Citations sur Mortelle canicule (12)
Il y a une part d'inconnu dans chaque homme. Malgré les progrès de la connaissance et les efforts pour le comprendre, une fraction insaisissable, inaudible et infranchissable, proche des lisières de la folie, persistera toujours. Le passage à l'acte, cet instant où tout bascule, était ce qui fascinait Tanguy Guéhut. Comme tous les flics, il avait eu la chance de faire sauter les verrous de l'intime au cours de certaines affaires. Il avait connu l'odieuse volupté d'être le seul à pouvoir vivre cet instant-là. Un tête-à-tête avec un criminel, au moment où le rideau tombe et que tout est joué, juste avant de dire adieu.
Une semaine déjà dans cette fournaise ! Le temps s'étirait au goutte-à-goutte rendant chaque journée plus insupportable que celle de la veille. Dès les premières heures, la ville était écrasée de soleil. On suffoquait. Les organismes étaient mis à rude épreuve. Les hommes étaient comme des plantes, il leur fallait du temps pour s'acclimater et quand le changement était brutal, ils souffraient. Après la peste noire, la brune et la rouge, la peste solaire surgissait dans la capitale. Elle s'infiltrait, inoculait sa fièvre, contaminait et détruisait insidieusement. Elle non plus, on ne l'avait pas vue venir. Les hommes mouraient injustement, les plus fragiles d'abord.
Curieusement, il n’avait pas bien dormi, l’excitation plutôt que la chaleur l’avait tenu éveillé. Il allait falloir la jouer fine, ne pas se précipiter. Tout restait à faire. Une autre histoire commençait.
On s'enfonçait dans le magma de la canicule désormais installée dans la capitale depuis plusieurs jours. On ne cherchait plus à lutter, on se laissait fondre.
Delestran était un flic à l'ancienne, un peu dépassé par la technique. Il aimait prendre son temps, humer l'atmosphère et s'imprégner des événements qui entouraient une scène de crime. Sa technique d'investigation était basée sur la compréhension des personnalités et les interactions entre les protagonistes. Homme imposant à l'allure bourrue, parfois inquiétant, il avait un vice : il aimait les jolis mots. Il fallait lire ses procès-verbaux de constatations et ses rapports de transmission aux magistrats. Il redonnait vie à des termes oubliés.
- Quand il pique une colère, tout le monde aux abris. Il faudra vous adapter, conclut le taulier.
Une semaine déjà cette fournaise ! Le temps s’étirait au goutte-à-goutte rendant chaque journée plus insupportable que celle de la veille. Dès les premières heures, la ville était écrasée de soleil. On suffoquait. Les organismes étaient mis à rude épreuve.
Lui, sa régulation se manifestait surtout par de grosses gouttes de sueur dégoulinant dans son dos. Ça se voyait et ça l’indisposait davantage. Il en avait des souvenirs particulièrement douloureux. Par dérision, bien qu’il ne fût pas si gros, il dégainait dès qu’il pouvait son expression de circonstances à qui voulait bien l’entendre : «Sale temps pour les gros». Et son visage exprimait une forme de fatalité, légèrement exagérée.
Quand on est policier, on ne fouille pas chez les gens pour le simple plaisir de s'immiscer dans leur intimité mais pour découvrir des documents ou des objets relatifs aux faits incriminés et ainsi apporter la preuve de leur participation. La réalité était souvent beaucoup plus nuancée, surtout quand on ne savait pas ce qu'on cherchait. Parfois, on tombait sur des choses étranges, voire insensées. Souvent, plus la façade était belle et reluisante, plus les coulisses pouvaient s'avérer obscures et laides, par contraste. Il ne fallait pas voir le mal partout, chacun avait ses petits vices ou ses secrets cachés. Ce n'était pas forcément immoral ou condamnable, tant que cela ne portait préjudice à personne.
La réalité , une fois de plus , dépassait la fiction . Elle avait mis en lumière ce qui se cache parfois sous le masque de la vertu , la monstruosité d’un homme.
des témoignages sur le Goulag. La rééducation par le travail, l’immonde escroquerie soviétique pour rattraper le retard industriel, avec ce côté excessif qu’ont les Russes dans le Bien comme dans le Mal. Comment avait-on pu infliger cela à son propre peuple ? Des gens partaient dans les bagnes pour dix, vingt, trente ans, alors qu’ils n’avaient rien fait. Pour un oui ou pour un non.
L’arbitraire, la cruauté, le vice, la torture, des hommes qu’on exécute par centaines de milliers dans le silence du monde, des êtres déshumanisés devenus des chiens qu’on envoie pourrir dans un territoire où rien n’est à la mesure de l’Homme.