant toute ma lecture, un doute persistait. Un tel procédé me semblait si farfelu et la description de l'événement ne fut racontée que par les autres soeurs, seules témoins du drame. Et si elles ne disaient pas tout ? Deirdre n'était que leur soeur adoptive… Et pourquoi la version des faits diffère-t-elle d'une soeur à l'autre ? Mais bon, après un pareil choc, il est normal que le cerveau joue des tours. Toutefois, si l'événement n'était que le fruit de leur imagination…

Dans tous les cas, la vie continue. On retrouve bien la trace d'une certaine Deirdre des Ombres, une sorte de diseuse de bonne aventure qui donne des spectacles en Nouvelle-Angleterre. Il y a un certain air de ressemblance mais elle semble trop âgée… Vraiment ? Pendant ce temps, les préparatifs du mariage de l'aînée, Constance Philippa sont précipités mais le mal est fait. le tragique accident aura des répercussions sur les autres soeurs. D'ailleurs, sitôt mariée, l'aînée disparaît. Pareillement pour la deuxième, Malvinia, qui tombe sous le charme d'un acteur et le suit dans ses tournées à travers les États-Unis. Éventuellement, Octavia et même Samantha suivront leur destinée loin de Bloodsmoor et de leurs parents. Et cela, jusqu'à une finale qui les réunira toutes et qui n'est pas exempte de rebondissements que, même moi, je n'ai pas anticicipés.

Les péripéties des soeurs à travers les États-Unis deviennent une excuse pour faire découvrir ce nouveau pays. En effet, au-delà de l'intrigue, il y a toute l'atmosphère d'une époque révolue. Celle d'une Amérique qui vient de terminer de panser ses plaies, celles de la Guerre de Sécession. À moment de l'histoire, elle entre dans une période de reconstruction, de prospérité, d'industrialisation et de progrès de toutes sortes. Les métiers et occupations de chacun des personnages (inventeur, magistrat, membre de l'élite bourgeoise, acteur, etc.) permettent d'en connaître différents pans. Bref, c'est un voyage dans le temps que nous propose l'auteure.

Une légende comme celle des filles Zinn ne saurait être sans quelques autres personnages de soutien qui, parfois, volent la vedette. Par exemple, Edwina Kiddemaster, grante-tante et vieille fille, gardienne des traditions, de la morale et de l'étiquette. Elle a d'ailleurs commis plusieurs ouvrages comme son Guide de conduite pour les jeunes chrétiens. Délicieux ! S'ajoutent la famille élargie, le notaire, le fiancé, les amies, etc. Cette galerie me faisait un peu penser aux personnages que l'on retoruve chez Charles Dickens. En quelques mots, par la manière dont ils sont présentés, un trait physique, une expression, on les cerne et les visualise rapidement.

Ainsi, La légende de Bloodsmoor peut compter sur une intrigue originale et des personnages passionnés et passionannts. Mais ce n'est pas tout. Il y a également le style de Joyce Carol Oates. Il n'y a qu'elle pour concocter un rapt en ballon et trouver cela horrible et gracieux à la fois. Ce sont ses mots, ou plutôt ceux d'Octavia alors qu'elle relate l'événement. Donc, on ne tombe pas dans les drames historiques à l'eau de rose où une femme éplorée attend le secours de son sauveur. C'est un roman résolument moderne avec des personnages féminins forts mais qui ne sont pas exempts de défauts. J'aime bien penser que Oates s'amuse de ses personnages, à leurs dépens, incluant ceux qu'elle préfère – surtout ceux qu'elle préfère ! Chacune des cinq protagonistes vit des aventures effroyables mais incroyables également. Des drames et des moments comiques, voire grotesques.

En terminant, La légende de Bloodsmoor est un bouquin un peu volumineux et, à suivre autant d'héroïnes vivre autant de péripéties… ouf ! Vers le milieu, je disais : «Je sais, je sais, elle aussi s'en ira et connaîtra des hauts et des bas…» Heureusement, le ton léger et le sens de l'humour particulier de Oates aident à passer au travers.
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La Légende de Bloodsmoor, comme le titre et la photo de couverture peuvent le laisser présager, est une saga familiale inscrite dans les Etats-Unis du 19ième siècle, aristocrate et puritains, tels que l'on ne les voit pas si souvent, habitués qu'on est à la Conquête de l'Ouest, l'immigration et une certaine sauvagerie.
Quatre filles toutes différentes les unes des autres grandissent dans cette vaste famille, au regard de tout le comté. le père est inventeur, la grand-tante acariâtre.

Avec ces quatre filles, dont l'une se fait subitement enlever par une montgolfière et ne reviendra plus, on est transportés dans tout le pays et tous les milieux, rencontrant occasionnellement des célébrités de cette époque. C'est une vraie fresque historique qui nous entraîne également dans les obligations faites aux jeunes filles, le comportement qu'elles se doivent d'avoir, l'éducation, la tenue vestimentaire et en ça, on retrouve le côté féministe de l'auteur (moi j'entends ce mot de manière positive, hein?) dont les héroïnes refusent cette aliénation.
Comme toujours, les romans de Joyce Carol Oates ont cette part de mystère lugubre qu'elle n'hésite pas à pousser à ses confins, mais également une tension dans le récit qui incite toujours à tourner et tourner les pages. c'est un roman dense, long par certains moments, mais prenant et intéressant.
Il a un très léger côté "les Quatre Filles du Docteur March" pour adultes, aussi pour cette couverture de quatre filles posant sur la photo - d'ailleurs très ressemblantes avec la description qui est faite des filles dans le livre -, mon édition des Quatre Filles du Docteur March à moi avait aussi les quatre filles dessinées, dans cette même pose, sur la couverture.

Bef, pas le plus connu de JCO mais à lire aussi.
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Etoiles Notabénistes : ******

A Bloodsmoor Romance
Traduction : Anne Rabinovitch

ISBN : 9782253163015

Deuxième volet de la trilogie qu'elle rêvait de consacrer au "roman gothique", Joyce Carol Oates resserre un peu ici la trame de l'intrigue, qui pouvait passer un tantinet relâchée à certains lecteurs ne connaissant ni son univers, ni sa façon d'écrire et tombés dans "Bellefleur" comme la petite Alice dans le terrier du Lapin Blanc . Mais le thème principal n'en demeure pas moins, ici aussi, la "fin" d'une famille (précisons toutefois que le final de "Bloodsmoor" n'a rien de la mini-apocalypse enregistrée dans "Bellefleur") et que, si le roman s'arrête, c'est que parce que sa chroniqueuse avait tout simplement décidé de le faire cesser au 31 décembre 1899, date d'ailleurs de la mort du fondateur de ladite famille, John Quincy Zinn.

Resserrement aussi autour des personnages principaux, ici les quatre soeurs issues de l'union de John Quincy avec la fille et héritière unique du Juge Godfrey Kiddemaster, qui fut un temps Gouverneur de la Cour Suprême de l'Etat, à savoir, dans l'ordre de leur naissance : Constance Philippa, la taille fine mais les épaules trop larges pour une femme, toujours mal à l'aise dans son corps et dans tous ces falbalas (parmi lesquels l'horrible crinoline) que nécessitait la mode de l'époque ; Octavia, la plus douce, la meilleure peut-être des filles, plutôt dodue mais jolie et, sans tomber dans un bigoterie épiscopalienne déplacée, toujours soucieuse de ses responsabilités de chrétienne ; la splendide et malicieuse Malvinia, la plus belle de toutes, sans aucun doute, mais aussi la plus passionnée qui, née au XIXème siècle, est déjà une créature du XXème siècle même si, à la fin du roman, elle finit par rentrer dans le rang ; et enfin Samantha, aussi intellectuelle et douée pour les mathématiques et la physique que son père, ce génial inventeur dont de grands noms, tel Edison, viennent (trop) souvent solliciter l'avis, la seule à être dotée d'une crinière rousse que tout le monde estime un peu voyante dans l'enfance mais qui, Samantha ayant grandi, contribue à faire d'elle, avec ses yeux verts et son minois pointu sans oublier sa peau laiteuse, l'une des plus jolies du quatuor.

Pour des raisons qui s'éclairciront plus tard, Mr. et Mrs Zinn ont adopté une jeune orpheline, la petite Deirdre Bonner, fille d'un employé du juge Kiddemaster, que la fièvre typhoïde a rendue, à onze ans environ, orpheline de père comme de mère. Chose curieuse, et qui entraînera au début le lecteur sur une fausse piste, Deirdre ressemble beaucoup à Malvinia. Mais il est clair que les soeurs Zinn, en dépit de tous leurs efforts, ne parviendront jamais à intégrer ce petit phénomène de timidité (qu'elles prennent pour de la froideur) et qui restera pour eux trop étrange pour faire partie des leurs.

Une par une, les soeurs Zinn quitteront le foyer paternel. Trois de façon discutable : Deirdre on ne sait trop comment (je laisse au lecteur le soin de décider ce que représente ce mystérieux ballon de soie noire venue l'enlever contre son gré ) pour devenir la célèbre medium "Deirdre des Ombres" ; Malvinia en s'enfuyant avec un acteur de théâtre célèbre, de passage dans la région, et qui deviendra à son tour une comédienne très applaudie sous le pseudonyme de "Malvinia Morloch" ; et Samantha, bien plus tard, en faisant de même avec Nahum, le timide assistant de son père. Octavia sera la seule, semble-t-il, à se faire une vie relativement "normale" - là aussi, au lecteur d'en juger et je lui promets d'étonnantes découvertes, notamment en ce qui concerne les habitudes sexuelles de son très rigoriste époux - en épousant un veuf calviniste, Lucius Rumford, dont elle aura trois enfants (deux qui périront dans des circonstances sur lesquelles je vous laisse vous faire, une fois de plus, votre avis personnel ) et le petit dernier, Lucius Quincy, qui survivra en délaissant peu à peu son premier prénom pour ne conserver que "Quincy" (courez savoir pourquoi : vous ne le regretterez pas. ) Quant à Constance Philippa, son cas est si particulier, si délicat à traiter que j'abandonne à l'auteur le soin de vous en entretenir en vous indiquant au passage un usage assez inattendu des mannequins de couturière que chaque maison aisée possédait à cette époque, faits sur mesure pour chaque fille à marier et pour la maîtresse des lieux .

Si la folie débridée, somptueuse du magnifique "Bellefleur" paraît ici un peu plus retenue, si la splendeur et la mégalomanie des Kiddemaster n'ont pas sa flamboyance, jusqu'ici sans égale dans l'oeuvre de leur auteur, il n'en reste pas moins que "La Légende de Bloodsmoor" tient dignement sa place à ses côtés, tant ce roman est parcouru, hanté, visité par un cortège d'esprits (ceux qui "protègent" ou "torturent" la pauvre Deirdre). Toujours malicieuse mais aussi soucieuse d'étayer ses chroniques, Oates y fait même intervenir en silhouettes des spiritualistes très connus de cette fin de siècle (le medium Daniel Dunglas Home ou encore Conan Doyle, le si pragmatique créateur de Sherlock Holmes) et, toute en chairs dodues et en bijoux clinquants, et même en esprit, l'irremplaçable Mme Blavatsky, créatrice de la secte des Théosophes, dont Deirdre se sépare tranquillement lorsqu'elle sent venu pour elle le jour de voler de ses propres ailes.

L'Esprit et sa puissance, deux thèmes qui ont toujours intrigué Oates et qu'elle traite ici sur un mode moins déjanté mais aussi, trouveront certains, moins royal que dans "Bellefleur" : la chute finale par contre est aussi surprenante, selon moi, que celle de "Bellefleur", et révèle une finesse qui démontre ce qu'est possible de produire l'esprit humain puisqu'il semble vraisemblable que John Quincy Zinn (parfois surnommé, sur la fin de sa vie, "J. Q. Z.", et, si vous prononcez à l'américaine, cela vous arrachera un sourire, du moins je l'espère) ait établi une théorie qui, au XXème siècle, deviendra extrêmement célèbre, pour le meilleur comme pour le pire.

Le Mal, le Bien, tous deux se mêlent à nouveau dans ce roman : ont-ils jamais cessé de le faire d'ailleurs ? Leur est-ce d'ailleurs possible ? L'un engendre l'autre et vice versa. Et c'est i-né-vi-ta-ble.

Tout cela, qui éclatait comme un fabuleux feu d'artifice dans l'incomparable "Bellefleur", ne retrouvera pas, en tous cas à mon humble avis, toute sa puissance dans "Wintherturn" qui, en bonne logique, est pourtant le dernier volet de la série. Par contre, "Maudits", que nous avons déjà chroniqué, parvient à restituer les fastes oniriques, faunesques, glauques, fantastiques autant que réalistes, imprévus autant que visibles comme un bouton d'acné sur le visage, ainsi que les incessantes préoccupations d'Oates : qui sommes-nous ? Et ne sommes-nous que cela ? Et le Temps ? Qu'est-il ? Pourquoi use-t-il la bonne volonté de certains alors qu'il renforce celle des autres ? Est-il un ou plusieurs ? Et, dans cette hypothèse, ces temps sont-ils parallèles ou-et perpendiculaires ? Et où se situe l'être vivant dans tout cela ? Et son esprit ou son âme - comme il vous plaira de l'appeler ?

Pour cela, je tiens personnellement "Maudits" comme appartenant à la trilogie gothique originelle, ce qui transforme celle-ci en une tétralogie qui débute et s'achève sur deux chefs-d'oeuvre somptueux et quasi-impériaux. Ne boudez donc pas votre plaisir. ;o)
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J'avais lu Bellefleur avant, et m'étais laissée emporter , comme d'habitude par JCO.. que je lis régulièrement, mais à petites doses, elle écrit vraiment beaucoup!
Là, quel talent! Et quelle documentation, aussi, dans les thèmes historiques abordés, théâtre, engouement pour le spiritisme , multiples inventions dont celle de la chaise électrique . le titre français est particulièrement bien choisi, car ce n'est pas l'histoire de la famille Zinn qui nous est racontée. Mais bel et bien sa légende, la narratrice, apôtre de la bien pensance, a bien sûr ses personnages préférés, et ne raconte que ce qu'elle veut bien raconter! Et c'est là que se manifeste l'humour ravageur de JCO qui a du bien s'amuser dans son pastiche et ce roman à plusieurs niveaux .
Car enfin, et même si cette narratrice essaie de nous noyer sous les détails comme pour nous faire oublier la dure réalité, qu'advient-il de ces soeurs, ça vaut quand même le résumé, je tente le spoiler..enfin, j'ai tenté mais pas encore compris, désolée...

L'aînée, Constance Philippa, s'enfuit le jour même de son mariage, et reviendra à la réunion finale de lecture du testament de la sainte tante( on pourrait en reparler, de celle-là, cette sainte nitouche qui s'avale des flacons de laudanum pour garder le moral!)- en travesti.
La deuxième, Malvinia, se sauve aussi , rencontre un Mark Twain légèrement sur le retour , et devient actrice, connue d'abord, puis beaucoup moins; En tout cas, complètement allumée, et sa haine des hommes donne une scène d'anthologie où le pauvre Twain manque de perdre son " appareil de reproduction" scène que la narratrice a bien du mal à raconter tant elle se proclame ignorante des termes à employer!
La petite dernière, Samantha, semble la plus saine d'esprit, elle se tire aussi, bien sûr, mais pour vivre le parfait amour avec un employé de son père. Shocking!!
Quant à Octavia, j'avoue que les chapitres la concernant sont mes préférés. Les descriptions des pratiques sexuelles sadiques que lui fait subir son mari sans que jamais elle ne moufte, et comment elle finit par l'étrangler bien involontairement sont d'une férocité fort réjouissante. Même la mort de son fils, petit caractériel sadique comme son père, ne manque pas d'humour..
Et enfin, Deidre, la brebis galeuse, l'adoptée , devenue médium sous l'influence de la célèbre Mme Blavatsky , quel retournement de situation...
Et j'en oublie, bien sûr, les parents sont loin d'être tristes!

Oui, quel talent d'écriture! Avec, pour moi, dans ce roman, les défauts de ce talent, on n'en sort plus!! Chaque petit détail en amène un autre, chaque histoire une autre, et on sent que si JCO pouvait encore détailler encore un peu plus chaque personnage, elle y prendrait le plus grand plaisir. Il y a vraiment beaucoup ( trop?) de notes...
Cela n'empêche pas évidemment le plaisir, renouvelé pour l'instant à chaque fois pour moi , pris à la lire

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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... Une fois la mariée installée sur le lit, à côté du cordon de la sonnette, la domestique éteignait sans bruit toutes les bougies, sauf une et quittait la pièce ; une minute plus tard, son époux entrait en pantoufles, ou peut-être en chaussettes, et s'approchait du lit à pas feutrés. Le degré d'obscurité de la chambre variait énormément, supposait Octavia, sans chercher vraiment à comparer ses nuits, ni à se rappeler son ancienne vie de jeune fille. Elle ne pouvait en juger, car Mr. Rumford exigeait, du geste ou de la parole, qu'elle portât un capuchon en tissu léger (de la mousseline, ou de la très belle soie ; mais jamais de la laine, du lin, ni du satin, qui eussent rendu sa respiration pénible et lui eussent tenu trop chaud) ; il se chargeait lui-même de le lui enfiler, par-dessus son bonnet et sa coiffure, sans la brusquer. Aveuglée de la sorte, la jeune femme ne savait pas si son mari éteignait la bougie ni s'il allumait à son insu la lampe à pétrole, pour augmenter la clarté de la pièce. (Elle s'interdisait toute curiosité, à tel point que le matin, se réveillant souvent seule - son époux se levait à l'aube pour diriger les prières des domestiques et la lecture quotidienne de la Bible - elle sonnait immédiatement sa servante, sans jeter un regard autour d'elle pour voir si l'un des accessoires de la veille était encore visible, ou si la mèche de la lampe avait diminué. Les manuels de Miss Edwina Kiddemaster, les conseils de sa mère et sa propre délicatesse l'avaient convaincue de ne jamais manifester d'intérêt pour des questions ne la regardant pas, de crainte de provoquer chez son mari bien-aimé une saute d'humeur ou un geste de violence pendant l'acte conjugal. La terreur de la nuit de noces et les horribles souffrances de la jeune vierge se reproduisirent rarement, je m'empresse de le préciser - quand Mr Rumford désirait châtier son épouse, par amour de la discipline, et non par passion animale. "Ce ne peut être un membre humain, ni un organe de reproduction," songea Octavia, affolée, tandis que son mari accomplissait péniblement son devoir, la première nuit d'amour. "Ce doit être, ah ! Mon Dieu, je ne sais ! du bois, de la pierre, de la cire durcie, une substance innommable !" - ces mots rebelles, vulgaires, coupables furent bannis à jamais de l'esprit de la jeune femme quand, dans la transparence de l'aube, elle redevint Mrs Rumford, la nouvelle châtelaine.) ... [...]
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«J'en suis venue à croire, dit-elle, que la mélancolie et le bonheur sont inextricablement liés : et que, s'ils ne l'étaient pas, nous ne tarderions pas à trouver le bonheur infiniment terne.»
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[...] ...D'étranges lamentations s'élevaient dans les cheminées de la maison octogonale ; des courants d'air venus de nulle part se faufilaient partout, suivant parfois certains membres de la maison et le petit singe Pip - si terrifié qu'il voulait rester enfermé toute la nuit qu'il voulait rester enfermé toute la nuit dans l'atelier de Mr. Zinn. Un matin, on découvrit que le mannequin de grand-tante Edwina se trouvait à la porte de l'atelier de couture ! ... Et l'une des ouvrières avoua que depuis quelques semaines l'objet l'effrayait, car il paraissait animé de vie ; pourtant si on l'examinait ce n'était qu'une chose inerte, faîte de papier, de sparadrap et de vernis. Cet atelier du château, encombré des mannequins de dames mortes depuis longtemps, provoquait la gêne et l'inquiétude des filles Zinn depuis leur petite enfance. Quelle leçon, même pour la plus impudente des jeunes femmes ! Tant de formes féminines dont l'âme avait quitté ce monde ; signe du temps, de la mortalité, et de la futilité de la mode ! Un jour, quelques années auparavant, Malvinia avait examiné la petite momie légèrement bossue de son arrière-arrière-grand-mère, tatie Burr Kiddemaster, et elle avait émis un doute moqueur quant à son authenticité. Octavia avait alors répondu d'un ton désapprobateur : "Tu aimerais que l'un de tes descendants se moque de toi de cette façon ?" Et Malvinia s'était écriée : "Ma silhouette, chère Octavia, est la perfection même, ni la nature, ni l'art n'y trouveront à redire ; je peux difficilement imaginer qu'elle devienne jamais démodée."

A la suite de l'incident du mannequin, une série d'événements semblables se produisirent au château, agaçant considérablement ses habitants, qui se plaignaient que la maison fût hantée, ignorant les avis de John Quincy Zinn. Grand-tante Edwina le contredit violemment, affirmant que sa fille adoptive était certainement responsable de ce malheur, car elle était non seulement obsédée, mais maudite ! ... ... [...]
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A cette époque les mères avaient l'habitude de passer des heures avec leurs filles mariées, à tricoter des vêtements de bébé, mois après mois, année après année, en prévision d'une naissance imminente dont elles ne parlaient jamais ouvertement - des mots grossiers tels que "enceinte", "avoir un bébé", "attendre un enfant", étaient déplacés dans un foyer convenable. Pourtant Octavia, très excitée par sa première grossesse, au début de son mariage, s'était écriée dès qu'elle s'était trouvée seule avec Mme Zinn : "Maman ! Je crois que c'est arrivé ! Je veux dire... que cela va arriver ! M. Rumford va avoir un autre fils !"... avec une telle incrédulité que sa mère n'avait pas eu le coeur de la réprimander pour ce manque de tenue.
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La beauté étant une préoccupation de rigueur pour toutes les dames, qu’elles soient cultivées ou frustes, on jugeait généralement – car les opinions de la famille et de la société s’accordaient – que, à l’exception de la pauvre Samantha,Deirdre était la plus disracieuse des filles Zinn : le manque de beauté de Samantha venant d’une simplicité déconcertante, tandis que chez Deirdre c’était son visage lugubre, son teint plombé, et le regard sinistre que ses yeux noirs brillants posaient sur le monde qu’ils refusaient. « Cette enfant n’est nullement une beauté, observait grand-mère Kiddemaster avec un frémissement délicat, pourtant j’imagine qu’elle est belle en secret, mais est trop révolté, ou trop timide, pour nous le montrer. » (Une idée bien curieuse de la part de cette dame fort sensée !)
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