AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Que dire encore sur ce roman, après 176 critiques ?
Il n'est pas étonnant qu'il ait été récompensé par le prix Femina, puisqu'il est centré sur deux femmes.
L'une, Aliide, dans l'Estonie occidentale de 1992, est vieille et vit seule dans sa ferme à l'écart du village. Elle passe ses journées à préparer des conserves de légumes et ses nuits à guetter les bruits suspects et les voyous des environs qui jouent à lui faire peur.
La vie d'Aliide a basculé début des années 40, quand le beau Hans a posé les yeux sur sa soeur Ingel, et pas sur elle, Aliide. A compter de ce jour, Aliide la sournoise n'aura de cesse de tout faire (il faut insister sur le « tout ») pour conquérir Hans et le détourner de Ingel, la préférée, l'épouse idéale, si belle et si parfaite ménagère. Aliide perdra définitivement son âme une nuit de 1947, dans la cave de la mairie, alors qu'elle est interrogée (euphémisme pour « torturée ») par la police communiste.
L'autre, Zara, dans cette Estonie occidentale de 1992, se réfugie dans le jardin d'Aliide. Bien que méfiante, celle-ci la recueille. Mais qui est cette jeune fille ? Elle dit fuir son mari violent, mais le lecteur apprend bien avant Aliide qu'elle vient en réalité de s'échapper des griffes de son proxénète, mafieux russe. Et que Zara n'arrive pas par hasard chez Aliide, les deux femmes ont en effet quelques gènes en commun.
L'histoire et les secrets de famille nous sont révélés peu à peu, en même temps que nous est racontée, entre les lignes, l'histoire de l'Estonie et de ses occupations successives par l'URSS, puis l'Allemagne nazie, puis à nouveau l'URSS, jusqu'à l'indépendance en 1992.
Les chapitres sautent d'une époque à l'autre, du passé lointain d'Aliide à celui, plus proche, de Zara, pour passer au moment présent de leur rencontre.

Je ne sais pas très bien quoi penser de ce livre. J'aime quand la petite histoire des gens est inscrite dans les remous de l'Histoire, c'est l'occasion pour moi d'apprendre des choses et de joindre l'utile à l'agréable. Mais voilà, ici, la lecture n'est pas agréable.
Certes, c'est bien écrit, bien traduit, le puzzle est drôlement bien amené, bref totale maîtrise du fil de l'intrigue, même si parfois la déstructuration chronologique est frustrante (comme dans les bons thrillers, quand la montée du suspense est soudain interrompue par un changement de sujet).
C'est l'histoire elle-même qui met mal à l'aise, et le style l'amplifie. Des événements terribles sont décrits, ou seulement sous-entendus, froidement, sans émotions, parfois dans des termes crus, ce qui les rend d'autant plus glaçants.
Je suis à peine arrivée à avoir pitié de Zara, pourtant brutalement exploitée, et je n'ai ressenti aucune sympathie pour Aliide, tant ce personnage est ambigu. Les violences infligées à l'une font écho aux humiliations subies par l'autre, et leur ont forgé à chacune une carapace d'insensibilité, rendant l'empathie difficile.
L'auteur ne critique pas ses personnages, elle semble leur chercher des circonstances atténuantes dans les tourbillons du communisme ou du libéralisme. Si au temps d'Aliide, l'URSS était le « grand méchant », la mafia de l'Est a désormais pris le relais pour ce qui est de faire souffrir les femmes.

Mensonges, trahisons, manipulations, collaboration sont au coeur de ce récit, en même temps que le constat paradoxal que le déclencheur de ces horreurs est … l'amour, même s'il s'agit de l'amour perverti, aveugle, égoïste et mal placé qu'Aliide voue à Hans. Ca fait froid dans le dos. Comme de constater qu'on n'a pas de réponse certaine à la question « qu'aurions-nous fait à leur place ? »

Bref j'en ressors avec une sensation de malaise. Cette histoire ne laisse pas indifférent.
Commenter  J’apprécie          340



Ont apprécié cette critique (30)voir plus




{* *}