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Critique de CDemassieux



Avant d'entamer ma critique – terme bien ronflant pour dire mon simple avis –, je me dois, par honnêteté, de signaler quelques écueils rencontrés dans ma navigation de lecteur. Des écueils qui auraient pu être évités par une relecture plus poussée.
Ainsi, dans le chapitre intitulé « L'Espagne du Saint-Graal », l'auteur parle d'un « calice en argent provenant d'Antioche et aujourd'hui conservé au MoMA de New York ». C'est la bonne ville, ce n'est pas le bon musée. le MoMA est un musée d'Art moderne qui n'a pas grand-chose à faire d'un calice du VIe siècle, qui se trouve en fait au Metropolitan Museum of Art, autrement appelé le MET.
Plus loin, l'année 1353 est évoquée, en Champagne, et on lit qu'à cette date « la peste noire a commencé ses ravages ». Cela fait cependant déjà quelques années qu'elle sévit : « Dès 1348, l'ensemble des pays du pourtour méditerranéen sont atteints par l'épidémie, qui pénètre ensuite dans les régions continentales. Quand, en 1352, l'épidémie de peste touche Novgorod et la Russie, l'Europe presque entière a subi le passage du fléau » (source : Encyclopédie Universalis).
Puis il est question du personnage de Geoffroy de Charny, dont l'auteur écrit qu'il fut au service du roi Charles VI. Or, le premier décède en 1356 quand le futur Charles VI naît en 1368. le sieur de Charny servit en réalité les rois Philippe VI de Valois et Jean II le Bon.
On passera sur certaines approximations, comme la mention du pape Clément VII, que l'auteur omet de désigner comme antipape – voir le Grand Schisme d'Occident – et qui n'est pas reconnu par Rome, qui a élu de son côté un autre pape, le tyrannique urbain VI. le pape Clément VII désigne plus généralement Jules de Médicis (1478-1534) qui, une fois sur le trône De Saint-Pierre, prit ce nom.
Dans le chapitre consacré à Marie-Madeleine – « le troisième tombeau du christianisme » –, saint Bernard de Clairvaux, prêchant la deuxième croisade à Vézelay, est évoqué. L'auteur donne comme date le Vendredi saint de l'an 1146. Ce prêche aurait plutôt eu lieu le jour de Pâques, donc le dimanche. Maintenant, d'autre sources existent peut-être qui situent ce prêche le vendredi.
De telles erreurs font immanquablement douter du sérieux d'un texte à vocation historique. Ce qui est dommage car, par ailleurs, le souci narratif est là, le style, fluide, est là aussi et la plupart des faits relatés – pour autant que j'en sache – démontrent un réel travail d'investigation.
Ceci étant dit, je ne vais pas bouder mon plaisir et j'affirme que ces Trésors sacrés sont un très agréable plongeon dans le grand et passionnant bassin des premiers temps du christianisme, que l'auteur sait remarquablement mettre en scène en nous faisant croiser la route d'Hélène, mère de Constantin Ier, découvreuse, entre autres, de la Vraie Croix ; celle aussi de Joseph d'Arimathie, que les amateurs de légendes arthuriennes connaissent bien. Ne pas oublier non plus le terrible Frédéric Iᵉʳ de Hohenstaufen (dit Barberousse), étroitement lié au destin des dépouilles des Rois-Mages, lesquelles, parties de Perse, achèveront leur périple à Cologne, selon la tradition.
Notons « Les barques de granit des saints bretons », un chapitre plein d'humour et significatif de la particularité bretonne – qu'on ne saurait comparer à une « mafia » comme l'a récemment fait un président inélégant ! –, qui montre l'absorption symbolique par le christianisme de sites mégalithiques préexistants et recelant d'anciennes coutumes. Voir le menhir de Men Marz (Finistère) dressé par saint Pol Aurélien et sa soeur « pour marquer la limite au-delà de laquelle la mer ne devait pas s'aventurer », érigé cependant au Néolithique. C'est le menhir christianisé le plus grand de Bretagne.
Une Bretagne dont les très nombreux saints ne sont, pour une écrasante majorité, pas reconnus officiellement par l'Église. Cette terre de légendes a effectivement de quoi donner le tournis au dogme !
Mais parmi les reliques présentées dans cet ouvrage, il en est une qui déchaîne les passions contraires, la plus fameuse sans doute : le Saint-Suaire de Turin, dont les analyses ont depuis démontré qu'il s'agissait en fait d'une réalisation médiévale. Las, les tenants de son authenticité sont à ce point véhéments que « nombre d'historiens, d'archéologues, de spécialistes de l'art médiéval ou de spécialistes des textes anciens se retirent du débat », nous explique l'auteur.
Pourtant, loin de toute chamaillerie, il suffirait de considérer que cette relique et les autres sont d'abord chargées d'une authenticité symbolique par le simple fait que les fidèles y croient. On pourrait même considérer cela comme une forme de transsubstantiation (« le changement de toute la substance du pain et du vin en toute la substance du corps et du sang de Jésus-Christ », dixit le Petit Robert), et admettre qu'un simple tissu peut devenir « la ceinture de la Mère du Christ ».
Inversement, pourquoi certaines de ces reliques ne seraient-elles pas historiquement authentiques ? Je pense notamment aux dépouilles des Rois-Mages, conservées dans un reliquaire de la cathédrale de Cologne. « Il fut ouvert et révéla un ensemble d'ossements mélangés qui permirent de reconstituer trois squelettes masculins. le plus étonnant est que l'étude des crânes permit de conclure à la présence des restes de trois hommes d'âge différent, conformément à la tradition », nous révèle Michel Pierre.
Les querelles intestines entre les tenants de leur authenticité et leurs opposants n'a finalement pas grande importance, car de « la plus symbolique des reliques » (la Croix) à la plus improbable (la peau de l'âne – animal ambivalent par excellence – qui aurait porté en triomphe le Christ lors de son entrée à Jérusalem), elles attisent l'imaginaire, ce qui est déjà une grande vertu.
Même les adversaires les plus acharnés du christianisme convoitèrent ces trésors sacrés, dont l'Ahnenerbe (« héritage ancestral ») d'Himmler, lequel, dans son délire de toute-puissance, ordonna des fouilles de par le monde pour retrouver le Graal… !
Après être passé par le diable – objet d'adorations plus ou moins de bon goût, admettons-le, mais qui a généré par le passé de savoureuses légendes dont les Bretons, encore eux, sont très friands –, l'auteur conclut avec pertinence : « La dimension religieuse de la condition humaine y prend peut-être un caractère archaïque relevant de la pensée magique, mais ils n'en restent pas moins [les pratiques populaires et les rituels liés aux reliques de toutes sortes], pour certains, un support respectable à l'expression de leur foi. »

(Mes remerciements vont à Babelio et aux éditions du Trésor pour ce « voyage admiratif »)
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