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Critique de sylviedoc


Il y a six ans, je faisais connaissance avec Laurence Peyrin avec "Miss Cyclone", une de mes premières critiques sur Babelio. Je lui suis restée fidèle depuis lors, et à chaque nouveau roman je suis époustouflée par son aisance à nous plonger dans une époque, une ambiance différente. Et bien sûr aussi une héroïne différente, qui partagera cependant avec les précédentes quelques particularités : elle aura connu une vie paisible ou du moins elle aura vécu dans une famille aimante, et brusquement un évènement extérieur brisera l'harmonie.

Ici, nous rencontrons la famille Alistair de Portsmouth, dont les fameuses tourtes ont fait la renommée, au point qu'un riche new-yorkais de passage à la boutique convaincra le père de tenter sa chance outre-Atlantique. Charles, sa femme leurs trois enfants et le mari de l'aînée embarquent tous un beau jour de 1912 sur un géant des mers, vers la promesse d'un avenir radieux... le paquebot s'appelle le Titanic, vous connaissez la suite !

L'histoire se termine là pour quatre des membres de la famille, mais Letta, l'aînée des filles et sa petite soeur Molly font partie des sept cents et quelques survivants recueillis par le Carpathia. Letta, à 22 ans va devoir faire face à une situation peu enviable dans une ville qui la rebute et dont elle n'a qu'une envie, la quitter. Mais l'état de Molly, muette et traumatisée depuis le naufrage, l'oblige à chercher du travail sur place pour leur assurer un toit et de quoi se nourrir. Elle trouvera parfois de l'aide, pas toujours désintéressée d'ailleurs, et constatera vite que son statut de rescapée du Titanic attire toute sorte de vautours. Et mieux vaut ne pas compter sur un dédommagement de la White Star Line, surtout quand on n'était "que" passager de seconde classe ! J'ai été scandalisée par les arguments utilisés pour ne donner que des clopinettes aux survivants lambda, alors que ceux qui faisaient partie des nantis de la première classe ont semble-t-il été bien mieux lotis. Je fais confiance à l'auteure pour s'être bien documentée sur le sujet, comme elle a coutume de le faire dans tous ses romans.

A travers les aléas de la nouvelle vie de Letta, on découvre les dessous de la société new-yorkaise au début du XXème siècle, ainsi qu'une image de la ville à cette époque, Laurence Peyrin a ce don d'immerger totalement le lecteur dans l'histoire qu'elle lui conte. On chemine dans les rues boueuses, on rentre dans cette célèbre pharmacie C.O. Bigelow (qui existe toujours) où l'on testera la Lemon Body Cream, on ira s'aérer un peu à Central Park, menacé d'abandon à cette époque, puis, le coeur serré, on pénètrera dans l'hôpital Blackwell, là où on place les "fous", enfin ceux dont on ne sait trop que faire, notamment les victime de stress post-traumatiques ou les dépressifs. Blackwell, où comme nous le rappelle l'auteure, la journaliste Nelly Bly se fit volontairement interner afin de dénoncer les méthodes pour le moins discutables employées pour "soigner" les patients.
On en apprendra beaucoup sur le laudanum également, ce médicament utilisé à toutes les sauces à l'époque au mépris de ses effets secondaires redoutables.

Je suis ressortie de ce récit enrichie de multiples connaissances, et comme à chaque fois je suis entrée en totale empathie avec les personnages du récit, que ce soit les soeurs Alistair, Nathalie, la pharmacienne dont l'abord bougon cache une personnalité rayonnante de bonté, ou son frère Jacob, réfugié dans la passion des oiseaux depuis le drame qui a brisé sa vie. D'autres protagonistes sont plus ambivalents, comme Charles Newton III, le riche fils de famille qui avait convaincu Charles Alistair d'émigrer, et se sent coupable du sort de la famille. Ou Mildred, la gouvernante de l'hôtel Jane, qui sous couvert d'aider Letta et Molly va aggraver l'état de cette dernière. Ou encore ce journaliste qui ne résistera pas à l'appel du scoop...

Ils m'ont emportée avec eux, et à la fin de ma lecture, j'ai eu bien du mal à retrouver notre époque, avec toutes ces technologies censées nous faciliter la vie, mais qui manque parfois singulièrement d'humanité.
J'aime les héroïnes de Laurence Peyrin, elles ne sont pas glamour ni extraordinaires, mais ce sont des femmes qui font front, avec leurs moyens et sans plonger dans le larmoyant ou le sordide. Et avis aux allergiques : ce n'est pas non plus du filgoude !

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