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Critique de CorinneCo


Au détour d'une ruelle, à peine éclairée par la lumière d'un lampadaire, dans le silence ponctué de pas s'éloignant au loin, dans la nuit, une nuit sans étoiles, sombre et douce, peut-être devinerons-nous, appuyé contre un mur, la silhouette de Corto Maltese. Silhouette furtive, immobile, sitôt vue, sitôt disparue dans les venelles de Venise. Dans cette nuit vénitienne lointaine, je trouvais idéale cette apparition du marin maltais  : les rues, ponts, ruelles, vides, la nuit noire avec un croissant de lune tellement fin dans un ciel sans étoiles et des pas qui s'éloignent.... L'attente d'un mystère, le rêve d'un mystère, un peu comme dans Fable de Venise. Corto Maltese, marin, peut-être brigand, aventurier frénétiquement libre ; Corto lancé une fois de plus dans des péripéties peuplées d'individus de tous bords, d'histoires mythiques, de réalités fantastiques. Difficile d'aborder ce récit où le rêve le dispute à l'authenticité ; Peut-être faut-il demander conseil au lion du Pirée devant la porte de l'Arsenal de Venise ? Sous les instances du Baron Corvo, Corto Maltese se lance à la recherche de la « Clavicule de Salomon « , cherche-t-il la pierre précieuse ou les grimoires magiques  ? C'est un défi que lui lance de l'au-delà le défunt Baron. A travers les arcanes de Venise, Hugo Pratt nous entraîne dans « sa Venise » ; les cours secrètes, les ponts magiques, les façades énigmatiques des palais décrépis ; les portes du Ghetto ; les statues savantes ; la brume qui s'élève des canaux. Un dessin élégant ou le noir et le blanc accentuent l'ombre et la lumière. L'Histoire mêlée à la fable, les personnages réels et fictifs, rencontres improbables pour une sarabande du secret. Des squadristes aux francs-maçons, d'une jeune fille qui se croit la réincarnation d'Hipatia au poète D Annunzio, d'une jeune femme ressemblant à Louise Brooks au savant Melchisedech spécialiste des écritures anciennes, Corto Maltese détricote la pelote du songe, de ses songes. C'est un contemplatif toujours prêt à l'action. Peu bavard, il écoute, observe, ce qui ne l'empêche pas de courir sur les toits, de se bagarrer ; Assoupi et soudain vif comme un chat. D'ailleurs Corto parle aux chats, aux puits de pierre qui ornent les campos vénitiens, quoi de plus normal…. Corto est comme Venise, sans vraie terre d'attache ; L'un est bercé par un goût vagabond de l'aventure, sans but réel, sans idéologie précise, définitivement à l'aise dans la vulnérabilité des instants, dans l'éclat d'un désordre qu'il alimente et attire ; l'autre est bercée par l'Adriatique. Chez Hugo Pratt le temps est suspendu, on regarde un nuage qui passe, une mouette, l'éclat de la lune se levant sur la lagune, la fumée de la cigarette de Corto s'enfuyant dans l'air. Hugo Pratt est adepte du gros plan, du très gros plan ; il découpe l'espace visuel, le temps. Au lieu de ralentir son récit il y apporte un tempo qui sied à son personnage principal. Il mélange les lieux, les déplace dans un puzzle idéal, les renomme  ; Mais c'est toujours la ville de son enfance, la ville de son coeur d'enfant. Venise labyrinthique, entre Orient et Occident, où les civilisations se sont rencontrées et mêlées dans un fragile équilibre. Venise souffle dans l'oreille de Corto des mystères qui se perdent dans la nuit des temps....
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