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Critique de mylena


Quelle lecture ! Je crois que ce livre mérite la palme des OVNI littéraires ! J'ai eu énormément de mal à le lire, d'abord dans sa version russe au milieu des années 80. Impossible de rien y comprendre, et pour cause : c'était la première édition en russe, celle de 1972 en Occident, amputée de beaucoup de pages, et surtout, de tout le début. Me revoilà, de nos jours, plongée dans la lecture de la traduction, du texte intégral, cette fois. La lecture reste ardue à mon goût, très laborieuse malgré la plume agréable de l'auteur. Cette fois, certes, il y a un fil qui fait sens, au moins les personnages. Il y a aussi une impression, pas désagréable, que l'histoire se déroule un peu comme un film en un seul plan-séquence, tout au moins jusqu'à l'arrivée à Tchevengour. C'est ce qui donne un peu ce côté roman picaresque malgré le fait que chaque événement est objectivement mineur. L'introduction des personnages se fait au fil de ce qui se présente, au fil de l'itinérance de Kopionkine. Itinérance à travers la steppe, qui commence quelque part entre Kiev et Kharkov et qui finit à Tchevengour, bourg imaginaire, probablement entre Belgorod et Astrakhan, mais c'est impossible à savoir car Kopionkine a tendance à tourner en rond, tel Don Quichotte, guidé par la quête de sa dulcinée Rosa Luxemburg (ou plutôt de sa tombe qui est plutôt à l'ouest qu'à l'est de la zone qu'il parcourt !) et par Force Prolétarienne, son cheval, fidèle Rossinante, qui part en avant dès qu'elle entend «Rosa !» Rien qu'avec ça, le ton est donné. Sachant que le texte date de 1928-1929. que l'auteur fut un fervent révolutionnaire (sceptique en ce qui concernait la collectivisation) et qu'il fit lire son manuscrit à Gorki, il y a de quoi rester perplexe devant ce roman socio-philosophique utopique (plutôt dystopique en fait). Gorki déconseilla toute publication à Platonov, jugeant prudemment qu'il faudrait 100 ans pour qu'il soit publiable (la première publication intégrale eu lieu en 1988 en URSS) et reprochant à l'auteur son côté anarchiste. Gorki relève aussi l'indéniable tendresse de l'auteur pour ses personnages. C'est ce qui fait tout le charme de cette oeuvre et empêche d'y voir toute violente critique politique. Impossible de saisir où veut en venir l'auteur. Car quelle que soit la tendresse de l'auteur et du lecteur, il faut bien reconnaître que le lecteur occidental, tout comme Gorki, voit dans les révolutionnaires de Tchevengour un ramassis de toqués et de cinglés, tous plus perchés les uns que les autres et dont on ne sait s'il vaut mieux en sourire, en rire ou en pleurer, bien que leurs façons d'être, de penser ou de s'exprimer soient souvent sympathiques, entre le terre-à-terre et le poétique. Quand on connaît la suite de l'histoire, la vraie, non fictionnelle, avec les famines, les purges, … Et Platonov espérait être publié (dans la vraie vie, il a échappé à toute purge, mais pas son fils, et n'a plus guère été publié sauf comme correspondant de guerre ! ) C'est un écrivain majeur des années 20, d'autant qu'il s'agit d'un des rares écrivains d'origine prolétaire. Bref, c'est une lecture étrange, un livre qui aurait nécessité des notes (historico-philosophiques) et auquel j'aurais bien du mal à mettre une note tant il me semble en le refermant que bien des choses m'ont échappé.
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