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Critique de Nicolas9


Une jeune femme de 23 ans qui publie de la poésie, c'est quelque chose de relativement courant. Mais, si on sait qu'en plus il s'agit d'une athlète et skieuse de haut niveau, membre du conseil d'administration du FC Barcelone, journaliste reconnue et féministe convaincue, on se dit qu'il s'agit d'un personnage pour le moins intrigant. A fortiori s'il est né en 1907 en Catalogne!

C'est d'ailleurs cette apparente incongruité qui pousse le narrateur à partir sur les traces d'Ana Maria Martinez Sagi, une poétesse incroyablement en avance sur son temps. Avec la complicité de Tabares, son ami bouquiniste, il entame un véritable travail de limier pour essayer, avec soixante-dix ans de décalage (nous sommes en 1998) de reconstituer les morceaux du puzzle de la vie de cette comète appartenant à « une génération immolée par la Guerre civile, condamnée à finir dans la fosse où croupissent les utopies ».

Sans trop vouloir dévoiler l'intrigue et ses nombreuses ramifications, je confesse que cette enquête sur un personnage attachant ayant sillonné tout le vingtième siècle m'a tour à tour captivé, fait rire aux éclats et surtout beaucoup ému.

Il faut dire qu'avec son écriture dynamique et délibérément irrévérencieuse, Juan Manuel de Prada sait comme personne redonner vie à des figures historiques souvent totalement inconnues du lecteur francophone.

Heureusement, le romancier né en 1970 ne se limite pas à la « grande histoire ». Il nous immerge avec beaucoup de délicatesse dans la psyché de ce personnage tourmenté qui aura traversé plusieurs existences et enduré des souffrances qu'il faut probablement avoir expérimentées soi-même pour en mesurer les ravages.

Cela dit, on ne ressort aucunement déprimé de ces quatre-cents pages, mais au contraire ébloui par le courage et la résilience hors du commun de cette femme décidément inclassable. Si j'en avais les moyens, je lui érigerais une statue sur les Ramblas de Barcelone. Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, le féminisme ne m'interpelait pas spécialement. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais !

Pour terminer, je vous laisse en compagnie d'un poème d'Ana Maria Martinez Sagi qui m'a particulièrement plu. Il s'intitule « Imploration ».

Que la Mort
me laisse
près de l'eau claire
près de la pousse verte.
Que jusqu'à mes os
arrive
la lumière
des ponants
le murmure du fleuve
les douces aiguilles
de la pluie. Que le vent
des forêts sauvages
me comble de parfums
de pollen et de semences.
Que le coup ferme et dur
de la pioche résonne
dans mes entrailles incultes
dans mes seins de neige.
Que le soc de la charrue
dans les sillons ardents
ouvre des rigoles d'or
dans mon corps gisant.
Que la Mort
me laisse
transpercée de soleils
et de rumeurs chaudes.

(Jalons dans le brouillard, 1939-1967)
Lien : https://fr.wikipedia.org/wik..
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