Citations sur Quand la Chine s'éveillera - Intégrale (22)
La mode de la Chine est fille de l'énigme. Trop de mystère décourageait la curiosité : un peu moins l'aiguillonne. Pendant les cinq premières années de la Révolution culturelle, on n'en apprenait pas assez sur ce pays en délire pour s'intéresser à lui ; ou l'on niait ce qui venait de lui. Après le repliement, quelques visas accordés, la reprise du dialogue avec l'Occident ont provoqué en faveur de la Chine le même engouement que, naguère, la Russie d'après Staline.
Quand l'ennemi avance, nous nous retirons. Quand l'ennemi s'arrête et campe, nous le harcelons. Quand l'ennemi s'efforce d'éviter le combat, nous attaquons. Quand l'ennemi se retire, nous le poursuivons.
La pensée de Confucius avait fini par se dessécher, comme, lorsque le courant baisse, le limon du fleuve Jaune se durcit et forme des barrages naturels.
Mao a également compris que la révolution ne durerait que si elle était d'abord faite dans les esprits. Elle ne s'est pas bornée à distribuer des armes, de la nourriture, des terres ; elle s'est efforcée de donner aux paysans l'envie de se battre, le goût de travailler intelligemment, la volonté de conquérir leur terre.
C'est peut-être là que les dirigeants chinois ont montré le mieux leur connaissance de l'âme humaine. Pour que les Chinois considèrent la révolution comme leur affaire, il fallait qu'ils l'accomplissent eux-mêmes. Pour qu'ils cultivent le sol avec la joie que procure ce que l'on a acquis, il fallait qu'ils s'emparent des propriétés avoisinantes. La révolution n'a pas jailli spontanément de la misère paysanne. Elle a été inspirée aux paysans par le Parti ; mais il a eu l'habileté de les convaincre qu'ils l'avaient toujours voulue. Mao aurait pu reprendre à son compte l'exhortation adressée à Moïse : « Fortifie-toi et prends courage, pour conquérir la terre que Dieu te donne. »
... si Mao a laissé se developper son propre culte, c'est parce que, sans ce culte, il n'aurait réussi ni à gouverner la Chine, ni, encore moins, à reprendre le pouvoir après en avoir été éliminé. (...) Mao aurait été obligé de s'incliner devant la nécessité de répondre à l'attente du peuple chinois. Il aurait éprouvé, aux moments les plus difficiles, son impuissance à gouverner s'il ne se conformait pas à une image : celle que ses compatriotes se font d'un homme en qui, inconsciemment, ils voient non seulement le chef de la révolution, mais le successeur des empereurs et le garant de l'unité chinoise. L'exercice du pouvoir comporte de ces contraintes - et de ces jouissances.
Tant de conducteurs de peuples ont été, sont et seront des fanatiques, des frénétiques. La révolution chinoise s'est déroulée sous l'égide d'un homme doué d'une intuition et d'une puissance d'assimilation peu communes, méditant sans arrêt, lecteur infatigable, écrivain clair, poète sensible, élégant calligraphe, animé dans ses propos par le sens de l'équilibre et de l'humain.
Chiang Kai-shek croyait aux villes, à l'armement moderne, à l'aide américaine. Mao croyait aux manants armés de piques et ne comptant que sur eux-mêmes. Paysan, il ne doute pas un instant de la prise du pouvoir par une armée paysanne. Dans cette foi de roc, réside le secret de sa victoire.
Il est difficile pour un peuple d'effacer les habitudes créées par des traditions tri-millénaires de culte impérial.
Quand les faibles s'inclinent, les forts les frappent davantage ; quand ils défendent publiquement leurs droits, bravant même la mort, les forts fléchissent – tigres de papier...
Une grenouille, au fond d'un puits, disait que le ciel n'est pas plus grand que la margelle. Il faut voir le tout aussi bien que la partie.