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Critique de Acerola13


Philippe Pétriat nous livre avec cet essai fourni et détaillé une véritable analyse de l'impact de l'exploitation du pétrole sur les sociétés arabes du Moyen-Orient.

Cette histoire arabe du pétrole peut s'écrire en quatre temps : l'émergence de l'exploitation pétrolière et l'euphorie qui en découle, le retour brutal à la réalité lors de la Seconde Guerre mondiale, les luttes d'influence entre pays arabes établis, et enfin la remise en cause du modèle d'État rentier pétrolier dans un monde préoccupé par l'écologie.

L'auteur nous éclaire sur les conditions de travail inégales entre travailleurs arabes et travailleurs indiens, encore britanniques au début du XXe siècle, et qui bénéficient donc de nombreux avantages par rapport aux locaux. Les employés locaux sont pour la plupart des ruraux ou des bédouins espérant rompre avec leur pauvreté, mais ils tombent sous le joug de ponctions salariales et de dettes qui ne sont pas sans rappeler la situation des pêcheurs de perle du Golfe narrée par Albert Londres.

Si l'exploitation du pétrole fait l'objet des rêves les plus fous, la Seconde Guerre mondiale impose au Moyen-Orient de nouvelles préoccupations, et fait entrer en crise une industrie jeune et une ressource naturelle qui va vite devenir l'instrument d'une politique d'indépendance et de souveraineté, à l'image de l'Algérie et de la Libye qui usent du pétrole pour soutenir leur politique "révolutionnaire", aidées en cela par la nouvelle classe ouvrière qui contribue à l'exploitation de l'or noir. de nouvelles villes sortent de terre au gré des résultats des prospections (Kirkouk, al Ahmadi...), tandis que le panarabisme peine à surmonter les rivalités économiques entre des pays nouvellement maîtres de leur destin.

Les chocs pétroliers sont le témoignage d'une nouvelle rupture, où certains récusent même l'emploi du terme "choc" qui viendrait accuser les pays arabes de manipulation des cours et de la situation économique catastrophique. Ces pays arabes rentiers n'ont d'ailleurs plus grand chose à voir avec leurs homologues tiers-mondistes en développement, et participent pleinement du système banquier international puisque les fonds tirés du pétrole sont placés dans des banques étrangères occidentales, tandis que les pays occidentaux arrosent les pays arabes de leur aide au développement...

Un des points les plus intéressants de cet effet est la description que fait l'auteur des luttes d'influence et d'une totale inversion de la hiérarchie établie jusque-là entre les pays arabes : la grande et intellectuelle Égypte pan-arabe doit laisser son statut de puissance régionale influente à l'Arabie Saoudite plus conservatrice et panislamique. Avec l'invasion du Koweït, l'Irak parachève également sa chute au profit de son voisin, tandis que l'industrie pétrolière recrute à grand tour de bras des employés étrangers, craignant que les locaux fassent preuve de trop de nationalisme ou n'exigent des revendications.
On comprend dès lors mieux la situation épineuse dans lequel se trouve le Moyen-Orient aujourd'hui, avec des pays garants de la stabilité de la région totalement "faillis" et incapables de redonner au Golfe le tissu économique solide en place au début du XXe siècle.

Cette analyse des sociétés arabes par le prisme du pétrole est passionnante bien que parfois complexe, et met en lumière autant l'arme géopolitique qu'il a constitué que le puissant instrument identitaire sur lequel se sont appuyés des pays libérés du joug colonial ; l'auteur cite également de nombreux ouvrages, romans et poèmes inspirés par cette ruée vers l'or noir et les bouleversements qui suivirent sur des sociétés ayant pour la plupart encore un mode de vie traditionnel.

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