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Critique de SZRAMOWO


Que dire, que faire, que penser, lorsque l'on a 11 ans, que l'on s'appelle Marek, que l'on habite en Pologne, précisément en 1941, en Galice, et que l'armée allemande vient d'occuper votre village, où vivaient, bon an mal an, dans une paix relative une communauté polonaise catholique, une communauté de chrétiens ukrainiens (les uniates) et une communauté juive ?
L'apprentissage se fait alors au travers de la brutalité des événements, cautionnés par le feldwebel Rudeck qui a réquisitionné une annexe de la ferme des parents de Marek, un adulte fort de son autorité et de son uniforme, soucieux de donner une image attrayante de l'occupation.
Au loin, à l'aube, des coups de feux, vers les cimetières, estompé par le brouillard, ils assistent (Marek son frère Wiktor et leur cousine Karola), depuis les fenêtres de leur chambre, au massacre de villageois, comme eux, qu'ils connaissent pour les voir chaque jour, puis se heurtent au mur de silence des autres, ceux qui n'ont pas été massacrés, enfin pas pour le moment…
La vie s'est arrêtée dans le village, plus aucuns repères, le porteur d'eau n'est pas passé ce matin, dans ce désert voulu par les adultes, les trois enfants, mais est-on toujours des enfants lorsque l'on a vécu ce qu'ils viennent de vivre, décident de se rendre sur les lieux de la boucherie :
« …il n'y avait plus devant eux que le terrain découvert de la sablière, et ils étaient tous là : les Juifs et les Juives, quelques Tziganes des environs, par endroit des femmes, des hommes et des enfants ensemble, pêle-mêle, se tenant presque à bras le corps comme s'ils s'étaient tortillés avant de mourir, avaient essayé de remonter à la surface… »
L'horreur pour Marek n'est pas de voir ces corps de femmes nues, mutilées, mais d'imaginer qu'elles auraient pu être sa Tante Barbara, sa cousine Karola ou sa mère. Et la question du pourquoi lui taraude désormais l'esprit, heureux de n'avoir aucuns membres de sa famille dans les victimes, angoissé à l'idée qu'il pourrait y en avoir un jour.
Il a soudain compris ce qu'était l'injustice de la vie, dans son choix de la mort et comment elle l'applique aux victimes ; dans son choix des victimes et quelle mort elle leur destine ; il n'aura plus 11 ans désormais.
Marek se réfugie dans la maladie, une fièvre aux origines inconnues pour sa grand-mère qui le soigne à coup « d'infusion de framboises séchées sucrées au miel. », mais la tisane n'a jamais soigné les angoisses lorsqu'elles sont ancrées dans une réalité tangible.
Le salut viendra peut-être de sa cousine Karola, mais même la vision de ses seins : « …guère plus gros que les deux moitiés d'une balle de tennis qui auraient tendu sa peau, et dans l'éclat de la neige et au clair de lune lointain, ses seins paraissaient extraordinairement blancs, mais tout noirs au bout. » ; ne fait pas fuir les visions des corps mutilés imprimées sur ses rétines.
Dans le « cirque », deuxième nouvelle du recueil, Wiktor, Karola et Marek se réjouissent de savoir qu'un cirque va planter son chapiteau dans leur village.
Qui sont ces saltimbanques ?, dans cette période troublée où on sait le sort qui leur est réservé, et pourquoi ont-ils choisi un nom imitant celui d'un cirque célèbre en Autriche et en Italie ?, sont-ce des imposteurs ?, et ce directeur Roumain se faisant passer pour un Italien, qui est-il ?, le mulâtre et les deux lilliputiennes, des soeurs jumelles Françaises, semblent authentiques eux.
Leur curiosité est éveillée, mais comme toujours Marek voudra vivre seul, cette curiosité qui l'anime et qu'il trouve différente de celles de son frère et de sa cousine :
« Est-ce donc alors que c'est arrivé, toute cette fascination ? Au cours des cinq ou dix minutes qu'il a passées sur la place du Marché, l'après-midi même, assis près de la statue de Jean Népomucène, là où s'arrêtait habituellement l'autocar ? Pendant qu'il attendait tante Barbara qui devait rentrer de Przemysl ? »
La nouvelle déroule l'univers secret des adolescents, celui qu'il cache aux adultes et dont il vaut mieux que ces derniers ne le découvrent pas, sauf à vouloir le gâcher.
C'est une des Lilliputiennes qui va lui faire découvrir ces univers parallèles qui permettent de construire sa personnalité à l'abri des regards indiscrets d'autrui.
La nouvelle joue sur cette ambiguïté et aussi sur l'ambigüité de la gémellité des deux femmes, car Marek découvre qu'elles sont des femmes en dépit de leur petite taille qui les fait assimiler par beaucoup à des sous-êtres humains.
Jacqueline et Simone hante les pensées de Marek tandis que sa famille s'inquiète pour tante Barbara qui n'est toujours pas rentrée de Przemysl, plusieurs jours après la date qu'elle avait annoncée. Marek se préserve ainsi des préoccupations des adultes, il fuit dans le mode des deux femmes du cirque, elles lui racontent leurs voyages, l'invite à des représentations.
Comme dans la nudité des femmes, le thème de cette nouvelle, est l'enfant ou l'adolescent face au monde des adultes, ici en l'occurrence, Marek crée sa propre relation adulte avec deux personnes qu'il apprécie, qu'il est le seul à apprécier, et qui le lui rendent.
Il fuit la relation déséquilibrée avec son frère aîné qui le renvoie à son statut de non-adulte.
Là encore, Odojewski maintient son écriture dans le registre du discours intime de l'adolescent, méfiant, mais envieux des adultes, qui entend s'en protéger en construisant lui-même son propre système de références.
Marek va construire sa propre histoire, connaître son premier chagrin, survivre au départ du cirque, car désormais il est devenu un homme.

Que dire, que faire, que penser, lorsque l'on a 11 ans, que l'on s'appelle Marek, que l'on habite en Pologne, précisément en 1941, en Galice, et que l'armée allemande vient d'occuper votre village, où vivaient, bon an mal an, dans une paix relative une communauté polonaise catholique, une communauté de chrétiens ukrainiens (les uniates) et une communauté juive ?
L'apprentissage se fait alors au travers de la brutalité des événements, cautionnés par le feldwebel Rudeck qui a réquisitionné une annexe de la ferme des parents de Marek, un adulte fort de son autorité et de son uniforme, soucieux de donner une image attrayante de l'occupation.
Au loin, à l'aube, des coups de feux, vers les cimetières, estompé par le brouillard, ils assistent (Marek son frère Wiktor et leur cousine Karola), depuis les fenêtres de leur chambre, au massacre de villageois, comme eux, qu'ils connaissent pour les voir chaque jour, puis se heurtent au mur de silence des autres, ceux qui n'ont pas été massacrés, enfin pas pour le moment…
La vie s'est arrêtée dans le village, plus aucuns repères, le porteur d'eau n'est pas passé ce matin, dans ce désert voulu par les adultes, les trois enfants, mais est-on toujours des enfants lorsque l'on a vécu ce qu'ils viennent de vivre, décident de se rendre sur les lieux de la boucherie :
« …il n'y avait plus devant eux que le terrain découvert de la sablière, et ils étaient tous là : les Juifs et les Juives, quelques Tziganes des environs, par endroit des femmes, des hommes et des enfants ensemble, pêle-mêle, se tenant presque à bras le corps comme s'ils s'étaient tortillés avant de mourir, avaient essayé de remonter à la surface… »
L'horreur pour Marek n'est pas de voir ces corps de femmes nues, mutilées, mais d'imaginer qu'elles auraient pu être sa Tante Barbara, sa cousine Karola ou sa mère. Et la question du pourquoi lui taraude désormais l'esprit, heureux de n'avoir aucuns membres de sa famille dans les victimes, angoissé à l'idée qu'il pourrait y en avoir un jour.
Il a soudain compris ce qu'était l'injustice de la vie, dans son choix de la mort et comment elle l'applique aux victimes ; dans son choix des victimes et quelle mort elle leur destine ; il n'aura plus 11 ans désormais.
Marek se réfugie dans la maladie, une fièvre aux origines inconnues pour sa grand-mère qui le soigne à coup « d'infusion de framboises séchées sucrées au miel. », mais la tisane n'a jamais soigné les angoisses lorsqu'elles sont ancrées dans une réalité tangible.
Le salut viendra peut-être de sa cousine Karola, mais même la vision de ses seins : « …guère plus gros que les deux moitiés d'une balle de tennis qui auraient tendu sa peau, et dans l'éclat de la neige et au clair de lune lointain, ses seins paraissaient extraordinairement blancs, mais tout noirs au bout. » ; ne fait pas fuir les visions des corps mutilés imprimées sur ses rétines.
Dans le « cirque », deuxième nouvelle du recueil, Wiktor, Karola et Marek se réjouissent de savoir qu'un cirque va planter son chapiteau dans leur village.
Qui sont ces saltimbanques ?, dans cette période troublée où on sait le sort qui leur est réservé, et pourquoi ont-ils choisi un nom imitant celui d'un cirque célèbre en Autriche et en Italie ?, sont-ce des imposteurs ?, et ce directeur Roumain se faisant passer pour un Italien, qui est-il ?, le mulâtre et les deux lilliputiennes, des soeurs jumelles Françaises, semblent authentiques eux.
Leur curiosité est éveillée, mais comme toujours Marek voudra vivre seul, cette curiosité qui l'anime et qu'il trouve différente de celles de son frère et de sa cousine :
« Est-ce donc alors que c'est arrivé, toute cette fascination ? Au cours des cinq ou dix minutes qu'il a passées sur la place du Marché, l'après-midi même, assis près de la statue de Jean Népomucène, là où s'arrêtait habituellement l'autocar ? Pendant qu'il attendait tante Barbara qui devait rentrer de Przemysl ? »
La nouvelle déroule l'univers secret des adolescents, celui qu'il cache aux adultes et dont il vaut mieux que ces derniers ne le découvrent pas, sauf à vouloir le gâcher.
C'est une des Lilliputiennes qui va lui faire découvrir ces univers parallèles qui permettent de construire sa personnalité à l'abri des regards indiscrets d'autrui.
La nouvelle joue sur cette ambiguïté et aussi sur l'ambigüité de la gémellité des deux femmes, car Marek découvre qu'elles sont des femmes en dépit de leur petite taille qui les fait assimiler par beaucoup à des sous-êtres humains.
Jacqueline et Simone hante les pensées de Marek tandis que sa famille s'inquiète pour tante Barbara qui n'est toujours pas rentrée de Przemysl, plusieurs jours après la date qu'elle avait annoncée. Marek se préserve ainsi des préoccupations des adultes, il fuit dans le mode des deux femmes du cirque, elles lui racontent leurs voyages, l'invite à des représentations.
Comme dans la nudité des femmes, le thème de cette nouvelle, est l'enfant ou l'adolescent face au monde des adultes, ici en l'occurrence, Marek crée sa propre relation adulte avec deux personnes qu'il apprécie, qu'il est le seul à apprécier, et qui le lui rendent.
Il fuit la relation déséquilibrée avec son frère aîné qui le renvoie à son statut de non-adulte.
Là encore, Odojewski maintient son écriture dans le registre du discours intime de l'adolescent, méfiant, mais envieux des adultes, qui entend s'en protéger en construisant lui-même son propre système de références.
Marek va construire sa propre histoire, connaître son premier chagrin, survivre au départ du cirque, car désormais il est devenu un homme.
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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