AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 4bis


L'Affaire Jane Eyre, l'Affaire du chien de Baskerville, j'ai un faible pour la littérature fiction. Celle qui explore les failles au sein même du mécanisme romanesque et envisage une alternative à ce que des auteurs renommés ont pu imaginer. Avec Pourquoi pas la vie, c'est encore autre chose. Il s'agit de renier la réalité historique.

Plutôt que de laisser Sylvia Plath se suicider au gaz en 1963, Coline Pierré joue les Deus ex machina et la sauve. Son roman explore les conséquences de cette heureuse intervention et invente la vie que cette poétesse américaine n'a pas pu avoir. Après un mariage raté avec un grand poète qui l'a trompée. Avec deux enfants de respectivement trois et un an. Dans l'hiver londonien glacé. Sans argent et sans beaucoup d'espoir. Les Beatles en fond musical.

Si le postulat est intéressant, il est risqué aussi : difficile de donner à Sylvia Plath une bibliographie imaginaire aussi pléthorique que géniale : ce serait discréditer celle qu'elle a produite de son vrai vivant. Difficile aussi de ne rien lui faire vivre de stimulant. C'est l'ennui assuré et le risque que le lecteur, cynique, referme le livre et regrette que notre héroïne ait été sauvée du néant pour si peu. Il faut donc que tout soit changé mais que rien ne bouleverse trop l'image que l'on a gardé du personnage.

C'est sur le terrain de l'intime que se joue essentiellement la recomposition virtuelle d'une existence méritant qu'on lui prête un prix. Se libérant peu à peu d'un carcan patriarcal en partie dû à un père aussi adoré qu'absent, en partie fruit des oppressantes et ménagères années 50 américaines, Sylvia va éprouver une féminité qui ne renie ni la maternité ni la prétention à penser et écrire en artiste.

La démarche s'inscrit dans la continuation des écrits De Beauvoir et des grandes féministes américaines. Ce qui a le mérite d'incarner, sur le mode romanesque, des considérations philosophiques tout à fait dans l'actualité éditoriale du moment (Camille Froideveau-Mettrie, Maggie Nelson, Judith Butler...).
J'ai trouvé toutefois que l'intention démonstratrice prenait un peu trop souvent le pas sur le romanesque et que l'auteur avait de la peine à s'affranchir de la vie réelle de Sylvia Plath telle qu'elle avait pu la reconstituer et la comprendre. Un personnage réel, aussi mort soit-il, comme source d'inspiration est effectivement plus encombrant qu'une fiction totale.
Ca tire donc un peu en longueur par endroits. Notre Sylvia passe un temps fou à discourir sur le fruit de ses introspections. L'oreille bienveillante et pleine de tendresse que lui prêtent tous les personnages l'environnant lasse un peu, outre qu'elle relève de la plus pure science fiction. C'est vrai, quoi : vous en avez traversé beaucoup, vous, des crises existentielles avec une jeune fille au pair admirative et compétente pour s'occuper de vos enfants, un meilleur ami complice, charmant et disponible, une psychanalyste pleine d'humour et de sagesse, une artiste qui vous propose un projet galvanisant, un ex plein de remords qui assume sa paternité et un éditeur subjugué qui vous signe un contrat mirobolant ? Finalement, le plus irréaliste dans ce roman n'est peut-être pas d'avoir permis à Sylvia de couper le gaz...
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (16)voir plus




{* *}