AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de isanne


Ouvrir un livre de Richard Powers, c'est un peu ouvrir une boite de Pandore ou peut-être, dit d'une autre façon, c'est accepter de saisir le miroir qu'il nous tend. Miroir qui donne à contempler le reflet de nos sociétés, le détail de nos certitudes, la valeur de nos choix. Miroir qui nous parait souvent déformant parce qu'il nous renvoie une bien laide image de ce que nous sommes et de ce que nous faisons de ce qui nous environne, de l'indifférence avec laquelle nous traitons notre prochain.
C'est en tout cas ainsi que j'aborde chacun de ses livres. Ils me perdent parfois, me font revenir en arrière, chercher dans d'autres documents certains détails pour approfondir... Bref, Richard Powers sait rendre curieux son lecteur.

générosité ne déroge pas à la règle : l'histoire de cette jeune femme kabyle qui serait toujours "en joie" n'est qu'un voile qui se soulève, n'est qu'un chant berbère qui murmure pour mieux questionner sur comment l'homme vit au monde, comment il se comporte au sein de la nature, sur la manière dont il écrit le mot "progrès" pour l'humanité.

C'est un livre qui interroge sur la nature des pouvoirs de la science.
Si elle permet des avancées pour l'humain, elle peut aussi devenir l'objet d'un enjeu économique et financier sans foi ni loi uniquement assujetti à la génération de capitaux toujours plus élevés. L'éthique peut être balayée, la conscience étouffée, certains scientifiques étant beaucoup moins scrupuleux que d'autres.
La science peut rendre libre, peut être source d'avancées propices au genre humain, elle peut aussi devenir contrôle omniprésent, quand elle veut à tout pris tout gouverner, tout diriger, tout programmer et alors de liberté, il n'y a plus que le souvenir et la vie devient un prison désignée. La science qui permet de tout choisir, de tout décider provoque un désir toujours plus intense de posséder davantage, d'écrire sa propre définition du mot "humain" en fonction des finances dont on dispose...

C'est aussi une mise en regard du pouvoir là encore néfaste ou bénéfique qu'offre désormais l'utilisation et les ramifications d'internet.
Amour et haine s'y déchaînent, aussi vivement intenses que violents. Internet dit ce qu'il faut répéter, ce qu'il faut penser. Internet choisit, l'humain entérine...

Et puis, le regard des médias, leur pouvoir toujours, leur côté manipulateur.
Là encore, un milieu dans lequel on ne s'embarrasse guère, parfois, de scrupules. Un serpent qui se contorsionne pour mieux posséder les idées et les régenter, une façon de juger qui se voudrait universelle et infaillible...


En filigrane comme autant de pauses dans le récit, un écrit dans l'écrit quand il est question d'écriture littéraire, justement, de ses fils, de ses bifurcations, de ses choix par celui qui rédige pour emmener le lecteur à tel ou tel endroit de telle ou telle façon.

Reste, et c'est aussi une constante sous la plume de cet écrivain, la présence d'êtres lumineux, rencontrés au fil des pages, d'êtres qui font encore espérer que l'innocence, le bon-sens et l'honnêteté n'ont pas encore complètement quitté les replis de l'âme humaine. Et qu'il ne faut pas se résigner aux faux pas de ces civilisations dites avancées, et garder l'espoir d'une société meilleure et plus juste dans laquelle l'étranger aura une place non de "montré du doigt" mais de "privilégié à nos yeux".

Thassa, le personnage central de ce récit, est Kabyle, dans une Amérique qui ne parvient déjà pas à accepter tous ceux qui sont nés sur son sol, elle dérange par sa façon personnelle d'appréhender le monde malgré ses chagrins passés, elle renvoie chacun à ses désirs, à ses exigences d'une vie facile qui ne serait finalement qu'une marche vers d'autres exigences pour frôler la perfection. Mais la perfection, quelle en est la définition, en fait ? Et peut-on tout lui sacrifier ? Et puis, faillir n'est-ce pas l'écriture de l'existence de tout homme ? Certains seront moins fragiles que d'autres...


Un livre qui bouscule, qui déroute par sa construction qui est tout sauf linéaire, mais qui oblige à réfléchir !
Commenter  J’apprécie          5310



Ont apprécié cette critique (51)voir plus




{* *}