-Le Parti doit toujours avoir raison, Katz!
-C'est un dogme ?
-Non, une nécessité !
Pour Olga, réfugiée et militante internationaliste de base, le soleil brillera toujours à l'Est.
Le grand Gorki avait donné le ton : "Il faut créer un art pouvant éduquer les bâtisseurs du socialisme !". Le nouvel écrivain devait être un ingénieur des âmes, un guide des consciences prolétariennes . C'était à lui qu'il revenait de propager l'image d'un monde idyllique et de stimuler les énergies de ceux qui avaient la tâche immense de construire le socialisme.
On vivait avec la peur comme d'autres vivent d'espoir.
Le poète avait écrit ces quelques mots avant de se suicider, quatre ans plus tôt. Depuis, combien d'autres,eux aussi, avaient choisi la mort plutôt que d'assister au naufrage de leurs illusions ?
-En URSS, on ne croit plus aux morts naturelles ! Même les crises cardiaques suscitent des doutes! Ah! L'heureux temps où l'on pouvait mourir paisiblement apoplectique !
Katz ne savait pas encore que les révolutions meurent d'arriver au pouvoir. Car leur triomphe est aussi leur agonie.
Avec un fusil dans les mains, on ne se posait pas de questions. On ne doutait plus. On oubliait même l'ombre menaçante qui recouvrait la place rouge et bientôt le mouvement international tout entier.
Qui était censé surveiller l'autre ? La question, toujours présente, jamais posée, donnait une curieuse couleur aux relations entre les deux révolutionnaires.
Plus tard, comme pour se justifier, il avait cité Jaurès : " quand un pays révolutionnaire lutte à la fois contre les factions et le monde, ceux qui dirigent cette entreprise immense n'ont pas le temps de rallier les dissidents, de convaincre leurs adversaires.... Ils demandent à la mort de faire autour d'eux l'unanimité immédiate dont ils ont besoin !"