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Critique de Denis_76


J'aime les coups de gueule des écrivains !
Michel Onfray visite la Guyane profonde, à Taluhen, à deux heures de pirogue de Maripasoula. Il constate que la population amérindienne Wayana coupe ses racines des ancêtres, attirée par la culture occidentale, séduisante mais trompeuse, un miroir aux alouettes. La deuxième partie de cet opuscule est le coup de gueule contre la réaction gouvernementale aux suicides des jeunes amérindiens. La rencontre avec un vieux Sage lui fait prendre conscience du déracinement actuel des indiens. La France fournit une réaction ENArchique et anarchique bardée d'acronymes, de fonctionnaires métropolitains qui ne servent pas à grand chose. La république française jacobine, y a envoyé une sénatrice et une députée qui n'ont rien compris. C'est "Martine en pirogue", mais nous avons déjà fait assez de dégâts comme cela !
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Effaré par le volume des bouquins d'Onfray, j'ai choisi un opuscule. Il fallait que je sache de quel caractère était trempé ce concitoyen normand. : )
Slate.fr, par la voix de Maxime Brousse, fait le procès de ce livre, prétextant qu'Onfray "veut que les Wayanas doivent rester en kalimbé [pagne], ne pas avoir accès à l'électricité, à Internet… Bref, il faut qu'ils restent de bons sauvages dans la forêt.»
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Même si je pense qu'Onfray exagère peut être sur la violence à Cayenne (St Denis de la Réunion n'a rien à voir, je pense avec l'atmosphère de St Denis du 93 ), je ne suis pas d'accord avec Brousse.
D'abord, je suis agréablement surpris par le style fluide de l'auteur, et surtout, j'ai retrouvé, en pire, les problématiques réunionnaises (voir ma critique de "Chasseurs de Noirs" ).
Même si, à l'opposé de la Guyane, La Réunion était déserte à la base, je n'ai pas eu besoin d'y vivre la moitié de ma vie, ce qui est le cas, pour m'apercevoir que, comme le cite l'auteur ici, l'Education Nationale n'a pas des programmes adaptés à l'histoire, la géographie et la langue natale. D'autre part, le RSA et les allocs ne sont pas une réponse correcte au désoeuvrement.
A La Réunion, il y a 40% de chômage.
Que font la TV et internet dans la forêt guyanaise ou dans les ilets de Mafate ? Qu'en est-il de la nourriture en conserve, alors que les jeunes ne savent plus pêcher comme les anciens ?
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Ça me rappelle le proverbe indien : "Quand le dernier arbre aura été abattu (ici par les orpailleurs ), quand la dernière rivière aura été empoisonnée (ici par le mercure utilisé par les orpailleurs ), quand le dernier poisson aura été péché, alors, on saura que l'argent ne se mange pas."
Les jeunes mettent des vêtements occidentaux, font des signes cabalistiques de rappeurs, rêvent de fric, de devenir pilotes de ligne. La chute sera dure, et le suicide est au bout de ce gap culturel. L'auteur dit qu'entre ces deux repères, wayana et occidental, les jeunes sont perdus, deviennent schizophrènes, et beaucoup se suicident. On arrivera au final en Guyane comme chez les peuples d'Amazonie brésilienne, les indiens d'Amérique, et les Aborigènes, et pendant qu'on y est les immigrés qui arrivent par les nouveau "boat people" méditerranéens : parqués dans des camps, noyés dans l'alcool, achevés dans le suicide, ou mal engloutis dans la société occidentale.
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Onfray a discuté avec le fils d'un chaman qui, malade, n'a pas pu être guéri par la technologie française. C'est un chamane qui a réussi.
Tobie Nathan, que Michel Onfray semble mépriser, est venu à La Réunion, et raconte dans "Ethno roman", qu'il a été émerveillé par les pratiques "magiques" de madame Visnelda, une guérisseuse et exorciste locale. Ces chamanes et guérisseurs correspondent à nos voyants, messagers et médiums.
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Alors que faire ?
La réponse d'Onfray est vague : décentraliser, "girondaniser". Oui, on doit, à mon avis les laisser choisir localement, et non définitivement. Enrichir la culture française d'une diversité locale doit être une fierté et non une honte. Je m'enrichis des histoires de Grand Mère Kal et de Sitarane, de parler créole.
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Même si, comme l'observe très bien Onfray, un Blanc restera toujours un Blanc, j'ai rarement été plus fier que quand un créole, m'entendant causer en Kréol, m'a questionné :
"Ou lé Kréol ?"
(Tu es créole ? )
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