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Critique de Fandol


Profondément marqué par ses deux années passées sous l'uniforme en Algérie (1955 – 1957), René-Victor Pilhes, écrivain reconnu, livre à 82 ans, un roman poignant qui sort de l'oubli Abane Ramdane, « l'oublié, voire l'évacué de la révolution algérienne… Pourtant son rôle a été déterminant et capital. »
Pour faire revivre cet homme liquidé par les siens, au Maroc, le 27 décembre 1957, alors qu'il était le numéro 1 de la lutte pour l'indépendance de son pays, l'auteur donne la parole à un vieux curé qui a recueilli les confidences de Jean-Michel Leutier, jeune lieutenant en train de mourir de ses blessures.
Construisant bien son récit, l'auteur nous ramène quelques années en arrière, à Toulouse, où Leutier est élève en classe de philo car ses parents l'ont envoyé étudier en métropole. Son père est sous-officier de gendarmerie et sa mère, infirmière. Ils vivent à Aïn-Témouchent, en Oranie.
Ébloui par Rolande Jouli, soeur de son meilleur ami, il se fait inviter chez eux, à Albi. Or, Mme Jouli assure un soutien aux personnes emprisonnées, avec sa fille. Jean-Michel, pour gagner leurs faveurs, les accompagne et tombe sur Abane Ramdane avec qui il va parler de l'Algérie…
C'est l'occasion, pour l'auteur, de rappeler ce que furent ces huit années, de 1954 à 1962, avec 1 350 000 conscrits mobilisés pour deux ans, 13 000 morts, 70 000 blessés et des milliers de traumatisés, « sale guerre, honteuse, inavouable, vécue comme quasi déshonorante et perdue. » La torture est pratiquée par les services spéciaux et les unités de choc des paras.
Les colons sont environ 40 000 pour 3 millions d'indigènes mais le drame de Sétif, le 8 mai 1945 annonce ce qui va suivre. L'assassinat du couple Monnerot, deux instituteurs, montre que « les Algériens ne voulaient plus qu'on les éduque mais, désormais, aspiraient à s'éduquer eux-mêmes. »
Avec Abane Ramdane, Leutier parle de l'Algérie : « le comble, c'est qu'il éveillait ma compassion alors qu'il aurait dû me terrifier. » Plus loin, il ajoute : « Cet Abane m'avait flanqué brutalement à la figure ma famille, mon pays natal, mon enfance, mon adolescence, avec une agressivité étrange. » Loin d'Aïn-Trémouchent et de la grande plage de Béni-Saf, il aurait aimé avoir son père près de lui mais le doute instillé par ce cadre politique qui lit Marx, Mao, Lénine, fera son chemin dans la tête du jeune homme…
Lorsqu'il retourne à Aïn-Trémouchent, il constate que ses copains arabes ont changé, que le « syndrome d'Abane » fait son chemin alors que les « pieds-noirs » restent « joyeux et insouciants. »
Au lieu de se consacrer à une carrière d'avocat, Leutier résilie son sursis et devient Aspirant dans le 2ème Peloton du 6ème Chasseurs dans le grand Oranais. Il se bat, prend des risques excessifs mais n'y croit plus jusqu'à cette fameuse nuit où il patrouille dans le massif de Zelemta…

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