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Citations sur La belle chocolatière (21)

- Eh oui ! C'est des âneries, explosa Marthe. Les Soubirous, c'est des moins que rien, ils ont été foutus dehors de partout, c'est des fainéants ! Et vous allez croire ce que cette Bernadette raconte ! Bah ! tout ce qu'elle dit, ça vaut rien ! C'est une pauvresse, une ignare, c'est de la guenille !
Marie blêmit. Sans s'en douter Marthe avait touché un point très douloureux chez elle. Jamais comme en ce milieu du XIXe siècle, où l'argent régnait en maître et coulait à flots dans les poches des nantis, la pauvreté n'avait été l'objet de tant de mépris. Etre pauvre, en cette année 1858, c'était pire qu'une déchéance, c'était un vice.
- De la guenille? hurla-t-elle. Bernadette, de la guenille ! Et qu'est-ce que tu es d'autre, toi, Marthe ! Et qu'est-ce que nous sommes toutes ici d'autre que des ignares et des pauvresses. Des pauvresses enlaidies, avachies sous le poids de la misère, écrasées de travail...
Et ces mains ! vous vroyez que c'est des mains de dame, vous ! Non, Marthe ! Tu les vois, ces mains, regarde-les, regarde les tiennes ! (Elle hurla:) Toutes, regardez vos mains !
Ces mains ainsi tournées vers le ciel avaient quelque chose de terrible. C'était une géographie, une géologie vivante sur laquelle se lisaient les heures, les jours, les mois et les années passées, dès l'enfance, à lier les bottes de paille dure dans les champs sous des chaleurs étouffantes, une paille qui arrache la peau et y laisse des milliers de piqûres. S'y lisaient le gel des eaux du gave, l'hiver qui crevasse l'intérieur des paumes en de larges sillons qui ne se referment jamais. S'y lisaient les griffes des ronces qui déchirent la peau jusqu'au sang, les brûlures de la neige sous laquelle on cherche encore et encore les dernières châtaignes, le dernier fagot. S'y lisaient les travaux des champs, la terre qu'on soulève à pleines mains, les pommes de terre qu'on plante à l'automne, puis qu'on ramasse au printemps. S'y lisait le travail incessant de ces outils vivants, sensibles et meurtris.
Ces mains, c'était le paysage merveilleux et violent d'une terre qui donne, mais aussi qui prend.
Et ces mains étaient là, à nu, effrayantes dans leur masse informe, avec leurs doigts noueux et tordus, ouvertes vers le ciel.
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Aujourd'hui je sais que ceux qui partent n'ont pas raison et que les seuls paradis pour ceux qui s'aiment sont ceux qu'ils bâtissent ensemble jour après jour.
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Marie sourit. Plutôt que de ruminer ce qui n'allait pas, elle avait décidé de se réjouir de la moindre bonne chose, et elle remâchait sa satisfaction le plus longtemps possible, jusqu'à la faire pénétrer dans toutes les fibres de sa peau et de son coeur. Elle en extrayait la quintessence et la ressassait inlassablement pour s'en construire une carapace de joie qui rejetait au loin les duretés de la vie quotidienne et les mauvais coups du sort qui s'accumulaient régulièrement dans les maisons du quartier et laminaient le moral des familles.
Souvent elle s'était dit que la misère semblait coller toujours à la peau des mêmes, alors, elle faisait avec sa joie comme elle faisait avec son pain. Elle lui donnait une valeur sacrée et en goûtait la moindre bribe.
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Restons dans le concret puisque tu y tiens.t Et imagine un peu. Si toutes ces femmes, au lieu de se laisser porter par leurs sentiments, nous avaient écoutés avec nos beaux raisonnements et notre science. Et bien tout ce la aurait été stoppé net du jour au lendemain et la ville continuerait à mourir d'un côté et à s'enrichir de l'autre. Crois-moi, nous ne pouvons plus percevoir les femmes comme avant, mon cher Jacques, et c'est notre chance ! Elles nous obligent à prendre en compte des dimensions sensibles et spirituelles que nous refusons et qu'il est suicidaire de nier. Je ne sais pas combien de temps cela prendra mais je suis sûr que si un jour nous devenons moins prétentieux et plus généreux, moins arc-boutés sur nos pouvoirs et nos certitudes, ce sera grâce à elles ...
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Je me demande pourquoi des femmes comme nous avons peur de parler de notre vie. Pourquoi nous avons peur du simple départ des hommes, ceux d'hier ou ceux d'aujourd'hui, alors que nous ne devrions avoir peur que de nos propres défaillances face à la vie. Cette vie qui nous demande d'aimer, de comprendre et surtout d'être là. De rester. De construire. Toujours, obstinément.
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- Mais qu'est-ce que tu m'embêtes avec ce miracle ? Restons dans le concret puisque tu y tiens. Et imagine un peu. Si toutes ces femmes, au lieu de se laisser porter par leurs sentiments, nous avaient écoutés avec nos beaux raisonnements et notre science. Et bien tout cela aurait été stoppé net du jour au lendemain et la ville continuerait à mourir d'un côté et à s'enrichir de l'autre. Crois-moi, nous ne pouvons plus percevoir les femmes comme avant, mon cher Jacques, et c'est notre chance ! Elles nous obligent à prendre en compte des dimensions sensibles et spirituelles que nous refusons et qu'il est suicidaire de nier. Je ne sais pas combien de temps cela prendra mais je suis sûr que si un jour nous devenons moins prétentieux et plus généreux, moins arc-boutés sur nos pouvoirs et nos certitudes, ce sera grâce à elles..."
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Aucun endroit n'avait été plus repoussant et polus sordide que Massabielle. Or, depuis que la petite Soubirous venait y voir la dame blanche, en deux semaine à peine, l'univers de boue était devenu un univers de lumière où brillaient chaque jour des centaines de petites flammes et la grotte venteuse et froide dégageait une telle chaleur humaine que quiconque s'y était réchauffé une seule fois ressentait ce qu'il y avait d'irréversible dans ce lieu désormais sacré.
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- Moi, dit-elle à sa mère, je voyais Bernadette qui ramassait les os toute seule, je voyais Justin qui pleurait, j'avais mal, et pourtant je n'ai rien fait pour les aider. Rien...
Un sanglot l'étouffa, elle avait honte. Marie la prit dans ses bras :
- C'est pas bien, c'est vrai. Mais...(Elle montra dans un coin le sac de perles que Lucile avait ramené du marché :)tu as bien su y faire avec le Denis de chez Navarre, et pourtant c'était pas une situation facile. Et tu t'en es bien sortie, alors ! T'inquiète pas, on fait pas toujours bien à chaque fois mais, la prochaine, tu sauras mieux ce qu'il faut faire, et je suis sûre que tu le feras.
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- C'est inutile de monter, lui dit-elle, elle ne vous dira rien. Attendons quelques jours, Monsieur aura mieux digéré la chose et je suis sûre qu'elle ira mieux.
- Oh, ça ! Je n'en suis pas si certaine que vous, répondit Antoinette.
- Moi si ! lança Louisette d'un ton sans réplique, elle ira mieux parce qu'il le faut. Elle n'est plus seule, il n'y a pas qu'elle et ses malheurs.Il y a maintenant une petite fille qui n'a rien demandé à personne et qui a besoin d'une mère, plus que tout autre enfant.
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- Ces notables vous humilieront, et ils ne se contenteront pas de sortir leurs grands airs. Vous les connaissez autant que moi. Ils sont féroces sous leurs airs aimables.
- Je sais, Hortense, mais voyez-vous, cette fois-ci je crois bien que leur avis n'aura aucune importance. Ca fait des années que je me plie et que je me contorsionne pour tenter de leur plaire, ou tout au moins pour être acceptée comme un être humain digne d'intérêt. En vain. Ils ont le crâne farci d'idées toutes faites et on ne les changera pas.
Regardez comme ils ont traité Hélène Duprat ! Vous savez bien, Hortense, les moqueries qu'ils ont faites sur son dos, les atroces méchancetés qu'ils ont dites, qu'elle était cocue, qu'elle avait des cornes grandes comme dix fois les croix devant lesquelles elle allait s'agenouiller. Ils riaient lourdement, au café, tous ensemble, en la voyant passer pour aller à l'église. Ils s'appelaient pour se la montrer. Et vous croyez qu'elle ne le savait pas? Elle a souffert d'une souffrance profonde qui la rongeait à l'intérieur, elle était devenue plus maigre qu'une alouette et, à la fin, elle tenait à peine debout. Ils l'ont tous tuée, autant que son imbécile d'Edouard qui la trompait à tout bout de champ.
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