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Critique de Bequelune


Curieux de savoir ce que pouvait être une « érotique solaire », j'ai entamé la lecture de ce vieux bouquin de Michel Onfray. Étant polyamoureux depuis plusieurs années, je souhaitais aussi connaître ce qu'un des plus lu des philosophes français (même si, dans le cas d'Onfray, ce titre lui est souvent contesté) avait à dire sur l'amour libre et autres modes de relation non exclusives.

Les premières pages me déçoivent beaucoup. En fait j'ai l'impression de lire un tract de la Manif pour tous (en plus ronflant) avec des expressions comme « on ne devient pas homme ou femme, on le nait ; la physiologie commande, la culture suit » (et hop ! prend ça dans tes dents Simone de Beauvoir), ou « les dissemblances ontologiques du masculin et du féminin », ce qui n'est qu'une façon pédante de dire la différence des sexes, si chères aux droitiers de la MPT. Et encore je vous passe les clichés sur les femmes soumises à leurs hormones, etc.

Très vite, Onfray annonce les quatre « certitudes » sur lesquelles il va s'appuyer : l'inéluctable et dangereuse puissance du désir ; la nature radicalement animale du plaisir ; l'irréductibilité du corps de l'homme à celui de la femme ; la fidélité comme une exclusive affaire de mémoire. (En fait ce qu'il appelle « certitudes » sont des thèses qu'il va défendre.)

Ainsi que son projet pour ce bouquin : déclarer la guerre à toutes les « pulsions de mort » (qu'es aquo ? je connais bien le concept chez Freud, mais Onfray l'utilise dans un sens plus large sans jamais prendre le temps de le définir) et célébrer une « érotique courtoise » (c'est-à-dire comme les troubadours occitans du 12e siècle ? … ah en fait non, Onfray a décidément tendance à utiliser les mots parce que ça fait joli, mais sans être très précis sur leur sens). Un plus plus loin, il précise ce projet en deux temps : d'abord déconstruire la vision chrétienne de l'amour et de la sexualité, puis proposer donc un « hédonisme matérialiste ».

Déjà, à ce stade de la lecture, moi je n'en peux plus de toutes ces expressions ronflantes mais qui ne veulent pas dire grand chose, avec des adjectifs compliqués utilisés assez approximativement. Mais bon, je m'accroche et je continue.

Un peu comme certains auteurs antiques, Onfray va utiliser des animaux pour filer des métaphores. L'approche est assez originale. Après avoir fait un sort au carrelet platonicien (un poisson tout moche), Onfray va présenter différents auteurs et courants philosophiques de l'Antiquité. Nous passons donc en revue le matérialisme de Démocrite, le cynisme de Diogène, la théorie des simulacres d'Epicure et de son école...

C'est la partie la plus intéressante du livre parce que ces philosophies sont peu connues, et Onfray a le grand mérite de chercher à les remettre au goût du jour. Attention toutefois, gardons à l'esprit que de ces auteurs il ne nous est presque rien parvenu : Onfray se base donc sur quelques fragments épars pour nous présenter... une pensée cohérente et travaillée (Onfray semble ignorer le doute, il a l'art de poser des affirmations flamboyantes). Je me dis que Onfray se sert de ces philosophes pour présenter ses propres idées, avant d'être dans une recherche de véracité historique. Mais après tout pourquoi pas ? Cette partie du livre fait naitre des réflexions chez le lecteur.

Pour Onfray, chacun de nous est enfermé dans son corps, et même déterminé par lui, et ses écoulements, sa mécanique. de cette « solitude existentielle », il faut en tirer des leçons quand à la vacuité de l'amour (qui est « le comble de l'erreur, le triomphe de l'illusion ») et au refus de « tout ce qui immobilise. Soit « la monogamie, la fidélité, la procréation, le couple, le mariage, la cohabitation ».

Il y a ensuite une partie où, reprenant ce qu'il écrit dans le Traité d'athéologie, Onfray montre la vision de la chair coupable dans les textes bibliques – surtout dans ceux de Paul. Il y opposera l'épicurisme, dont il s'amuse à approcher le fondateur des pensées hédonistes. Ensuite il y a un long développement sur l'Ovide de l'Art d'aimer. Onfray fait dire beaucoup de choses à ce poème, dont beaucoup assez intéressantes. Et en dernier lieu, il célèbre le « hérisson célibataire », concrétisant l'idéal amoureux qu'il défend tout au long de ce livre.

À un moment, Onfray écrit : « Pour ma part, je ne me satisfais pas d'une philosophie de pure recherche (...) Je préfère envisager, à l'autre extrémité de la chaîne réflexive, la somme des affirmations et des résolutions utiles à la conduite d'une existence lancée à pleine vitesse entre deux néants ». le projet est louable. Malheureusement, les affirmations d'Onfray manquent soit de clarté (il a le sens de la formule... qui ne disent finalement pas grand chose), soit de pertinence. Chacun sa vérité bien évidemment, mais si vous les suivez les conseils du bonhomme, je pense que vos amours libres s'écrouleront bien vite. Onfray me donne l'impression d'un monogame qui prétend tout savoir sur les libertinages. Non, vraiment, lisez plutôt Françoise Simpère ou Dossie Easton et Janet W. Hardy, vous y trouverez bien plus de réflexions utiles sur l'amour et les sexualités alternatives !

En conclusion de cette trop longue critique, je dirais que le point fort de ce livre est de redonner de la visibilité à des auteurs antiques trop souvent oubliés. Onfray le fait à sa façon (qui a parlé de « philosophie-buldozzer », sans nuances ni doutes ?), mais il a le mérite de le faire. C'est d'autant plus intéressant qu'on voit avec ce travail que plusieurs philosophies du plaisir et de l'amour existent, et que chacune d'elle porte à réfléchir.

Le (principal) point faible, c'est que cette érotique « solaire » et libertine que propose Onfray dans ce bouquin est si triste et si dénuée de poésie... qu'elle n'a plus rien d'une érotique justement. J'ai rarement lu autant de mauvaises raisons de vouloir expérimenter autres choses que la monogamie. Je le répète, si vous êtes attirés par le polyamour, le lutinage, le libertinage, bref, tous ces modes de relations non-exclusives, fuyez Onfray et ses conseils souvent désespérants !
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