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Critique de trust_me


Saint-Nazaire aujourd‘hui. Les chantiers navals. La contestation sociale qui explose. Les ouvriers face aux CRS. Nouredine le kabyle et Gianni le fils d'immigrés italiens jouent les leaders syndicaux. Ces deux-là sont les meilleurs amis du monde. Ils ont grandi ensemble dans cette ville qu'ils connaissent comme leur poche. Gianni a même épousé Samia, la soeur de Nouredine.

Algérie, 1957. La sale guerre. Lounès, le père de Nouredine, est resté planqué pendant le conflit. Son fils devenu adulte ne lui pardonnera jamais sa lâcheté : « Putain, Gianni, tu te rends pas compte que ton père, lui, il a aidé le F.L.N., et le mien il a rien fait. Tout son pays se battait, et lui, il a pas remué le petit doigt. […] On leur a foutu une branlée, on les a mis dehors, et lui, la seule chose qu'il se dépêche de faire, c'est de venir ici continuer à faire l'esclave, et nous à vivre à plat ventre. »

Un récit à double entrée, bourré de flashbacks, qui demande beaucoup d'attention pour ne pas perdre le fil. On navigue constamment entre Saint-Nazaire et l'Algérie des années 50, on suit sans temps mort les protagonistes de l'enfance à l'âge adulte et tout s'enchaîne avec une fluidité qu'il n'est pas évident de déceler à la première lecture. Une narration exigeante mais qui vaut la peine d'être décortiquée avec soin parce qu'au final le scénario de Baru tient sacrément la route.

Pour ce qui est du dessin, je ne connaissais pas du tout Pierre Place mais je trouve son travail bluffant. Aussi à l'aise pour croquer un bistrot ou les grues des chantiers navals que pour ressusciter la lumière de l'Algérie en guerre, il propose de grandes cases où tout est réalisé en couleurs directes, c'est magnifique.

Un album sur la filiation, la transmission, les non-dits et les silences. Un album plein de fureur, de colère et de rage qui met en scène le monde ouvrier et les immigrés sans illusions. Il est ici question de guerres perdues et d'espoirs déçus, d'une forme de reproduction générationnelle de l'échec. C'est beau et tragique, c'est triste et pessimiste, ça remue. Une atmosphère rugueuse, un propos engagé, comme d'habitude avec Baru. Et comme d'habitude, ça me parle et ça me plait.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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