Citations sur L'homme et les Dieux - l'univers secret des religions (106)
Il conviendrait peut-être de se demander si l’information rend compte de tout le réel, ou si la soumission de l’observateur à la flèche du temps passé-avenir n’entraîne pas pour lui, nécessairement, une vision entropique de l’univers ; c’est-à-dire si le coupable est Dieu, ou s’il n’est pas la science rationnelle, comparable à l’enfant qui brise tout ce qu’il touche et dit : « ce n’est pas moi ! »
Puis, le Froid vint –ou revint ; les glaces envahirent les lieux habités ; avec une telle rapidité, nous disent les textes iraniens, que les plus véloces des Aryas furent saisis en pleine course. Le mammouth n’eut pas le temps de digérer l’herbe qu’il dévorait : nous la retrouvons, intacte et fraîche, dans l’estomac de l’animal pétrifié dans sa prison de glace.
A cinq ans, on prendra l’enfant, on commencera de le réduire ; à seize ans –ou vingt ans, ou trente- on pourra le lâcher dans le monde, soit arrêté dans son évolution normale, s’il était lent, soit détruit ou brisé, si son exigence s’était révélée plus forte que les techniques scolaires.
Ce bref passage initiatique de l’enfance à la maturité, que nos ancêtres –et les « sauvages »- situaient dans la quinzième année, n’aura-t-il pas fallu le prolonger pendant le quart d’une vie, pour prendre tout le temps de détruire la Personne et son origine même ?
Il se découvre ainsi que, tout comme les prêtres des Eglises constituées, les sorciers, les medecine-men ou les chamans ont bien pour principale fonction de maintenir en éveil la mémoire des traditions mortes ou sommeillantes, afin qu’elles puissent renaître quand l’heure en sera venue. Mais renaîtront-elles jamais semblables à ce qu’elles furent, il y a six mille ou huit mille ans ?
Ainsi, la plus dure bataille, ce ne fut pas contre le monde que l’auteur dut la livrer ; mais ce fut le dévoilement progressif des mensonges, des faux semblants, des masques dont il s’était couvert ; puis, ce fut la découverte des mythes et croyances dégénérés dont était constitué son Moi. En ce temps-là encore il ne distinguait pas le Moi référentiel de la Personne. Il se crut « fait de vide » et renonça à vouloir.
Par cet ultime piège, nos sociétés s’emparent de ceux qui avaient su éviter tous les autres. « Si je ne suis rien, pourquoi combattre –et comment ? Pourquoi ne pas accorder le peu qu’on me demande, ne serait-ce qu’un faux semblant, et taire mes angoisses ? Si je ne suis rien, que me prendra la mort ? Pourquoi ne pas admettre que le Passé me pousse et que le Néant me guette, comme on me dit que cela est ? »
Mais il faut croire qu’au cœur de la pire lâcheté demeure (dans l’âme ou dans l’esprit) une évidence muette et brûlante comme un soleil. Cette voix silencieuse, un jour, s’exprima. Elle disait : « La vie t’a été donnée. » Et cela voulait dire : « Tu n’es pas à l’origine de ta propre existence ; tu en ignores les fins. Tu ne l’as pas créée et tu es incapable de la prolonger une heure, une seconde, car tu ne sais même pas de quoi elle est faite. Tu ne dois donc pas craindre ; tu ne peux qu’espérer. »
Le mépris donne un support à la violence : la symbolique du Chien naquit.
Finalement, tous les peuples se trouvent d’accord, en ce qui concerne la vie de l’homme, que sur une seule évidence : pendant la première partie de sa vie, qu’elle soit de douze, de quatorze ou de vingt ans, l’être humain reçoit : aide, protection, éducation, nourriture. Dans une autre période, il donne : son courage, ses forces, son amour, son travail, etc.
Dire qu’un mythe devient Dieu, c’est dire qu’il cesse d’être une structure parmi d’autres pour devenir la Structure même de l’Être.
Le dieu nouveau contredit toujours celui qui l’a précédé.
Si l’Amour n’est pas injustice et révolte, que sera-t-il ?