Citations sur Loyauté (75)
J’avais sommeil, je m’efforçais de ne pas bâiller. De l’extérieur, nous devions apparaître comme un couple : il ne faut pas grand-chose pour avoir l’air d’un couple. Je portais des chaussures plates, un jean foncé, un tee-shirt, une veste cintrée.
Il s’efforçait d’être optimiste, de croire en la réalisation et au potentiel de chacun. En même temps, quand il me demandait de me détacher de lui, il éprouvait une euphorie érotique qui se manifestait par un abaissement du regard : l’affaiblissement. Il savait que seuls les objets peuvent s’attacher ou se détacher. J’étais donc un objet qui ne voulait pas se détacher. Cela semait en lui la peur, le trouble, l’affliction, mais aussi de l’envie. Et un sentiment d’omnipotence qu’il n’avait naturellement pas le courage d’avouer.
En réalité, pour accepter la douleur, il faudrait raisonner sur une longue période. En se plaçant au terme de sa propre existence, et en l’observant sous l’angle de la mort, on admettrait peut-être d’insérer quelques moments douloureux dans sa vie pour la rendre globalement plus sensée. L’être humain, cependant, ne fait pas de raisonnements d’ensemble.
L’apparence est importante, mais ce n’est pas tout. Selon ses goûts j’étais attirante, pourtant ce n’était pas la raison principale de son intérêt à mon égard. Je lui demandai quelle était cette raison. Il dit qu’il était difficile de l’exprimer avec des mots, qu’au fond il espérait me la faire comprendre à travers son comportement. Je ne la comprenais pas, mais le gardai pour moi.
Le sexe me semblait alors une question évidente, une certitude. J’ignorais encore que tôt ou tard, nous faisons la découverte d’avoir moins de fantaisie que nous l’imaginions. Nous découvrons que nous tournons toujours autour des mêmes perversions. Nous ne sommes pas inépuisables. Le désir devient une question délicate, à cultiver avec attention, et peu d’instruments. Au cours de sa vie, Michele avait connu beaucoup de femmes, pas toutes belles. Il expliqua que le fait qu’elles n’étaient pas toutes belles avait un sens. L’apparence est importante, mais ce n’est pas tout.
On dit que les hommes, passé un certain âge, perdent le désir et n’en gardent que le souvenir.
La vulnérabilité est une chose mystérieuse qui concerne tout le monde, hommes et femmes, mais assume en chacun des formes différentes.
Aujourd’hui, j’y vois plus clair : je ne suis pas fragile, je suis une grande gamine. J’appartiens à la catégorie des personnes malléables, mais globalement inébranlables. Tout dépend de la matière dont on est fait. Moi, je suis faite de la même matière que les marchés, instables sans jamais pour autant disparaître complètement, capables d’influer sur les événements, aussi, de conclure, parfois, et de trouver des points d’arrivée, de les perdre et de les retrouver.
Nous nous embrassâmes tout de suite, je marchai à reculons vers le lit, il souleva ma jupe, me caressa, ni trop doucement, ni trop fort. J’étais très contente. Je me déshabillai vite, gardant sur moi quelques petites choses, la lingerie que j’avais achetée pour l’occasion. Je m’allongeai sur les draps frais, me tournai de-ci de-là, pour me faire voir, me mis à quatre pattes, m’allongeai à nouveau, m’étirai. Il s’assit sur le lit pour me regarder, ses yeux étaient graves. Il retira ses chaussettes avant son pantalon ; je le charriai. « C’est toujours difficile pour un homme de savoir dans quel ordre se déshabiller, enlever d’abord ses chaussettes dénote une grande intuition. »
L’obsession amoureuse repose sur une foi presque religieuse : rien ne peut être mis en doute, la raison passe au second plan, précédée par les gardiens de la sacralité, la sacralité de la passion. Partout règne une mentalité d’adolescente de quinze ans. J’avais envie de lui répondre tout de suite, d’ébaucher une conversation indéfinie faite de messages d’abord amusants, puis sensuels et enfin érotiques. Pourtant, ce n’était pas si simple. Nous appartenions à des générations différentes, la mienne se caractérisait par une grande désinvolture dans sa manière de communiquer, notamment pour des raisons liées à l’histoire de la technologie. Mais même en mettant de côté la question des générations, Michele n’était pas du genre à envoyer des messages coquins : il suffisait de bien l’observer. En outre, il y avait son travail, sa famille.