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Critique de karmax211


Une fresque préhistorique palpitante, une BD pariétale passionnante qu'aurait pu dessiner sur les murs de sa grotte un artiste du paléolithique supérieur, il y a 30 000 ans, et qu'auraient dévoré pour se réchauffer le coeur et stimuler l'esprit les jeunes et les moins jeunes homo sapiens durant les interminables lunes de glace.
J'imagine les hommes enchaînés de la caverne de Platon feuilletant cet album rupestre... le mythe en aurait pris un coup ( sourire ).
J'ai lu ce roman de presque 500 pages comme j'aurais lu RAHAN, la célèbre BD d'André Chéret et Roger Lecureux ou plus proche de nous un Astérix d'Uderzo et Goscinny ou bien encore un Umberto Eco dans – le nom de la rose -,
Car outre une formidable documentation que l'auteur adapte à son narratif en s'autorisant des "licences littéraires", il y a dans ce qu'il ( qu'on ) sait sur cette période de l'histoire de "l'homme" une oeuvre romanesque faite d'aventures, d'histoires d'amour et d'amitié, à laquelle s'ajoute une touche qui flirte avec la fantasy et dans laquelle la magie joue un rôle déterminant.
D'où mes associations précédentes : Panoramix et ses potions magiques ou la relation maître-disciple incarnée par Guillaume de Baskerville et Adso, le jeune moinillon initié par son maître.

La qualité majeure de – le chant du bison -, c'est d'avoir, grâce à une subtile cohabitation documentaire-fiction, réussi à écrire un roman éminemment didactique et charnellement, émotionnellement épique.
Non seulement la lecture de ce livre vous apprend, mais cerise sur une cuisse de chevreuil, elle vous immerge dans un passé auquel la plume et l'imaginaire d'Antonio Pérez Henarez confèrent une proximité sensorielle.
Oui, ce roman est visuel ( polychromatique ), olfactif, tactile, auditif et j'ajouterais gustatif... bien que végétarien depuis 40 ans ( sourire )
C'est en 500 pages une visite guidée du paléolithique supérieur dans ce qui fut une partie de la péninsule Ibérique et une large partie sud de la France.
Nous sont racontées la vie et surtout la survie au rythme des deux saisons concédées par une période de glaciation ( les longues et ravageuses lunes de glace et une trop brève saison plus chaude ) des clans qui peuplaient ces contrées.
Nous est montré avec force détails le quotidien de ces clans homo sapiens et néandertaliens.
La composition de ces clans, leur hiérarchie, leurs us et coutumes, leurs croyances, la place et le rôle des hommes, celui des femmes, leurs tâches réciproques, leur habitat, leurs vêtements, leurs outils, leurs armes...tout est là.
En plus de la figure du chef, deux autres figures retiennent l'attention : celle du chaman ( un mélange de sorcier de prêtre ou d'intercesseur auprès de l'infra et du supramonde, doté de moult pouvoirs ) ainsi que celle de la gardienne du feu ( sorte de prêtresse qui entretient le culte de la Déesse et comme le chaman a des pouvoirs magiques et en particulier des talents de guérisseuse ).
Le paléolithique supérieur, c'est encore l'ère du chasseur-cueilleur.
Il est donc normal que l'auteur évoque la cueillette ( surtout le domaine réservé des femmes, des enfants et des vieux ).
Mais ce qui occupe la place de choix dans ce roman d'aventures, ce sont les scènes de chasse...nombreuses.
Quelques-unes de ces scènes retiendront davantage votre attention que d'autres.
Pour ma part, ce sont celles de la chasse aux bisons, des rhinocéros laineux, du vieux lion des cavernes qui m'ont le plus épaté.
Mais que dire de la scène de la baleine agonisante sur une plage du Grand Bleu dont la chair est convoitée par les fauves, les rapaces et les clans ?
Que dire aussi de la pêche des saumons remontant les cours d'eau pour la fraie ?
Et tout cela vous ouvre un champ lexical d'une richesse dont vous auriez tort de vous priver.
Faune, flore, matériaux, outils, armes retrouvent une actualité que l'auteur fait vivre avec tout l'intérêt du passionné qui a déjà écrit, sauf erreur de ma part, une trilogie préhistorique, ainsi qu'un ouvrage intitulé – La mirada del lobo – dans lequel il raconte la rencontre de l'homme et du loup, rencontre où naquit la domesticité de l'animal sauvage à l'origine du chien...

Il y a bien sûr les scènes enrobées d'un voile de mystère et baignant dans une atmosphère ésotérico-hallucinatoire et qui donnent naissance à quelques-uns des chefs-d'oeuvre artistiques que l'on peut encore admirer sur les parois de certaines grottes.

Et comme l'homme est mi-ange mi-bête, il y a les affrontements entre clans qui donnent lieu à des scènes d'une grande violence où les gourdins des uns font le malheur des sagaies et des propulseurs des autres... et vice-versa, où tactique et stratégie commencent à poindre le bout de leur nez, et où si l'anthropophagie subsiste, c'est de manière sursitaire.

Le ou les fils conducteurs de cette visite guidée, ce sont les trois personnages centraux que sont deux bâtards, deux orphelins ou abandonnés que sont Chat Huant, un "peau sombre", entendez par là un Homo sapiens et Terre d'Ombre un demi "peau claire", comprenez un Néandertalien.
On comprend d'entrée de jeu que ces deux-là sont nés pour se rencontrer et s'affronter à la fin de l'ouvrage... puisque d'une part c'est dit par l'éditeur et que d'autre part l'auteur choisit d'hypothétiser la disparition de Néandertal pour, entre autres, des raisons d'une politique de natalité l'ayant conduit à rapter les femelles de Sapiens.
Bien que n'ayant jamais eu le privilège de rencontrer Yves Coppens autrement que par ses interventions télé ou audiovisuelles ou à travers quelques articles de presse, je penche pour ma part pour une explication plus "darwinienne".
Comme le souligne l'auteur, Néandertal est court sur pattes, a un torse et une force d'aurochs, mais est plus malhabile que Sapiens, moins ingénieux, moins inventif et donc le moins adapté à l'évolution...
Le second fil conducteur, c'est la rencontre, l'adoption, la filiation entre Chat Huant et l'Errant, un chaman aux multiples pouvoirs, un homme sage, condamné à errer de clan en clan en attendant "Le signe"...
Cette relation maître-disciple nomades, tous deux embarqués dans un voyage initiatique va servir de prétexte à l'auteur pour nous offrir ce mini tour d'Espagne et ce mini tour de France, jouant à la fois sur le fictionnel et sur le documentaire.

C'est un roman qu'il faut avoir avec soi lorsqu'on prend l'avion, lors d'un long trajet en TGV ou en vacances.
Il y a certes quelques ficelles narratives apparentes et quelques incrédibilités fictionnelles... sauf si l'on intègre cette part de magie dont j'ai déjà parlé.
Les licences littéraires, l'auteur les assume et les revendique.
La part de magie fait, elle, partie du charme de ce roman qui n'aurait pas pu avoir la même saveur sans elle.
Ainsi " la Noire ", sublime gardienne du feu qui va initier Chat Huant à l'intégralité du Kamasutra est , elle, une avant-gardiste crédible comme le sera, via ses pouvoirs surnaturels, la rencontre de Chat Huant avec "la Louve".
Mon seul vrai bémol tient au langage très élaboré et des Sapiens et des Néandertaliens et à leur capacité à communiquer dans des formes abstraites, conceptuelles dont rien n'atteste l'existence.
Néandertal communiquait-il à partir d'un protolangage et Sapiens est-il à l'origine de la naissance du langage articulé ? Ce sont là deux questions sur lesquelles l'auteur fait l'impasse, allant même à donner à Pavot ( peau sombre gardienne du feu prisonnière des peaux claires) la capacité d'apprendre pendant sa captivité de quelques lunes ( quelques mois ) à parler couramment la langue de ses séquestreurs...
Quant à la communicabilité entre les Sapiens et les Néandertaliens, elle se heurte à la théorie néodarwinienne de l'intelligence machiavélique selon laquelle il est dangereux de transmettre des informations. Chez les chimpanzés par exemple, en vertu de cette théorie de l'intelligence machiavélique, on se tait et on garde pour soi les informations plutôt que de les transmettre...
On dira qu'Antonio Pérez Henarez a fait une "Edgar Rice Burroughs" ( sourire )...

Sans vouloir faire dans l'émotionnel à quatre sous, je peux dire que ce bouquin m'a embarqué, m'a questionné, m'a interpellé, m'a fait rêver et il m'a semblé presque toucher du doigt un de ces hommes, une de ces femmes, un de mes possibles aïeux avec lequel, grâce à cet ouvrage, j'ai pu retisser le lien, ressentir et raffermir le cordon ombilical qui nous relie.

Je serais un père en âge d'offrir un bouquin pour les fêtes à ses enfants ados que ce roman pourrait faire partie de mes choix. Ne l'étant plus, je le recommande à tous les papas et à toutes les mamans qui ont des enfants à partir de treize ou quatorze ans ou des parents ou amis de tous âges, et si parmi eux se trouvent des amoureux de la Préhistoire, foncez !
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