La guerre m'a simplement ôté le dernier scrupule de vivre seul, de me manger tout seul les années et le cœur, et un beau jour je me suis aperçu que Belbo, mon gros chien, était encore le dernier confident sincère que j'avais.
Étrange chose, pensais-je, avec les mioches c'est comme avec les adultes : ils en ont assez quand on s'occupe trop d'eux. L'amour est quelque chose qui embête.
Stephano se demanda avec un demi-sourire ce qu'il pouvait bien y avoir d'essentiel dans un ciel, dans un visage humain, dans une route qui se perd parmi les oliviers, pour que le sang des prisonniers se cognât avec un tel désir contre les barreaux.
- Du nouveau, monsieur le professeur ? Vous nous apportez la paix ?
- La paix est un oiseau. Aussitôt arrivée, aussitôt repartie.
Ce que tu ne dis pas, c'est pourquoi c'est toujours à la classe ouvrière de se défendre. Les patrons entretiennent leur domination au moyen des guerres et de la terreur. C'est en nous écrasant qu'ils se maintiennent debout.
Combien de sang, me demandai-je, a déjà arrosé ces terres, ces vignes. Je pensais que c'était un sang pareil au mien, des hommes, des jeunes gars qui avaient grandi dans cet air, ce soleil, et dont le patois et les yeux étaient aussi opiniâtres que les miens.
Depuis pas mal de temps, je m'étais habitué à ne pas bouger, à laisser le monde devenir fou.
Il y a quelque chose d'impudique dans les mots.
On en était au point où cela ne pourrait pas aller pis. (...) Un consommateur de ma connaissance, homme gros et jovial, dit que, somme toute, nous avions déjà gagné la guerre. "Si je me regarde autour, qu'est-ce que je vois ? s'exclamait-il. Des trains bondés, le commerce prospère, le marché noir, l'argent, les hôtels travaillent, les firmes travaillent, partout on travaille et on dépense. Personne ne lâchera, voyons, personne ne parle de laisser tomber. Quatre maisons qu'on a mises en miettes, et après ? (...) Si, après trois années de guerre, on en est arrivés à ce point, il faut espérer qu'elle durera encore un moment. Après tout, s'il s'agit de mourir dans son lit, on en est tous capables.
Si les Anglais ont démoli la vieille baraque fasciste, ce n'est pas pour bâtir une villa à la place et nous en faire cadeau.