Il voulait prendre la mer. Je la contemple: enveloppante et menacée, tout en contrastes fluides, matrice profonde et tiède d'un monde à part entière, elle est le centre des tempêtes. Le calme à peine revenu, elle devient d'huile. La mer sidère.
Pour Antigone, l’existence n’est abordable, ne peut être vécue et réfléchie, que de cette limite où, déjà, elle a perdu la vie qui aurait pu être la sienne, où, déjà, elle est ailleurs, en deçà ou au-delà, mais de là, elle peut la voir cette vie, et la vivre – malgré tout -, sous la forme de quelque chose qu’elle aurait déjà perdu. Peut-être est-ce d’ailleurs l’illusion, le sanctuaire halluciné dans lequel n’importe qui campe lorsqu’il lit ou travaille, lorsqu’il écrit, les enjeux sont ceux-là, peut-être : renoncer, violer, franchir les limites, se recueillir, dire non, exhumer des hantises et enterrer des morts, et le faire, si possible, dans une liturgie païenne et froide qui n’appartient qu’à soi.
Je pense à Fesch, à la mère de mon père. Ils me sont inconnus mais me hantent, se rejoignent, palpitent et se serrent l’un près de l’autre en moi comme un organe malade. Je ne comprends pas pourquoi. J’avance pas à pas, page après page.