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Critique de nadejda


Vers 1780, « Deux hommes de bien », deux hommes choisis, à l'issue d'un vote, par leurs pairs de l'Académie Royale espagnole avec pour mission de gagner Paris et rapporter l'édition originale en 28 volumes de l'Encyclopédie :
l'un, bibliothécaire de l'Académie, don Hermógenes Molina que ses amis appellent don Hermès, est un « petit homme rond, débonnaire, veuf depuis cinq ans. Latiniste émérite, dont la traduction des « Vies parallèles » de Plutarque a été un sommet des belles lettres espagnoles…. Peu soucieux de son apparence, sa barbe drue …. assombrit un visage dans lequel des yeux marron, pleins de bonté, fatigués par l'âge et les lectures, semblent contempler l'univers avec une certaine désorientation et un étonnement poli. »
L'autre, Amiral à la retraite, entouré de ses deux soeurs restées célibataires qui prennent soin de lui, Pedro Zárate y Queralt « a une réputation d'homme renfermé et excentrique »
Il est l'auteur d'un important dictionnaire de marine, « est grand, mince, encore fringant, avec un comportement rigide, presque sévère. Ce qu'il y a de plus remarquable, dans son visage, ce sont ses yeux bleu clair, très aqueux et transparents, qui regardent le plus souvent ses interlocuteurs avec une fixité vite inquiétante, quasi insoutenable. »

Deux hommes très différents que cette aventure, dans laquelle ils se trouvent embarqués sans l'avoir voulu, vont rapprocher. Une amitié, une profonde estime malgré leur divergence de point de vue va progressivement les lier.

A travers leurs yeux, nous allons découvrir cette époque des lumières, ce XVIIIe siècle finissant des libertins où l'insouciance, l'art de la conversation dans les salons et la légèreté d'une vie privilégiée ne va pas tarder à s'effondrer sous la violence de la révolution qu'ils n'auront pas vu venir.
L'abbé Bringas qui accompagne nos deux compères dans leur quête de l'Encyclopédie et leur exploration de Paris, « parfait exemple de la rancoeur pré-révolutionnaire, était un de ces pseudo-philosophes frustrés et radicaux ».
Cet homme plein de cynisme et de rancune saura leur montrer le fossé qui existe entre les petits marquis poudrés et les belles dames cultivées tenant salon de la rive droite où les rues sont sécurisées et éclairées et la noirceur de la rive gauche où règne la misère, où les gens vivent dans la saleté et l'insalubrité, où va pouvoir se développer le ferment des révoltes sanglantes à venir qu'il suffira de canaliser et exacerber, rôle dévolu à la presse et aux écrivains.
« Le devoir de ceux qui manient la plume, notre devoir philosophique, est de démontrer qu'il n'y a pas le moindre espoir. De mettre l'être humain face à sa désolation. C'est alors seulement qu'il se lèvera pour demander justice et vengeance. »

Dans l'ombre rôde un autre homme, Pascual Raposo, homme de main chargé de suivre les deux voyageurs, chargé par deux académiciens opposés à l'entrée de l'Encyclopédie en Espagne, de faire échouer cette expédition. A Paris, il s'octroiera, moyennant paiement, les services de Milot, flic vénal.

Une certaine naïveté va faire tomber nos deux compères dans bien des traquenards. Mais sachant dès le début qu'ils ont réussi à ramener l'Encyclopédie à bon port nous profitons pleinement de ce périple parfois rocambolesque et cocasse.

Perez-Reverte, lui-même académicien, nous raconte sa découverte des 28 volumes. Intrigué par la présence en ces lieux de cette première édition de l'Encyclopédie l'auteur est conduit à poser des questions à son entourage et, et…suite à ses premières recherches : « Alors, tout à coup j'ai su quelle histoire je voulais raconter Elle est venue tout naturellement, structurée dans ma tête tel un exposé, avec intrigue et dénouement : une suite de scènes, de cases vides à remplir. Il y avait un roman en marche, et sa trame m'attendait dans les recoins de cette bibliothèque. »
C'est ce roman en marche, ces recherches bibliographiques et autres qu'il va nécessiter au cours de sa mise en forme, que l'auteur va nous faire partager en prenant un malin plaisir à mélanger le vrai et le faux. Il offre ainsi à ses lecteurs de participer parallèlement à la lecture du roman, à l'aventure non moins passionnante de son façonnage par l'écrivain.
La lecture de ce livre se double alors d'un jeu de piste qui éveille la curiosité et donne envie d'aller faire, comme l'auteur, nos propres recherches.
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