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Critique de ClaireG


Ör – Cicatrices – Blessures de la vie.

Quand la poisse vous poursuit, que votre épouse vous quitte, que votre fille est d'un autre, que votre mère arrive au bout de sa vie, que votre voisin vous réveille en pleine nuit, vous vous dites peut-être que votre utilité sur terre est réduite à néant.

C'est en tout cas ce qui arrive à Jonas qui décide de mettre un terme à son existence en plein mois de mai. Dur, dur quand même à quarante-neuf ans. Alors, scrupuleusement, il vide son appartement, vend sa société, laisse son portable sur sa table de nuit, embarque ses carnets d'adolescent, sa boîte à outils (on ne sait jamais), une paire de chaussettes et le voilà parti pour un aller simple dans un pays (de l'Est vraisemblablement) où la guerre vient juste de se terminer. Il se donne une semaine pour réfléchir au meilleur moyen d'en finir.

Comme il n'a aucun projet précis, il erre dans le périmètre étroit déminé, rencontre beaucoup d'estropiés et de visages fermés. Un étranger, ici, en ce moment, c'est louche ! Vient-il piller les pauvres oeuvres d'art qui n'ont pas été détruites ? Pas de bagage, bizarre ! Peu à peu, grâce à sa boîte à outils, il se rend utile ici et là jusqu'à devenir (quasi) indispensable tant il manque de bras dans ce village défiguré par la guerre.

Il comprend vite que ses blessures personnelles sont peu de choses à côté de celles vécues par les rescapés du conflit. La lecture, par bribes, de son journal intime d'autrefois lui rappelle sa vie, ses souvenirs et gomme peu à peu les sujets d'intérêt de sa jeunesse pour s'intéresser aux autres, trouver une sorte d'apaisement et la reconsidération de soi.

La manière de décrire la vie ordinaire de gens ordinaires d'Audur Ava Ölafsdöttir est émouvante dans sa simplicité, délicate dans son expression teintée d'humour, déterminée dans sa foi à changer son angle de vue sur soi. Sans masquer la peur, le chagrin, les larmes, les vicissitudes du temps. C'est tout le contraire d'un livre cafardeux et désespéré. Là réside sans doute la magie de cet écrivain qui ponctue son récit de quelques citations de grands auteurs, comme une gradation sur la voie d'un mieux-être.

« … je me suis colleté plusieurs fois avec la vérité, là où les ombres sont tantôt longues tantôt courtes, et je sais que l'homme peut rire et pleurer, qu'il souffre et qu'il aime, qu'il est doté d'un pouce et qu'il écrit des poèmes et je sais que l'homme sait qu'il est mortel. Qu'est-ce qu'il me reste à faire ? » (p. 81)

Savoir que le bricolage est une arme bienfaitrice pour une éventuelle réparation personnelle a quelque chose de poétique, non ?

Rosa Candida de la même, m'avait ouvert la voie sur la littérature islandaise.
Ör a creusé une route vers de nouvelles découvertes.

Audur Ava Ölafsdöttir a suivi des cours d'histoire de l'art à la Sorbonne. Elle enseigne cette matière à l'université d'Islande et donne des conférences à travers le monde. Elle a obtenu plusieurs prix littéraires.

J'aimerais aussi marquer mon admiration aux éditions Zulma pour les couvertures originales et colorées qui attirent le regard et la curiosité.
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