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Citations sur Tchevengour (11)

- Mettez la date, dit l'envoyé de Potchep. Tel jour et tel mois : s'il manque la date exacte du jour, l'inspection invalidera le document.
Mais Tchepourny ignorait le mois et le jour, il avait oublié de compter le temps écoulé à Tchevengour, il savait seulement que c'était l'été et le cinquième jour du communisme, aussi écrivit-il : "Eté. 5 com."
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-[...] Tu as lu Karl Marx ?
- Non, camarade Tchepourny.
- Eh bien il faut le lire, mon cher camarade : l'histoire s'est achevée et tu ne l'as même pas remarqué.
[...]
Kopionkine n'avait pas eu le temps de lire Karl Marx et il fut troublé par l'instruction de Tchepourny.
- Pourquoi ? demanda Kopionkine. On est obligé de lire Karl Marx chez vous ?
Tchepourny mit fin à l'inquiétude de Kopionkine.
- C'était pour faire peur au bonhomme. Moi non plus je ne l'ai jamais lu. J'ai bien entendu des choses lors de meetings - ça me sert à faire ma propagande. C'est d'ailleurs pas la peine de le lire : tu sais, c'est dans le temps que les gens lisaient et écrivaient, mais pour ce qui est de vivre, zéro pour la question, ils ne faisaient que chercher des chemins pour les autres.
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- Et le bétail est à qui ? demanda Kopionkine [...]
- Le bétail aussi, nous allons bientôt l'éparpiller dans la nature, répondit le Tchévengourien, lui aussi est presque humain : c'est simplement par suite d'une oppression séculaire que les bestiaux ont pris du retard sur l'homme. Or eux aussi ont envie d'être des hommes !
Kopionkine caressa Force Prolétarienne, percevant qu'elle était son égale .
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Couché, il se demandait comment allumer une cigarette. Il avait du tabac, mais point de papier ; il avait depuis longtemps fumé tous ses papiers officiels - le seul papier qui lui restait, c'était la lettre de Kopionkine à Dvanov. Louï tira la lettre de sa poche, la défroissa, la lut deux fois pour la savoir par cœur et en fabriqua dix douilles vides pour cigarette.
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Le lendemain ils n'auraient ni travaux ni occupations, puisqu'à Tchevengour celui qui travaillait à la place et au profit de tous c'était le seul soleil, proclamé à Tchevengour prolétaire universel. Les occupations des gens n'avaient rien d'obligatoire - à l'instigation de Tchepourny, Prokofi avait fourni une interprétation spéciale du travail selon laquelle tout labeur était à jamais qualifié de survivance de la cupidité, de volupté bestiale et oppressive, puisque le labeur facilite l'apparition de la propriété - celle de l'oppression ; mais le soleil à lui seul fournissait aux hommes des rations vitales normales, tout à fait suffisantes, dont toute augmentation - due à des travaux humains délibérés - allait nourrir le foyer de la lutte des classes en créant des objets superflus et nuisibles.
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Un jour Zakhar Pavlovitch chercha longtemps le boulon qu’il lui fallait pour refaire le filetage d’un écrou forcé. Il parcourait le dépôt et demandait si personne n’avait de boulon de 8, pour refaire un filetage. On lui répondit qu’il n’y en avait pas, quoique tout le monde eût ce genre de boulon. C’est qu’en fait les ouvriers s’ennuyaient, ils se distrayaient en se compliquant mutuellement les soucis du travail. Zakhar Pavlovitch ignorait encore cet amusement sournois, caché, qu’on trouve dans tout atelier. Cette dérision discrète permettait aux autres ouvriers d’avoir raison de la longueur de la journée de travail et de la langueur d’un labeur répétitif. En vertu de ce divertissement cher à ses voisins Zakhar Pavlovitch fit bien des choses pour rien. Il allait chercher des chiffons au dépôt alors qu’il y en avait des monceaux au bureau ; il fabriquait des échelles en bois ou des bidons pour l’huile, dont le dépôt regorgeait ; incité par quelqu’un, il fut même sur le point de changer par ses propres moyens les bouchons-témoins dans le foyer de la locomotive, mais fut prévenu à temps par un chauffeur qui se trouvait là, sans quoi Zakhar Pavlovitch aurait été congédié sans aucun commentaire.
Zakhar Pavlovitch, ne trouvant pas cette fois le boulon convenable, entreprit d’adapter un pivot à la réalisation d’un filetage et il y serait parvenu, car il ne perdait jamais patience, mais on lui dit :
– Eh, 8 pour un filetage, viens donc prendre ton boulon !
Depuis lors Zakhar Pavlovitch eut pour sobriquet "8 pour un filetage", mais on le dupa désormais moins souvent lorsqu’il eut un besoin urgent d’outils.
Ensuite personne ne sut que Zakhar Pavlovitch préférait ce sobriquet à son nom de baptême : il rappelait une partie importante de toute machine et semblait intégrer corporellement Zakhar Pavlovitch à cette patrie authentique où les pouces de métal triomphent des verstes de terre."
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Le soir Dvanov alla voir Choumiline ; à ses côtés beaucoup d’hommes marchaient à grands pas vers leurs bien-aimées. Les gens s’étaient mis à mieux se nourrir et ils se sentaient une âme. Quant aux étoiles, elles ne séduisaient pas tout le monde – les habitants étaient las des grandes idées et des espaces infinis : ils avaient acquis la conviction que les étoiles pouvaient se transformer en une mince poignée de millet – celle du rationnement – et que le pou du typhus montait la garde près des idéaux.
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- Ne me fourvoie pas, camarade Dvanov. Chez nous tout se décide à la majorité et presque tout le monde est illettré et il arrivera un jour que les illettrés décideront de désapprendre l'alphabet à ceux qui le savent - pour l'égalité universelle ... D'autant plus qu'il est plus commode de faire désapprendre l'alphabet à peu de monde que d'éduquer tout le monde à partir de zéro ! Que le diable s'en charge ! Tu peux toujours leur apprendre, ils oublieront tout ...
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Kopionkine alla dans la cour rejoindre son cheval. Ce cheval possédait une complexion massive et était plus propre à transporter des poutres qu’un homme. Accoutumé à son maître et à la guerre civile, le cheval se nourrissait de haies vives, du chaume des toits et se satisfaisait de peu. Cela dit, pour se rassasier il consommait par moments une demi-livre de bois jeune promis à la coupe, puis buvait dans une marre de la steppe. Kopionkine respectait son cheval et l’honorait de la troisième classe : Rosa Luxemburg, la Révolution et ensuite son cheval.
– Salut, Force Prolétarienne ! dit Kopionkine à l’adresse du cheval qui haletait, gavé qu’il était de nourriture grossière. Allons sur la tombe de Rosa Luxemburg !
Kopionkine espérait et croyait que toutes les œuvres et les chemins de sa vie menaient à la tombe de Rosa Luxemburg. Cette espérance réchauffait son cœur et provoquait la nécessité quotidienne d’exploits révolutionnaires. Chaque matin Kopionkine ordonnait à son cheval d’aller vers la tombe de Rosa Luxemburg et sa monture était si faite à ce mot de "Rosa" qu’elle y voyait un cri pour aller de l’avant. Après les sons de ce "Rosa", le cheval se mettait aussitôt à trépigner où que ce fût : marécage, fourrés, abîme des congères neigeuses.
– Rosa-Rosa ! murmurait de temps en temps en chemin Kopionkine et le cheval tendait les forces de son gros corps.
– Rosa ! soupirait Kopionkine et il enviait les nuages qui filaient du côté de l’Allemagne : ils passeraient au-dessus de la tombe de Rosa et de la terre qu’elle avait foulée de ses souliers.
Pour Kopionkine toutes les directions de toutes les routes et de tous les vents couraient vers l’Allemagne ou, dans le cas contraire, faisaient le tour de la terre pour tomber sur la patrie de Rosa.
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Tous les cinq ans, le village partait pour moitié à la ville et à la mine, pour moitié dans les bois : il y avait des années de disette. On sait depuis longtemps que, même dans les années de sécheresse, les herbes, les légumes et le blé poussent bien dans les clairières de la forêt. La moitié du village restée sur place se jetait sur ces clairières, préservant ses blés verts d’une spoliation instantanée due à des torrents de chemineaux faméliques. Mais cette fois la sécheresse s’était répétée l’année d’après. Le village ferma ses chaumières et gagna la grand-route en deux équipes – une s’en fut mendier à Kiev, l’autre s’embaucher à Lougansk ; d’autres enfin se détournèrent vers la forêt et les ravins embroussaillés, se mirent à manger de l’herbe crue, de l’argile, des écorces, et ils s’assauvagirent. Il n’y eut presque que des adultes à partir – les enfants étaient morts d’eux-mêmes, à l’avance, ou s’étaient dispersés aux quatre vents pour mendigoter. Quant aux nourrissons, c’étaient leurs mères nourricières qui les avaient achevés, en les empêchant de téter à leur faim.
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