nous avons choisi de partir...
nous avons choisi de partir
à la conquête d'un empire
celui des livres le désir
est né dès la première enfance
nous étions peu nombreux la chance
avait pris l'allure d'un ange
mais je fus le seul à suivre
quand les autres se découragent
j'ai d'abord connu Francis Jammes
et dans le désordre à la suite
Follain Dhôtel je ne les cite
que pour mémoire il me faudrait
mille pages de ce carnet
pour dresser l'exact inventaire
de mes espaces littéraires
Je me tiens à la fenêtre
en attendant qu’un bel être
fabuleux me fasse signe
et d’un doigt clair me désigne
pour le suivre pas à pas
sur la terre et au-delà
et si nous partions en voyage
et si nous partions en voyage
voir ce que montrent les images
nous passerions dans des tunnels
peut-être aussi dans des bordels
que sont les palaces modernes
nous verrions Zoug Milan Modène
et des lieux inimaginables
et puis des mers et puis des sables
dans les sables l'amour s'ensable
et personne n'est responsable
on terminerait le voyage
sans regarder le paysage
pas besoin d'enfer pour damnés
le sol prend feu sous notre nez
l'enfant grandit la mort aussi
elle est compagne du récit
que l'homme se fait de la vie
ceci sera mon lit de mort
nul besoin d'un autre décor
le corps au centre de la page
et que ce soit un jour d'orage
je cherche un vers pour commencer
avec sérieux ma matinée
un vers de sept ou huit syllabes
en voici quatre sur la table
ce n'est pas très original
mais je ne cherche pas à l'être
je termine une vie banale
et demain je cesserai d'être
je disparaîtrai dans la brume
il suffira d'un simple rhume
je perdrai la notion du temps
je me noierai dans un étang
ou dans la rivière de lune
une nuit d'hiver par grand vent
le silence est considérable
au point de vouloir en mourir
et de reposer sur ma table
mon front et de ne plus écrire
est-ce déjà l'heure ou l'annonce
de ce qui va bientôt venir
m'étouffer pour que je renonce
à consacrer ma vie aux livres
c'est dans la bouteille à encre
que se trouve mon destin
qui peut le moins
ne pourra jamais le plus