Citations sur Un espion en Canaan (14)
Ce qu’il nous livre, c’est le visage d’un vieil homme attristé et fatigué par les tourbillons incompréhensibles de la vie qui l’ont mené jusque-là. Vêtu de noir, il détourne les yeux de l’obscurité occupant un côté du tableau, mais on a l’impression qu’elle avance lentement vers son visage et s’infiltre déjà dans sa peau.
[Le narrateur évoque un autoportrait de Rembrandt]
Un ciel sans nuages s’étire, tendu et sans limites, sous lequel je nous vois tels que nous sommes : de petits hommes brindilles, dont les quelques pas de vie ne laisseront aucune empreinte sur la suprématie torride du paysage.
- Quand on a regardé les types se poser sur la lune, mon vieux était assis en maillot de corps, une bière à la main, et vous savez ce qu'il a dit ?
J'ai secoué la tête.
"Pas la peine d'aller si loin pour savoir ce que c'est que la solitude." Vous vous rendez compte Mickey? "Pas la peine d'aller si loin pour savoir ce que c'est que la solitude." Ce sont ses mots exacts.
Jamais je ne me suis senti aussi proche de mon père, parce que c’est la seule fois, avant sa lente déchéance, où les forces dont le bardait une vie entière de foi avaient cédé : nous étions côte à côte, tels des égaux, sans que rien ne nous sépare dans ce moment de terreur partagée.
Voilà une des plus grandes bizarreries de la vieillesse – on s’imagine que tout le bouillonnement et les désordres de nos jeunes années devraient, avec le temps, laisser place à une sécurité intérieure, une solidité propre à nous préserver des grandes marées de la vie, alors que ce qui demeure en réalité est un autre courant d’incertitudes troublantes. Et s’il ne se déplace pas avec l’énergie printanière de la jeunesse et qu’on se croit protégé par l’argent et le statut qu’on s’est assurés, on ne peut jamais jurer qu’en un instant – face au sourire fugace d’une serveuse ou à une mémoire hésitante – ces défenses ne vont pas s’éroder irrémédiablement.
J'ai participé à l'opération "Eagle Claw" pour tenter de faire sortir les otages d'Iran. Comme vous l'imaginez, ce merdier n'a favorisé la carrière de personne. Quelqu'un devait porter le chapeau. J'ai fait partie des boucs émissaires. Ils m'ont rendu service. En m'ouvrant les yeux sur des choses que je ne percevais pas.
- Quel genre de choses ?
- Le fait que je servais le mauvais maître.
Puis, braquant les yeux sur moi, il ajoute : "Nous l'avons servi tous les deux."
Ceux qui, par transfèrement extrajudiciaire, sont conduits dans des cellules face à leurs interrogateurs, dans des lieux sans existence sur la carte, et ceux que l’on soumet à des « techniques d’interrogatoire renforcées » livreraient un autre son de cloche - ils vous diraient que le savoir est souvent la chose la plus dangereuse à posséder et que pour mieux vivre en sécurité dans ce monde, il vaut mieux tout ignorer. A condition que l’on vous croie. Oui, seulement à cette condition.
[La cathédrale] illustrait le contraste saisissant entre les supposés croyances et les actes, deux univers séparés dont les orbites semblaient ne jamais devoir se croiser.
Une maison qui a désormais trop de pièces vides, toutes soumises à la lente infiltration de la solitude. Une maison qui donne moins l’impression de protéger que d’enfermer.
Voilà une des plus grandes bizarreries de la vieillesse - on s'imagine que tout le bouillonnement et les désordres de nos jeunes années devraient, avec le temps, laisser place à une sécurité intérieure, une solidité propre à nous préserver des grandes marées de la vie, alors que ce qui demeure en réalité est un autre courant d'incertitudes troublantes.