Habité par le spleen, Mario Conde, ex-policier et détective à ses heures, déambule dans les rues de la Havane et se morfond à l'idée de fêter dans quelques jours ses soixante ans.
Il n'a pour consolations, que les retrouvailles régulières avec ses amis d'enfance, les moments passés avec la compagne avec laquelle il ne vit pas, et la cohabitation avec son vieux chien. Il tire le diable par la queue, vendant occasionnellement quelques vieux livres.
Contacté par une ancienne connaissance du lycée qu'il n'a jamais revu depuis, il accepte, moyennant finances, de l'aider à mettre la main sur ce qui lui a été dérobé par son amant. Parmi ce butin composé d'oeuvres d'art, de meubles et de bijoux, se trouve la statue d'une Vierge noire dont l'origine incertaine est cubaine, espagnole ou plutôt catalane, voire moyen-orientale.
Le livre est construit autour du double périple de cette Vierge, sur l'île de Cuba, aux mains de voleurs, escrocs et marchands d'art qui comptent bien en tirer le maximum, et surtout au fil des siècles et des continents, là où sont apparues et où ont transité ces représentations noires de la mère du Christ.
Ce voyage dans le temps et au travers des guerres et religions, se traduit dans le roman, par de petits récits historiques, intercalés dans la trame policière, qui nous emmènent sur les pas des Templiers à
Saint Jean d'Acre pendant les croisades, des guerriers du Moyen-âge en Espagne et de ceux de la guerre civile en Catalogne. Fort habilement et de manière poétique, Leonardo Padura crée ici des personnages dont la voix et les comportements rappellent ceux de l'enquête policière, et nous comprendrons pour quelle raison à la fin du livre.
Revenons à Cuba, car l'intérêt de
la transparence du temps - merveilleux titre s'il en est, en totale harmonie avec l'atmosphère du roman - réside également dans la description sociale et politique que Padura en propose, ainsi que dans les états d'âme qu'il prête à son enquêteur Mario Conde, si proche de lui.
Cuba se désagrège, se désintègre. Ses habitants ont le choix d'en partir pour refaire leur vie dans de meilleures conditions, ou d'y rester, en luttant quotidiennement contre la misère. Padura nous dépeint une société fracturée, en proie à la corruption et dont les contrastes sont saisissants.
Nous comprenons la décision qu'il a prise lui même de ne pas quitter son île. Il nous fait partager la passion qu'il lui voue.
J'avais aimé deux de ces précédents livres,
Les brumes du passé et
L'automne à Cuba.
La transparence du temps, par son ampleur et la gamme de ses émotions, les surpasse.