AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le Harem des Lumières : L'image de la femme dans la pei.. (8)

8. Excipit : « Au fond, ces Orientales diffèrent bien peu de nous-mêmes. Ce n'est qu'après réflexion que nous comprenons ce qui nous sépare. Quant aux peintres de turqueries, ils jouent au contraire de ce sentiment d'étrangeté et d'altérité pour nous attirer dans les charmes de leurs fantaisies orientales. Comme des enfants, on accepte de faire comme si... On entre alors dans le domaine du déguisement et de la mascarade où l'on peut s'amuser à se tromper soi-même et à tromper les autres. Cependant, lorsque le masque tombe, on est plus que jamais confronté à soi-même. Le thème du harem peut alors agir comme révélateur de notre véritable nature. Y faire un détour, c'est pénétrer dans le domaine du rêve, comme l'a si bien compris le peintre Lajoüe, mais c'est aussi comme l'a montré Beckford, avec Vathek, se révéler à soi-même et aux autres sans complaisance. Entrer dans le harem des Lumières, c'est accepter sa part d'ombre. »
Commenter  J’apprécie          40
7. « La rareté de telles gravures [représentant Schéhérazade dans les Mille et Une Nuits, ouvrage à immense succès et sans cesse réédité depuis la traduction d'Antoine Galland] suscite bien des questions. Choix conscient ou inconscient ? Difficulté à admettre qu'une femme puisse tenir le seul discours raisonnable ? Impossibilité d'accepter que le bon gouvernement puisse émaner d'une réflexion féminine ? Le siècle n'est-il pas encore prêt à accueillir une prise de parole politique des femmes ? Schéhérazade nous fait irrésistiblement penser à Lady Mary Montagu dans sa volonté de prendre la parole à l'égal des hommes. Si le XVIIIe siècle accepte de remettre en cause le pouvoir absolu, il ne convient pas que ce soit par l'exhortation des femmes. Même la Révolution ne le tolérera pas. Si Schéhérazade est parvenue à faire entendre sa voix, elle ne parviendra pas encore à imposer son image.
Les enjeux des Mille et Une Nuits et du siècle des Lumières présentent une troublante similitude ; dans les deux cas il s'agit de redéfinir et d'humaniser le pouvoir royal. Les philosophes réfléchissent à de nouveaux modes d'organisation de la société ; les Mille et Une Nuits, avec ses héros et ses palais enchantés, proposent au tyran de devenir un monarque éclairé. Si la traduction de ces contes orientaux n'a bien sûr pas été programmée, elle ne pouvait cependant pas être plus opportune pour ouvrir ce siècle qui en France remettra radicalement en cause le pouvoir absolu. » (p. 100)
Commenter  J’apprécie          10
4. « Toutefois, une question primordiale se pose : qui sont ces habitantes du harem ? Les récits donnent des réponses bien différentes : des fainéantes et des esclaves, selon Jean-Baptiste Tavernier ; les victimes d'usages barbares, selon le baron de Tott ; les "créatures du monde les plus heureuses", selon Lady Craven et Lady Montagu. Cette incertitude sur le sort des Orientales constitue l'un des éléments fondateurs du fantasme suscité par le harem. Les femmes y seraient-elles malheureuses ? L'hypothèse viendrait alors justifier la morale chrétienne, car dans un tel cadre dédié au plaisir de la chair le bonheur ne peut qu'en être proscrit. Les femmes y jouiraient-elles de la félicité et de la liberté ? Il faudrait subséquemment repenser l'ensemble des valeurs occidentales. Si le harem imprègne puissamment l'imaginaire du XVIIIe siècle, c'est qu'il interroge en profondeur la société européenne de ce temps. » (p. 59)
Commenter  J’apprécie          11
3. « On retrouve dans les récits de Tavernier et de Lady Craven les mêmes préjugés traditionnels : les femmes rivalisent entre elles par la richesse des parures et le raffinement des collations – faible distraction dans leur "prison" du harem –, où l'usage nocif du bain est cause d'un vieillissement prématuré et qui peut être l'occasion de pratiques que la morale réprouve. Lady Craven reste d'ailleurs sur le seuil de la porte avant de quitter sans regret "une vue aussi dégoûtante". Contrairement à cette attitude, Lady Montagu fait de nouveau preuve d'une ouverture d'esprit peu commune en se mêlant aux femmes du hammam. Vêtue de son habit d'amazone, c'est elle qui devient un objet de curiosité. Comme le harem pour les Occidentaux, le corset devient aux yeux des Turques une contrainte imposée par l'époux – une femme enfermée dans un harem, une autre dans un corset, quelle est la plus captive des deux ? Célébrant la liberté des corps et leur beauté, elle dénonce la vision européenne limitée à la seule appréciation du visage. Mary Montagu démontre avec force la relativité de tout jugement. Tout regard est subjectif. Toute civilisation peut paraître étrange à celui qui l'observe. Les voyageurs des Lettres persanes ne penseront pas autrement. » (p. 50)
Commenter  J’apprécie          10
1. « Pour les Européens, chapitrés depuis des siècles par l'Église sur les vertus du mariage monogame, l'existence institutionnelle d'un lieu dédié au plaisir sexuel masculin est sans doute une des réalités les plus troublantes de cet Empire ottoman. Le harem fait l'objet d'un double fantasme : pour les hommes, disposer d'innombrables esclaves ; pour les femmes, vivre uniquement pour satisfaire les désirs charnels de son maître. La curiosité est d'autant plus forte que les informations resteront toujours parcellaires et incomplètes. Parce qu'il est effectivement invisible, le harem ne peut se concevoir que dans le domaine de l'imaginaire.
[…]
Pour la première fois [en 1648, avec le Recueil de divers portraits des principales dames de la Porte du Grand Turc par le peintre Georges de La Chappelle], le spectateur a le sentiment d'entrouvrir les portes du harem impérial. Mais aucun artiste occidental n'a jamais pu s'y introduire. Ces illustrations naissent d'un malentendu ou d'un mensonge ; les peintres savent qu'ils représentent des femmes, des objets, qu'ils n'ont jamais vus et ne verront jamais. Le statut de ces images est double ; documents à vocation ethnographique, elles sont aussi un pur produit de l'imagination. Dans cette iconographie ambiguë, le spectateur cherche tout de même une parcelle de vérité. Puisque ces images existent, c'est qu'elles ont peut-être capturé ne serait-ce qu'un fragment de réalité. Il n'y a pas de fumée sans feu, serait-on tenté d'ajouter.
C'est donc à l'histoire d'un fantasme que nous nous intéressons et à la manière dont il a pu se manifester au cours du siècle des Lumières. » (pp. 14-15)
Commenter  J’apprécie          10
6. « Chez Vien et ses amis pensionnaires de l'Académie de France, la mascarade conduit à la transformation ultime, le changement de sexe ; mais les visages indécis des modèles nous montrent la difficulté d'une telle transformation. Comment un homme, dont le rôle est prédominant dans la société du XVIIIe siècle, peut-il incarner l'Orientale, paradigme de la séduction et de la soumission ?
Le portrait turc, plus qu'aucun autre genre, favorise l'expression de multiples nuances. Comme l'Orient, combattu, admiré, méprisé, envié, le modèle demeure toujours insaisissable. S'il donne l'impression de s'offrir au spectateur, la façon même dont il se présente est un masque, familier et portant lointain. Comme l'Orient que l'on a l'impression de connaître, il se dérobe finalement toujours. À l'instar des enfants jouant à être quelqu'un d'autre, se déguiser en Turque peut être le début d'une exploration intérieure. »  (p. 84)
Commenter  J’apprécie          00
5. [Diderot au sujet de L'Odalisque brune, tableau de François Boucher, 1743-1745] :
« Car enfin n'avons-nous pas vu au Salon il y a sept à huit ans, une femme toute nue étendue sur des oreillers, jambe deçà, jambe delà, offrant la tête la plus voluptueuse, le plus beau dos, les plus belles fesses, invitant au plaisir, et y invitant par l'attitude la plus facile, la plus commode, à ce qu'on dit même la plus naturelle, ou du moins la plus avantageuse... N'en déplaise à Boucher, qui n'avait pas rougi de prostituer lui-même sa femme, d'après laquelle il avait peint cette figure voluptueuse. » (cit. p. 71)
Commenter  J’apprécie          00
2. « Nos artistes choisissent vraisemblablement leurs modèles dans la société "franque" ou juive de Constantinople, en grande partie constituée de commerçants prospères qui ont adopté le mode de vie ottoman – à l'exception du harem. Ces Européens accueillent volontiers les peintres, à l'exemple de Francis Levett, et les introduisent dans leur milieu. Les artistes se trouvent alors face à de "vrais faux Ottomans" : vrais, car ils se conforment aux manières d'être des autochtones ; faux, car les femmes ne sont pas recluses. Dans cette communauté, croquis ou portraits sont toujours les bienvenus, et les harems vus par Van Mour, Liotard, Hilair ou Favray ne sont que les reconstructions hypothétiques réalisées à partir de scènes saisies dans ces intérieurs juifs ou "francs". […] Pourtant, il y a fort à parier qu'en Europe le spectateur n'y prête que peu d'attention. Ce qui fait la réputation de Liotard n'est pas qu'il mette en situation des femmes "franques" mais des Ottomanes auxquelles est attachée l'idée du harem. Si la comtesse de Coventry ou Madame Adélaïde se sont fait portraiturer par lui, ce n'est certes pas pour ressembler à l'épouse d'un marchand européen de Constantinople, mais bien à quelque beauté de harem. » (p. 33)
Commenter  J’apprécie          00



    Lecteurs (7) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Arts et littérature ...

    Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

    Charlotte Brontë
    Anne Brontë
    Emily Brontë

    16 questions
    1090 lecteurs ont répondu
    Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

    {* *}