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Critique de PhilippeCastellain


Voici un livre tombé dans un oubli profond. Pas évident comme lecture il faut dire, malgré son incroyable qualité d'écriture, et nécessitant une certaine connaissance du contexte politique des années 1900. En effet, c'est là le testament politique de Charles Péguy. Toutes ses contradictions s'y résument. Penseurs catholique, et viscéralement républicain, ennemi juré de l'Action Française. Dreyfusard de la première heure, et fidèle partisan de l'armée. Fusionnant mystique chrétienne et mystique républicaine, et se plaignant de voir cette dernière disparaitre…

Mais surtout, il y règle ses comptes du temps de l'affaire Dreyfus. Avec ses anciens ennemis, tout d'abord. Auxquels il n'en veut pas tant, au fond. « Nous voulons sacrifier un homme pour sauver l'image de l'armée. N'est-il pas écrit qu'il vaut mieux perdre un seul homme que tout un peuple ? » Lui disaient-ils. A cela il répondait non. Chacun droit dans ses bottes et voila. Ce sont à ses anciens alliés que vont ses mots les plus amères. Au premier rang duquel, son plus ancien compagnon de route, son camarade de toutes les luttes : Jaurès.

En des termes si froids et élégants qu'ils font plus mal que les pires injures, il l'accuse d'avoir utilisé l'affaire Dreyfus pour lancer sa carrière politique. D'avoir tiré les dividendes en termes de renommée du seul combat qui méritait de rester désintéressé. Et d'avoir pour cela muselé les voix trop discordantes, trop frondeuses ou tout simplement trop brillantes au sein des dreyfusards. Et en premier lieu, celle de Bernard Lazare. Et il est certain que ce grand intellectuel juif est tombé dans un oubli presque total. Qui se rappelle encore qu'il fut le premier rédacteur de « j'accuse », deux ans avant Zola ? Mort en 1903, Péguy exprime ici toute l'admiration qu'il avait pour lui.

On connait la suite. Péguy, convaincu du caractère inéluctable de la guerre, promettant de « fusiller le traître Jaurès ». L'assassinat de ce dernier, et ses plus fidèles partisans basculant dans l'union sacrée. Sa panthéisation et sa transformation en mythe, quand Péguy, tué dans les premiers jours de la guerre, rejoignait les rangs des figures tutélaires de la littérature française que plus personne ne lit ou presque.

Nous ne mènerons jamais des combats comparables à ceux qu'ils ont menés. Qui serrions-nous pour juger l'un ou l'autre de ces deux hommes, ou la relation qui les unissait ?
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