100ème critique sur Babelio et mon plus gros coup de coeur de ces deux dernières années pour un roman de fantasy. Alors je vous ai fait une critique longue comme un roman, ou presque. Libre à vous de libérer les spoils (qui n'en sont pas) si vous voulez lire la version longue de cette critique.
Irmine et Helbrand Lancefall sont deux frères issus d'une lignée d'Arserkers, d'anciens guerriers dont la légende prétend qu'ils possédaient du sang de dragon. Ils se sont installés dans la ville d'Alerssen, la Marchande. Repérés pour leur talent d'assassins par l'intendant de la ville, ils vont être recrutés comme garde du corps pour la jeune princesse Kassis, dernière héritière royale d'Alerssen, les frères Lancefall se retrouvent alors aux milieux d'intrigues politiques et religieuses.
Avis général :
Tout. Il y a tout dans ce livre : complots, tortures, assassinats, mystères mais aussi amitié, rancoeur, premiers émois amoureux, dettes de sang, castes sociales et religieuses… L'ensemble porté par un style remarquable. C'est assez lyrique sans être chiant. Les descriptions foisonnent sans que le récit en pâtisse. Si l'auteur prend le temps de poser son histoire, ses lieux et ses personnages, très vite le rythme s'accélère il devient difficile à la fin de lâcher le roman. Avec en prime, un énorme Twist que je n'avais pas vu venir. L'histoire me paraissait pourtant assez prévisible, pour qui est adepte de fantasy, mais sur ce dernier coup de l'auteur... Chapeau bas…
Olivier Peru joue un jeu de dupes aussi bien avec le lecteur qu'avec ses personnages.
Les personnages
Ces derniers forment une galerie de portraits tout en nuances, ils sont attachants et poignants à leur façon. Et c'est entre autre, le talent de l'auteur. Son interprétation sur chacun d'eux ne laisse pas indifférent. Même la dernière des raclures m'a fait éprouver de l'empathie.
Il y a d'abord les héros principaux : Irmine et Helbrand Lancefall ces deux frères orphelins, à peine sortis de l'adolescence, qui survivent grâce à leur métier d'assassin. Point trop naïfs, ils amassent peu à peu un petit pécule pour espérer prendre bientôt le large et visiter le monde au-delà du royaume. Bien qu'ils s'évertuent à rester discrets en exécutant leur besogne à l'extérieur des murs de la ville, ils se voient un jour convoqués par l'Intendant de la Ville, Guyarson. Ce dernier est décrit comme un petit homme qui dissimule un esprit vif sous des aspects débonnaires. Il dispose des pleins pouvoirs depuis que l'ancienne famille royale d'Alerssen a été condamnée à ne plus jamais sortir des murs du château, conséquence de la défaite qui opposa la cité au roi du Reycorax. Guyarson règne sur la ville et son armée. C'est un dirigeant strict mais juste. Adepte des jeux de pouvoirs, il comprend très vite l'intérêt de protéger la dernière héritière royale d'Alerssen dont la vie a déjà été menacée à plusieurs reprises.
A l'Est, le personnage le plus puissant de ce monde, le roi Karmalys s'ennuie sous le poids d'une couronne qu'il n'a jamais souhaité porter. Obèse et dépressif, il règne en maître paranoïaque et n'hésite pas à éliminer toute menace. Il est secondé par sa soeur, Akinessa, surnommée la main douce par opposition aux manières brutales de son frère, et par Irthbert son premier conseiller, homme rusé et très doué pour les affaires diplomatiques.
Un personnage que j'ai vraiment trouvé intéressant est Opimer Cordaklance, chefs des soldats du roi et surnommé Père-Carnage. La légende dit qu'il aurait tué sa femme et ses enfants avant de rejoindre l'élite de l'armée royale. Alors que le récit s'étoffe, la psychologie d'Opimer également et il me tarde d'en apprendre encore plus sur lui.
A l'Ouest, Huparn Cavall, chef rebelle des îles de l'Ouest se pose en ersatz de William Wallace. Figure emblématique de l'opposant à l'occupation et à la répression, il va se dresser contre la politique totalitaire du roi Karmalys et déclencher le soulèvement de la population contre ce même roi.
A Alerssen, à l'épicentre du royaume, le personnage de Kassis Yrasen, princesse déchue de tout pouvoir et condamnée à rester enfermée dans son château m'a d'abord fait lever les yeux au ciel. le mythe de la princesse enfermée dans un donjon que le chevalier doit délivrer. Sauf que...
Ici le chevalier est une ordure qui, une fois le masque tombé, laissera également tomber la demoiselle en détresse. C'est finement joué de la part de l'auteur.
Les personnages secondaires sont très bien décrits. J'ai beaucoup aimé le nain du château des ronces et son nain-pitoyable humour. le borgne Arserker a attisé ma curiosité et le fait qu'il soit si peu évoqué est là aussi très bien amené.
Bref un gros coup de coeur également pour la psychologie des personnages.
Les lieux :
Enfin pour les lieux, j'ai beaucoup aimé l'action qui se déroule à Alerssen, une cité-souveraine, au statut batard. Indépendante économiquement et politiquement, elle dispose donc de ses propres lois, de son intendant, de son armée mais reste toutefois inféodée au roi de Reycorax. Surnommée la Marchande, elle compte un énorme trafic commercial. C'est vraiment l'épicentre du royaume et le lieu où tous les regards convergent avec convoitise. C'est aussi dans cette place que nous découvrons l'opposition de deux religions, les polythéistes ceux-qui-tissent et l'Ecriture les monothéistes. Cette opposition prendra toute son importance avec en toile de fond la prophétie annoncée par l'Ecriture : la venue du Roi-Silence.
D'autres lieux sont évoqués tels Ephysar, la ville du Roi, Tanterelle, la ville de fantômes, les Iles de l'Ouest en tant que berceau de la rebellion et le Château des Ronces, prison de pierre pour la princesse Kassis Yrasen.
Petit bonus :
Olivier Peru s'illustre aussi dans la bande-dessinée. Avec Martyrs, il signe donc le texte ainsi que que la couverture du livre et les illustrations intérieures.