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Critique de moravia


Pourquoi un matin, un jeune garçon de 17 ans décide de tuer un homme à l'ambassade d'Allemagne à Paris ?
Herschel Grynszpan est citoyen polonais, vivant en Allemagne en pleine crise économique et identitaire. Son statut de Juif est un lourd fardeau qu'il ne veut plus porter. Même si un instant il a songé à l'exil en Palestine, c'est vers la Belgique qu'il se dirige puis vers Paris où il arrive à l'automne 36.
À Paris sa situation reste précaire car il ne parvient pas à obtenir ni carte de séjour ni carte de travail et malgré l'entraide qu'il trouve dans sa communauté il sait qu'il est en sursis.
L'année 1938 va confirmer ses craintes avec en mars l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazi. La situation des juifs empire d'autant qu'aucune réaction ne vient de France ou d'Angleterre pour protester. Les divers gouvernements font le dos rond. Le coup de grâce va venir de Pologne qui retire la nationalité polonaise à tout individu installé à l'étranger depuis plus de cinq ans. Ainsi brusquement, 12000 Juifs polonais vivant en Allemagne deviennent apatrides. La famille d'Herschel Grynszpan en faisait partie et par conséquent lui aussi.
Tout se précipite quand il reçoit un courrier de sa soeur lui relatant par le détail l'expulsion de sa famille d'Allemagne vers un camp polonais : "jeudi soir à 21 heures, un schupo est venu chez nous et nous a déclaré que nous devions nous rendre au commissariat de police, en apportant les passeports. Tels que nous étions, nous sommes allés tous ensemble au commissariat de police accompagnés du schupo. [..........]
On ne nous a plus permis de rentrer chez nous. J'ai supplié qu'on me laisse retourner chez moi, pour chercher au moins quelques objets. Je suis alors partie accompagnée d'un schupo et j'ai emballé dans une valise les vêtements les plus indispensables. Et c'est tout ce que j'ai sauvé. Nous n'avons pas un pfennig. Ne pourrais-tu pas nous envoyer quelque chose à Lodz ? Baisers de nous tous. Berta."
Ces nouvelles plongèrent le jeune Herschel dans un profond désespoir. Et pourtant ce n'était rien par rapport au témoignage que fit son père quelques années plus tard au procès Eichmann où il raconta le long calvaire qu'ils connurent pour arriver jusqu'en Pologne.
Herschel Grynszpan pourra en avoir un petit aperçu le lendemain en parcourant les pages d'un journal yiddish dans lequel un correspondant en Pologne détaille la situation dramatique des Juifs.
Dès lors une seule pensée l'obsède : venger les siens.
Il se rend dans une armurerie pour faire l'achat d'un pistolet. L'arme en poche il se dirige vers l'ambassade d'Allemagne dans laquelle il parvient à rentrer sans aucune difficulté, et sous un prétexte fallacieux demande à rencontrer l'ambassadeur. Celui-ci absent, c'est l'un de ses secrétaires qui va, destinée fatale, le recevoir.
Herschel Grynszpan, sans doute émotionné, vide son chargeur sur l'homme, mais ne l'atteint que de deux balles, dont une seule le blesse grièvement. Aux cris de la victime des secours arrivent, Herschel Grynszpan se laisse arrêter sans avoir fait le moindre mouvement pour s'enfuir.
Je vais stopper là mon récit afin de laisser aux futurs lecteurs le plaisir de découvrir la suite et parlons du livre que j'ai reçu lors de l'opération masse critique de septembre. J'en remercie Babelio, et davantage encore les éditions "le murmure" qui ont édité un livre que j'ai beaucoup aimé. J'ai tout d'abord été très sensible à l'esthétique de la couverture, à la qualité du papier, au grain qui enchante les doigts, aux illustrations qui accompagnent le texte. Mais pas seulement.
Morgan Poggioli, l'auteur, est un historien et chercheur qui pour la première fois écrit un roman. L'éditeur aurait même pu employer, à l'image de ce qui se faisait autrefois pour certains livres, le terme de roman vrai.
Herschel Grynszpan n'est pas sortie de l'imagination de l'auteur, il est bien réel, il a été un acteur dans l'histoire de la seconde guerre mondiale et dans la persécution des juifs. Le talent de Morgan Poggioli c'est de s'être effacé en utilisant le JE pour dérouler le récit. C'est ce jeune juif qui parle, qui pense, désespère et agit. le lecteur devient Heschel Grynszpan au fil des pages et cela il le doit à l'auteur qui a su utiliser les rares informations qu'il a pu collecter dans sa recherche historique sans jamais se laisser entraîner dans l'approximation ou le fantasme.
J'espère que Morgan Poggioli va persévérer dans le monde romanesque, car ce premier livre est une belle réussite et je vais garder en mémoire le nom des éditions "le murmure" qui ne sont pas tombés dans le piège de l'utilisation d'une couverture racoleuse comme on en voit trop souvent aujourd'hui. C'est cela avoir la classe.
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