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Critique de batlamb


L'univers d'André Pieyre de Mandiargues est marqué du sceau de l'onirisme. Des rêves dérangeants et des cauchemars voluptueux se déploient au fil d'une plume fine et racée, voire fin-de-race. Fin de siècle assurément. L'héritage du symbolisme, et de Baudelaire en particulier, se remarquent dans la première nouvelle « le sang de l'agneau », une vraie histoire pour ovidés déviants. L'abject et le sordide y deviennent beaux, absorbés par la ouate odorante et moelleuse de moutons chamarrés, sur lesquels on peut compter pour s'endormir hypnotisé, et tomber sous le sort de la jeune héroïne engagée malgré elle dans une dialectique amorale avec le monde des adultes. Angela Carter n'aurait sans doute pas renié ce conte cruel. Pas plus que la quatrième nouvelle, « Mouton noir », qui bêle, pardon qui mêle, Sade au romantisme noir, avec un couple d'héroïnes évoquant Juliette et Justine.

En préférant le point de vue de cette dernière, André Pieyre de Mandiargues se place du côté de l'innocence trahie et dévoyée, dont les nouvelles proposent plusieurs tableaux comme dans les galeries d'un musée. Il fait partie des écrivains qui peignent avec les mots. Ses tableaux baroques s'articulent via une syntaxe parfois complexe. Dans « le pont », les excentricités gothiques et sylvestres sont dessinées par des phrases efflorescentes. Ces contorsions de la langue sont aussi des contorsions du corps tel celui de « L'homme du parc Monceau », dont les déformations organiques font moins penser à un artiste de cirque qu'à la Chose de Carpenter. Et que dire de la cinquième nouvelle « le Tombeau d'Aubrey Beardsley ou les fashionables chinois », aussi longue et tarabiscotée que son titre, un récit qui rend hommage à Dali en déclarant la guerre à la simplicité pour atteindre le paroxysme du kitsch et du grotesque en une sorte de paradis paradoxal ?

Ainsi, plus l'on avance dans le recueil et plus les histoires évoluent vers le surréalisme. L'écrivain abandonne la logique du monde éveillé, au point que la dernière nouvelle nous présente deux mondes rêvant l'un de l'autre à travers le personnage qui les parcourt simultanément. Pour ne pas finir comme lui, mieux vaut ressortir des galeries de ce musée avant que les portes ne s'en referment à la nuit tombée et nous y emprisonnent.
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