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Critique de Slava


Ovide est bien sûr pour nous l'auteur des Métamorphoses qui constitue pour notre culture avec l'Illiade et l'Odyssée d'Homère la base sur la mythologique gréco-latine. Une longue et riche oeuvre ou le désir amoureux anime les coeurs et les corps dans sa force bouillonnante. L'amour, ce pouvoir d'Eros ou de Cupidon qu'Ovide connaissait bien, puisqu'avant de rédiger les Métamorphoses, il s'est consacré à une autre oeuvre tout aussi célèbre que son poème : L'art d'aimer, un traité sur comment séduire et garder l'objet de son attention dont les conseils bien piquants lui vaudront l'exil par l'austère Auguste qui n'aime pas le badinage mais en revanche un statut intemporel pour le monde occidental, considéré comme un des chefs d'oeuvres littéraire sur ce sujet éternel qu'est l'amour.
Ars amotoria comme le disent les contemporains d'Ovide est constitué de trois parties, la première sur comment trouver la perle rare, la seconde comment la conserver et la troisième, plus étonnante, prodigués pour les... femmes car en effet les lecteurs principaux des deux précédentes parties étant avant tout des hommes. Chaque partie a ses conseils qui sont mâtinés de références mythologiques, prenant pour exemples les dieux ou les héros.
La première partie est celle de la 'chasse' si j'ose dire. Pour dénicher sa belle, il faut fréquenter les meilleurs endroits de la ville, lui offrir des cadeaux mais aussi des promesses, avoir des gestes attentionnés envers elle et obtenir des premiers baisers. Si certains de ses conseils peuvent paraître démodés dû à leur ancienneté ou par leur coté peu légale si j'ose dire (Ovide conseillant de suivre tel un stalker sa proie et de ne pas hésiter à la 'forcer' pour une première étreinte...), la plupart sonnent toujours modernes à nos yeux et n'ont jamais changées, bien des liaisons amoureuses commencent ainsi par de tels procédés. La seconde partie est celle de la 'tenue', du maintien de la relation amoureuse. Il faut être aux côtés de la belle souvent, dire des mots tendres et agréables, gagner la complaisance de son entourage, ne pas être dévoré d'une noire jalousie et éviter de la tromper, et le cas échéant, dissimuler ces infidélités pour ne point éclater le lien. Là encore, tout cela ne semble pas avoir changé des millénaires après. Notons tout de même et nous y viendrons que notre séducteur avisé valorise la femme et enseigne à l'homme de se soumettre à son plaisir et de ne point la brutaliser et d'ignorer ses besoins, voilà bien quelque chose d'impressionnant surtout pour son époque ! Mais rien d'émoustillant contrairement au Kama-Sutra, sensuel certes mais point d'érotisme.
Nous arrivons enfin à la troisième partie qui capte mieux les filles de Pandore puisqu'elle s'adresse aux femmes, la plupart des conseils sont digne de manuels de jeunes filles de l'ère moderne sur comment se maquiller, se coiffer, s'habiller... mais aussi s'approcher de l'être aimé, bien paraître en public et surtout à table et même à la fin comment se comporter dans les jeux de Vénus.
Eh bien que peut-on dire de tout ça ? Tout d'abord, inévitablement un ton légèrement machiste que conote l'ouvrage, lié au contexte historique, ou les hommes sont toutes puissants, de guerriers conquérant des champs féminines, peuvent se permettre d'offenser mesdames qui sont d'ailleurs des créatures frivoles. Mais étonnamment cependant, un grand humanisme sur l'humain en général et surtout une vision très audacieuse sur les relations entre les deux sexes. Car Ovide propose peut-être pour la première fois dans toute la littérature mondiale la réciprocité et égalité dans la relation amoureuse, la soumission servile de l'homme à la femme et le pouvoir de la femme qui peut être libre de séduire à son tour. L'infidélité est vilipendée et Ovide insiste sur le ressentiment exprimé par la femme trompée. Enfin surtout, il proclame l'égalité dans le lit, les hommes devant donner plaisir aux femmes. Des vues révolutionnaires qui ne peuvent que résonner encore plus dans notre époque.
L'art d'aimer est aussi un tableau sur l'époque d'Ovide, la société romaine se libérant des carcans de la rigide République des Césars et qui malgré la mise en place de l'austérité morale d'Auguste, se dévoile dans tous les sens, se permettant aux plus grandes extravagances. Notamment que les femmes peuvent enfin sortir de leurs maisons et paraître aux banquets, chose impensable ! Les femmes sont aussi bien honorées dans les mythes, ou se manifestent une fois de plus le souffle de l'amour, qu'il soit tragique ou bienheureux. C'est une société ou on aime par dessus tout banqueter, non point pour la gloutonnerie contrairement à ce que les scènes orgiaques du péplum nous dépeignent, mais pour paraître et être admirer et admirer l'autre dans une atmosphère parfumé, une société dévoué aux plaisirs de la vie simple mais s'ouvrant petite à petite au luxe, une société qui oscille entre les vieilles traditions et les nouveautés des jeunes générations.
Dans la plume élégiaque ou se mêle l'humour, le solennel et parfois un peu d'effroi quand il s'agit de conter certains épisodes mythiques (tels que Céphale et Procris), Ovide nous prodigue des conseils intemporels que beaucoup pourraient suivre, montrant l'immortalité des jeux de l'amours (et du hasard ?) et de la drague entre messieurs et mesdames, à lire attentivement.
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