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Citations sur La face nord de Juliau, dix-neuf (13)

          INTERLUDE
  
  
  
  
On aimerait une prose qui épouserait notre promenade, un
réel d’écriture et une dilatation d’amour dont on connaîtrait
les illusions – le sachant ne le sachant pas – la découverte
d’un lieu, la naissance d’un pas composé, aimé, pouvant
sauter le ruisseau dans l’élan des yeux, des forces en action,
la perdrix figée, le lièvre qui a peur, la phrase irait comme
ça, la lettre que je vous écrirais en même temps, bien
qu’il soit trop tôt pour nous, puis trop tard, la vie ayant
passé dans l’intervalle, les temps toujours brisés malgré ces
accompagnements et cette malice que les corps si douce-
ment montraient, si souplement la couleuvre glissant mais
trop tard aussi, les yeux n’ayant pas eu le temps, ce qui les
troublait, les trouble encore, les nôtres pourtant rompus à la
fiction mais avides d’instants, sûrs d’avoir rêvé, heureux de
n’avoir pas inventé cet éclat pareil à de la littérature quand
il n’en était pas question entre nous, et on remarque alors
qu’un paradoxe commencerait à s’affaiblir, la vigilance des
mots se mettrait à fondre, on suivrait ce qui se passe entre
nous, le cœur qui vague même s’il ne vague qu’en souffrant
et que c’est bien ici que ça a lieu, dans cette phrase main-
tenant, dans ce corps dont l’intrusion chancèle, auriez-vous
senti cela, la tactilité du récit, le ruisseau engourdi, le muret
sauté et nous voici à nouveau réunis entre deux virgules,
épris du même temps, étreints, car il s’agirait vraiment du
même temps mais c’est invraisemblable de le sentir seule-
ment sans le vivre, sans l’avoir vécu, sans même l’avoir écrit,
ce grand chambardement d’images peintes, dites ou nues
quelle différence ? la prose témoignerait pour les corps,
l’image nue serait la première, celle des yeux qu’on a dans
la tête – le sachant, ne le sachant pas – venue de l’optique,
le corps en étant le tenant, le physiologue averti, sommé de
prendre la main pour choisir le ruisseau, le sentier et c’est à
ce moment précis que la prose explose, laissant le texte en
miettes, la vie irrattrapable là, de plein fouet, on se retourne
et presque rien n’est arrivé.
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I
  
  
  
  
8 octobre

Colline est votre nom en paysage, en flaques citron et rose
sommeil. Sa récurrence nomme l’arc-boutement du désir,
d’autant plus violent que tout est réel, même l’interpréta-
tion des songes. D’où la douleur de la langue dans l’exten-
sion du bois, vers nos espaces inconjugables, juxtaposés tels
des mots s’envolant d’une bouche close vers l’image où
vous souriez.

Avec le langage, nous n’allons que de l’avant, mais plombés
autant que remorqués. L’image, le paysage qui reviennent
en boucle nourrissent cette avance qui ne sait plus qu’ou-
vrir un corps éperdu, virant telle une buse autour du rose
évanoui.


p.17
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                VI
  
  
  
  
Le genêt se répand, trempe dans le jaune. L’image est pas-
sée et repartie. Dans le corps elle a changé de nature. Jaune
est le nom de cette modification, le pivot du désir quand
les yeux tournent, se retournent, écrivent qu’ils le font,
se perdent dans la phrase qui boîte, vont dans le paysage
pour calmer la douleur, dans l’image pour son silence. Ils
reviennent chargés d’invitations, de déceptions, spécifique-
ment hachés dans le corps et prêts à tout. Tête penchée,
joues en feu.

23 février

-Comment éviter le malheur de ne pas vivre dans le même
monde, si les images ne se superposent pas, si les paysages
s’additionnent sans résultat ?

Les aperçus, les bribes, les éclaboussures : ce serait la défi-
nition du désir. Des pans de genêts à l’intérieur d’un flux
silencieux…

-Ce serait le bonheur ?

-Ce serait l’heure riche de la distance et de la divagation.
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Préambule :
  
  
  

L’oubli, si souvent traversé au présent, devient vite l’inou-
bliable : ce qui ne peut que resurgir par quelque biais, par
la langue et par toutes sortes de pressions pour dégager et
extraire ce qui fut violemment incorporé. L’inoubliable, ou
l’enterré vivant en nous. Le vécu le plus intense étant aussi
le perdu le plus profond ; la mémoire, un horizon pour se
mettre en route, et le présent ce que l’on souhaite vivre
mais qui s’efface à mesure : le désir même, la puissance
d’éloignement du désir.

Vous – la plurielle revenue des ombres – êtes occupée
dans des images qui agissent et se répètent. Vous parlez
derrière un mur d’air. Vous ne répondez qu’en bougeant
dans l’image, sous la protection du silence. Puisque aussi
bien la colline est un corps, le vôtre peut en répondre. Vous
absorbez l’entière intimité de l’érotique du monde.

Intruse convoitée, étincelles de la biographie, auriez-vous
fait de nous des personnages, comme dans les livres ?


p.12
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Bab 23022024 23h14
II
  
  
  
  
C’est çui qui dit qui est

et aussi : c’est çui qui dit qui fait.

Et celui qui dessine, celui qui peint ?

Ils relancent aussi votre image suspendue, figée, qu’on vou-
drait immobile, qu’on voudrait changeante, qui ne l’est pas,
prise dans l’attrait, gelée dans le désir.

Çui qui écrit oublie que çui qui dessine, peint fait l’autre-
ment de la même image. La différence est un monde où le
corps veut ceci et cela, du coup ils ne se rencontrent qu’à
moitié.



Et çui qui dessine, il ne fait pas ce que le verbe faire annonce,
il s’ouvre un monde qui veut s’en passer – mais pas de
l’annonce – qui n’a pas besoin du verbe être pour être, ou
bien d’un autre, d’une autre forme de ce verbe. Espace aussi
visible que l’autre est lisible, espace déclenché par des opé-
rations de construction ou d’établissement ou d’élancement
auxquelles le corps non verbal procède. Monde concurrent,
autre monde et il faudra choisir la possibilité d’y recourir,
d’y vivre aussi.

C’est ce bonheur qui me brise, c’est dans ses gravats que
j’écris, que je me redresse.


p.19
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I
  
  
  
  
9 octobre

Que les images grâce auxquelles nous vivons nous satis-
fassent, elles qui sont capables à la fois d’enclore et de feindre
la grande volatilité de ce qui arrive, qu’elles demandent
toujours plus de précisions, qu’elles réclament aussi d’ac-
complir l’apparence, d’exaucer ce que nous y avons vu et
de trouver une parade à n’être que des images, à regretter
leur empire, à dénoncer leurs œuvres et leur pouvoir, oui,
qu’elles nous satisfassent néanmoins.

Jaune qui monte, rose qui fleuve ; et vous en faites partie
au même titre que la soie du genêt, l’absorption du renard.

Images puissantes, inlassables, comme les phrases qui vont
et viennent, vont et reviennent, vont pour revenir sur la
déchirure où elles naissent, la douleur qu’elles aggravent,
le désir qu’elles augmentent. Images qui auront dévié la
violence en la réalisant autrement, l’autrement de la langue
à côté de l’autrement de l’image, de la jupe aux cheveux
courts, de la douceur obtenue.

Appliquant au paysage l’ensemble et l’immensité des ques-
tions, l’ensemble et l’immensité de la nuit qui tombe, du
noir qui gagne votre épaule, monte sous les paupières.

« Je pense que c’est le désir sexuel qui retient l’art à l’inté-
rieur de la figuration. »


p.18
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I
  
  
  
  
6 octobre

Puis les images prennent leur marque et vous êtes confon-
due. La colline aussi. Par vos pouvoirs d’ascendances et par
vos manifestations : jupe, écureuil, géranium.

Dans le souvenir comme dans l’observation, on ne dis-
tingue pas la couleur de sa fonction colorante, ni de sa
flèche psychique :

le mauve du côté du sourire, et le rose de sa liquidité.



Un jour les phrases cesseront de vous porter ; les mots
seront vivants et l’écriture morte,

veut-on cela ?



La lame si lente, si fine, qui descelle l’image de l’image,
qui veut décoller la phrase de son support, en détacher le
timbre, laisse un trou, un vide. Le travail de la langue est
ce forage, cette terre brûlée et ce royaume où plus rien
n’est comme avant, ni même vrai, mais répondant à un si
puissant désir que vous en recueillez finalement les bien-
faits.

Rose délice au regain, au recollement de l’image sur le corps
réel. À la fin de la fiction, comme après l’essartage, tout
regagne en vitalité.


p.16
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I
  
  
  
  
Vous ne m’en voudrez pas si, trop lumineuse, de vous avoir
sous les yeux, tout devient noir.

Du fond des yeux si sombres

tellement nocturne

adjacente et nette d’adjectifs si féroces, si envieux

d’une existence déplacée ici au complet.


1 octobre 2018

Un jour une Marquise sortit à 5 heures. Elle ne m’intéresse
pas. Vous oui, qui n’en avez aucune qualité, mais toutes
celles qui lui manquent. À vrai dire, vous ne manquez de
rien. Me manquez-vous seulement ?

Vous êtes une couleur, le visage d’une plongée, l’arrêt sans
image d’un mur de profondeur. Le don de la distance et de
la magnétique.


2 octobre

Il se pourrait que vous soyez genêt, que votre nom soit
jaune. On ne peut perdre que ce qui passe réellement.

Perdu pour de bon : ce qui passe repassera. En saisissant,
et c’est le saisissant qui reste, mais lâché, dans l’air, moins
disparu que proie, moins disparu que lisible.


p.13
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II
  
  
  
  
8 novembre

Puis le paysage prit toute la place. La vôtre y fut englou-
tie. Flaque de jaune, regard presque courroucé, ou inquiet.
Colline compatible et paroles d’une grande ubiquité. Une
inondation par la couleur, par la franchise de la couleur.
Paroles simples à la hauteur de l’enjeu, prairie bleue, ado-
rable façon de regarder les mots, d’y voir de l’enlèvement et
de la volatilité.

Toujours pas la moindre imagination, peut-être un peu de
fantasmagorie.

11 novembre

Le ciel plus jamais fixe, toujours parfait, presque indolent à
force de perfection. Paroles le long des genêts :

– Êtes-vous contente de la situation ?


p.20
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II
  
  
  
  
7 novembre

Bientôt, il ne sera plus question de chicane ni de stratégie.
Tout pourra relever de l’entreprise. Les choses auront cette
facilité, le paysage aussi, au-delà de la ligne des épaules ;
accueil irremplaçable accompagnant l’avance des paroles
enchevêtrées.

Toute l’image en vie et la vie en couleur.

– Vous ne m’en voudrez pas ?

– Mais de quoi ?

– Si ce qui se dit est ce qui est ?

Vous êtes comme si je me parlais. Derrière c’est peut-être
la mer.


p.20
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