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Critique de Lucilou


Si on m'avait dit, il y a quelques temps que je serai émue par la lecture d'un ouvrage qui doit tout à Instagram et aux sms, je ne l'aurais pas cru, j'aurais haussé élégamment un sourcil ou ris à gorge déployée. Absurdement condescendante. Absolument insupportable.
Et pourtant tout arrive. Même ce qu'on croyait impossible, bien engoncée dans des certitudes vaguement ineptes.
En bonne littéraire, je suis une fervente défenseuse des échanges épistolaires et il y a souvent sur ma table de nuit, en plus du roman en cours, le volume d'une correspondance dont je grapille une lettre par-ci, par-là : la correspondance de Sand, celle de Truffaut… Bien sûr, les correspondances amoureuses ont leur place : les lettres de Maria Casarès à Albert Camus, celles de Anaïs Nin à Henry Miller
On dit tellement de choses dans une lettre et puis, toute-puissance de l'encre et du papier, la lettre on peut la conserver, la relire, la glisser -bien pliée- dans son portefeuille ou entre la couverture et la première page d'un livre relu cent fois.
Bien sûr que nous sommes encore une poignée de mohicans à en écrire… mais si peu…
J'en étais-là, à me plaindre de l'époque, de la mort de la lettre, de la sécheresse des sms et de leur instantanéité quand est apparue un peu comme par magie (mais si, celle de l'algorithme !) sur mon fil Instagram une publication d'un compte que je ne suivais pas (encore) : « Amours Solitaires".
Le message de la publication était si beau, si bien tourné qu'il m'a transpercée. Appâtée, attirée, je suis partie à la découverte du compte et ce que j'y ai découvert m'a séduite. Morgane Ortin, sa fondatrice avait commencé à y partager sa propre correspondance amoureuse, celle que la modernité fait écrire sous forme de textos, avant d'entreprendre d'y partager également les centaines de messages amoureux d'anonymes et d'inconnus venus laisser là une trace de leurs histoires, de leur coup de coeur, de leur douleur, de leurs déclarations, de leurs ruptures, de leur désir, de leurs retrouvailles, de leurs nuits, de leurs baisers, de leurs colères…
Et ces messages sont tellement beaux, touchants, poignants. Excitants parfois. Poétiques, osés, jolis. Et tellement écrits aussi.
Avec son compte, Morgane Ortin partage donc des pans d'histoires d'amour, des confidences et des coeurs battants, mais elle tend aussi à nous convaincre que, non l'épistolaire et la correspondance amoureuse, ne sont pas morts. Qu'ils sont toujours-là et toujours capables de créer de la beauté et de l'émotion grâce à l'écriture.
La démarche a fini d'achever ma conquête et dès lors, je n'ai plus manqué une publication d' « Amours Solitaires ».
Cela aurait pu s'arrêter là… jusqu'au livre dont j'imaginais qu'il ne serait qu'une compilation publiée des messages peuplant le compte. Que nenni ! En les lisant et les relisant, Morgane Ortin en a reliés certains qui ainsi ordonnés lui ont permis d'inventer une histoire d'amour entre un homme et une femme et cette histoire-là qu'elle construit et raconte dans le livre.
Le procédé pourrait sembler artificiel et j'ai eu quelques réserves rien qu'à l'idée. Et pourtant… Pourtant, cela fonctionne.
On croit à cette histoire qui naît sous nos yeux, la romance prends corps et elle est d'autant plus belle que douloureuse, rendue compliquée par les fantômes et le passé, par la jalousie, par la peur du rejet. Et puis, le désir, l'étincelle, l'amour jusqu'à ce que se délite l'histoire. Que se passe-t-il quand l'un reste et que l'autre part ?
Le support du texto a cela de judicieux que son instantanéité, son impératif de « temps réel » nous immerge immédiatement dans l'histoire, avec toute la tension et les attentes que cela comporte et on se retrouve prisonniers de cet amour triste, qui ressemble sans doute à beaucoup d'autres, mais qui emporte et brise le coeur malgré tout.
C'est prenant, vraiment prenant et il y a quelque chose de profondément émouvant à penser que cette histoire-là, fictive, naît des bribes d'histoires réelles, confiées aux bons soins de Morgane Ortin par des inconnus qui écrivent si bien ce qui épouse les contours de leurs coeurs et de leurs désirs, comme autant de lettres d'autrefois. On touche presque à l'universel, cet universel qui fait se sentir tellement puissant parfois, tellement petit souvent, mais toujours terriblement vivant.
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