AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Mermed


Durant l'automne il y a 65 ans, le monde a appris l'existence de Docteur Jivago, écrit par un auteur soviétique, Boris Pasternak. C'est en effet en 1957, entre octobre et novembre, que le manuscrit du roman, passé en contrebande en Occident, est traduit. 
Ce livre, au-delà de sa forte valeur littéraire intrinsèque, est devenu un cas sensationnel. On a tendance à l'oublier dans le monde communiste (qui à l'époque enflammait le coeur, même généreux, de l'homme politique progressiste de gauche ici en Occident) les écrivains courageux étaient persécutés. En Union soviétique, Boris Pasternak était considéré comme décadent et anti-révolutionnaire. 
Malheureusement, de nombreux intellectuels communistes qui ne voulaient pas dissocier leur appartenance idéologique pro-soviétique d'une libre évaluation de l'oeuvre littéraire se distinguaient aussi par l'excès de zèle idéologique. Il y avait un danger, disaient les camarades que l'anticommunisme réactionnaire puisse utiliser le roman pour discréditer la patrie du communisme réalisé. 
Un an plus tard, les juges de Stockholm ont décerné à Boris Pasternak le prix Nobel pour ce roman puissant. L'écrivain télégraphie : « Surpris, incrédule, ému, reconnaissant. Les autorités soviétiques ont cependant forcé Pasternak à le refuser. Humilié, l'écrivain mourut trois ans plus tard. Il n'y avait rien d'anti-soviétique dans "Docteur Jivago" et on peut difficilement comprendre la persécution prudente contre l'écrivain. Ce qui dérangeait peut-être les censeurs, c'était le fait que Pasternak avait placé, sur fond des années tragiques de la révolution russe, une histoire de sentiments intimes, d'intériorité, de sensibilité personnelle. La révolution n'a été ni exaltée ni condamnée mais simplement racontée comme une tempête historique au sein de laquelle s'est développée une histoire d'amour profonde, vivante et douloureuse. Peut-être tout cela fut-il bêtement jugé décadent, antisocial. Docteur Jivago est une sorte de passage du XXe siècle à la grande tradition russe du roman fluvial du XIXe siècle et réaffirme le mélange tolstoïen entre le fond civil de l'histoire et les fils individuels marqués par le drame inexorable des destins personnels.
 Jivago est un médecin-poète jeté par le tremblement de terre de la Révolution loin de Moscou, vers l'Oural, dans la vaste campagne montagneuse des grandes prairies d'été et des gelées blanches d'hiver. Marié à la douce Tonia, amie d'enfance, il retrouve Lara, le grand amour inachevé de sa vie : et les événements tragiques les font se retrouver, se perdre...
L'histoire est dense, minutieuse, emmêlée : pas très facile à lire mais profond et passionnant. En Occident puis, dans les années 1960, la version cinématographique du roman connaît un énorme succès, très émouvant mais qui ne rendait pas pleinement justice à la complexité fiévreuse du roman, dont la prose prend souvent des accents lyriques, aussi parce que Pasternak était un poète important et Jivago, protagoniste du livre, écrit des poèmes. 
Bien sûr, l'arrière-plan de la révolution soviétique en cours qui a émergé du roman anticipe également toute la tragédie implicite de ce bouleversement (l'histoire confirme ce drame). 
Le film est d'une très grande beauté, mais n'oublions pas la complexité fiévreuse du roman, dont la prose prend souvent des accents lyriques,
Un très grand roman.
Lien : http://holophernes.over-blog..
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}